
La saga absolue de Philip Roth par Olivia-Jeanne Cohen
Olivia-Jeanne Cohen « Saccages Regards sur American Pastoral de Philip Roth », Editions Unicité, Saint-Chéron, 2025, 44 p., 10 E.
Olivia-Jeanne Cohen en une quarantaine de pages a su condenser l’existence de Philip Roth et son chef d’œuvre absolu la « Pastorale américaine ».
Avec son narrateur-type Nathan Zuckerman, son héros aura erré sans but et parfois sans lui-même, même s’il pouvait être couronné en homme parfait.
Mais l’essayiste démonte le mécanisme de Roth pour pénétrer les arcanes du psychisme de son héros, ses fiertés, ses illusions, ses névroses, sa sexualité, ses fantasmes, etc. Rien n’est épargné par un tel analyste. Et il a sidéré l’essayiste comme elle sonne ses lecteurs.
Le narrateur montre la grandeur et la décadence, les victoires et les échecs de son héros dont dans certains de ses plis de l’âme où existe parfois en « prime » plus d'amour, d'envie, d'espoir, d'ambition et même pas d'égoïsme dans une société américaine dézinguée où se cachent lassitude et indifférence ».
« Le Suédois » finit marginal au monde, marginal à lui-même, proche de certains personnages de l’égal de Zweig et Musil. Il a tout compris de l’annihilation d’une civilisation – c’est du moins par l’entremise de son narrateur.
Son ironie est féroce en éprouvant la terrible condition de l’homme.
Roth crée donc le modèle de l’être sans illusion. Il s’interroge aussi sur la tyrannie exercée sur l'individu par un monde occidental sacrifiant au veau d’or des progrès techniques, de l’argent, du profit et de la réussite.
Là où une telle gouaille dépote, le roman est magistral. Et Zuckerman demeura un des masques de l’auteur de cette saga.
Sa fable et sa critique sociale trouvent une dimension impressionnante.Maître de l’humour romanesque, Roth dénoue bien des pièges de l’âme. Olivia-Jeanne Cohen souligne la force d’une telle vague textuelle qui traverse et poursuit de pages en pages la maladie de l’identité et celle du sexe dont nul ne se remet ou si peu.
L’Amérique s’ouvre aussi à sa béance, son énigme à travers divers milieux de Newark.
Le monde juif bien sûr, cocon ou creuset de l’œuvre, s’élargit au delà sur une vision de New-York dont héros et héroïnes deviennent castors ou grands hérons de la civilisation urbaine. L’essayiste souligne le localisme qui insère dans un lieu précis, il fait de ce roman la grande épopée.
Jean-Paul Gavard-Perret
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