Les articles de Jean-Paul Gavard-Perret

Artiste juive : Andelu et l’existence de la peinture

Artiste juive peintre Andelu

Artiste juive : Andelu et l’existence de la peinture

1) La peinture et la vie ininterrompues en dépit de la Shoah. Que se passe-t-il dans l'état où l'union, la vie ensemble semble parfois au point mort ? Y a-t-il encore une vie en gestation ? Comment peut-on la qualifier ? C’est ce qu’Andelu explore

2) Lenteur et vitesse : une certaine écriture à côté des surfaces plutôt unies. Pourquoi les séparer ou pourquoi les unir ? L’artiste fair remonter son art, via le jazz, jusqu’au Mendelsohn des Romances sans paroles : Des sons tenus presque comme s'ils ne voulaient pas être lâchés tant la douceur retient.

D’autres sons très forts, exagérément forts par une intensité qui accapare, déborde. C’est là où la peinture d’Andelu « joue ».

3) De grands blocs de couleurs. La peinture est faite d'errances et de descriptions de la nature et de ce qui la tue (jusqu’aux éoliennes). Désir pur, sous-tendu dans la peinture, d'un âge d'or qui anime toujours l'acte de peindre dans des séries et qui disent par là l'incomplétude de chacun home debout mais de guingois ou à la renverse, tête-bêche.

4) Formes stylisées de corps juxtaposés ou opposés. Et pour pallier le manque, il y aurait entre eux comme une légende qui ne sera pas écrite. Des formes dont les traits se chevauchent jusqu'à quelquefois les annuler. Le tragique presque : il s’agit de détruire abolir par le souci de vérité de l’Histoire. Plus besoin de mots pour le rire. Et le montrer.

5)Insistance, délicatesse : celle-là servira un peu afin que l'image ait tous ses attributs. Afin que le verbe “ voler ” ait tout son sens. L’homme s’envole mais pas comme chez Chagall. Seule la peinture - dans ses spirales qui émergent peu à peu en signe de force - garde le savoir et l'emprise en son envol.

6) Attente, espérance, proches l'une de l'autre : Andelu en devient l'ordonnatrice. il faut la voir au moment préparatoire de sa création. Comprendre ainsi ses vertus d’artiste.

7) Statisme. Sur fond bleu des lignes pour fermer, retenir. Un peu plus loin une courbe. Indications, repères, points de naissance, telles sont les directions que garde en tête la créatrice.

8) Dynamisme. Compléter le trait par la couleur, est-ce lui donner vie Jusqu'où aller dans ces “ vérités ” pour aller du clos à l'ouvert et à une création continuelle ?

Chaque fois trouver de nouvelles précisions. S'il y a durée, c'est plus dans la continuité du ou des “ sujets ” avec des avancées de couleurs, de lignes. Andelu propose une ou plusieurs naissances qui contiennent forcément l’abandon et la complétude. Ce sont les rênes de l'attelage pour chaquee toile.

Jean-Paul Gavard-Perret

Photographe juif :Chuck Samuels LE DYNAMITEUR

Photographe juif Chuck Samuels LE DYNAMITEUR

Chuck Samuels LE DYNAMITEUR
Le photographe Chuck Samuels vit et travaille à Montréal.
Depuis les années 80 il est devenu un photographe d’envergure internationale non sans raisons puisqu’il est un des iconoclastes les plus acerbes et ironiques .

Puisant son inspiration dans le cinéma, la psychanalyse, l'histoire de l'art, la publicité, les médias et les cultures souterraines (queer entre autres) l’artiste sème le trouble dans ses photographies aux narrations » multi plurivoques en utilisant autant le noir et blanc que la couleurs ou en jouant des hors champs ou des déformations de l'image.

Sous le titre « Before the Camera/Devant l'objectif » dans les années 90 il a présenté une série qui fit scandale au Québec.

L'artiste s’y fit son propre « modèle » en reconstitutions fidèles de douze photographies de nus féminins réalisées par des photographes très connus.
Samuel proposa à dessein une parodie criarde qui ouvrait la critique du rôle joué par le modèle devant l'œil du photographe lambda.

Le photographe ne cesse d’asséner ses coups de marteau photographiques. Il ouvre des controverses sur la « morale » que l’on peut accorder à son médium de prédilection. Le photographe aime dérouter plus que choquer. Les tabous sont secoués en différents amalgames volontaires.

L'œuvre milite - par la bande - contre le triomphe de ceux que le nu fait hurler ou saliver. Néanmoins le choc de ses photographies est un contre-feu à ceux que le médium se plait à fomenter.

A la violence implicite l'artiste dépond par sa propre cruauté et crudité. Son travail permet une réflexion sur la "valeur" et la puissance de l'image photographique en reposant les questions centrales : pourquoi ou comment photographier l'horreur ou le désir ?

Comment et pourquoi mettre en scène les forces d'Eros et de Thanatos là où l'image semble la plus littérale et la plus proche du réel ?

Ses photos où règne un mouvement du scandale posent le devenir de l'art, le "monstre" et l'humanité tumultueuse à laquelle Socrate voulut mettre un terme en lui offrant une éternité : entendons le Bien, le Dieu en un prélude ou plutôt une pré-lourdeur monothéïque.

Quoique souvent fustigées par les censeurs qui tapent fort là où l'on se demande parfois quel "mal" recèle de tels clichés, les photographies de Samuels sont bien moins scandaleuses que celles qui se plaisent à caresser le "goût" de la majorité.

Controversée l'œuvre renverse de manière crue, perverse et drôle l'enfer et le paradis. Nous sommes confrontés à une nouvelle subjectivité dans un univers qui - en une sorte de fin de l'histoire - se remet en mouvement.

Jean-Paul Gavard-Perret

Photographe artiste juive: Les révélations d’Ester Vonplon

Ester Vonplon photographe artiste juive

Les révélations d’Ester Vonplon

Ester Vonplon accorde au paysage une vision très particulière.
Surdouée la jeune photographe suisse invente des lieux d’abandon et de bouillonnement.
Le paysage semble mutique, catatonique : il suffoque ou halète dans une solitude abyssale.

Néanmoins quelque chose d’inconnu se passe. Loin des démesures de violence en surgit une plus sourde où s’affrontent des visions quasi mystiques.
Ondulations, grains de vertige peuplent l’univers aussi réel qu’onirique de l’œuvre qui échappe à toutes formules.

La photographe martèle des secrets, explore des territoires sur lesquels nul ne peut poser de noms. Reste ce qui survit aux déchirures et des réminiscences inconsciente qui agitent la mémoire collective des éliminations dont l’Histoire est remplie.

Celle qui fut d’abord snowboardeuse et skateboardeuse professionnelle, par une belle torsion de parcours, devint une des photographes les plus douées de sa génération.

Elle poursuit un parcours très personnel et solitaire. Volumes et surfaces que l’artiste saisit ne sont jamais dans l’œuvre un musée pour l’archéologie mais l’apparition d’une vision poétique qui pousse forcément à la méditation.

Ester Vonplon, „Gletscherfaurt“, Fomu, Anvers, du 26 juin au 4 octobre 2015
« Off the beaten track », Rencontres de la Photographie, Arles 2015.

Ecrivain juif : Jean-Claude Silbermann

Jean-Claude Silbermannn Jean-Claude Silbermann, L’étroit chemin du large,

Sur-vivance du surréalisme : Jean-Claude Silbermannn

Jean-Claude Silbermann, L’étroit chemin du large, RDLA, Villeurbanne, 2015, 15 E., « Langue de chat » même éditeur.

Chez Jean-Claude Silbermann les mots fusent afin que surgissent souvent l'abandon programmé du logos, l'absence, la nécessaire absence, l’éclatement retenu d’une combustion intime, une adhérence étroite mais aussi la perte d'un contrôle.

Il fait sentir des présences où la terre est fertile, où la terre est sauvage. Mais très vite ces attributs n’ont plus de sens. Nous sentons une présence. C’est tout.

Elle n’a rien de forcée. Les mots font donc bien plus que proposer « du » discours.
Sur eux on ne peut mettre d’images puisqu’ils ne sont pas fait pour ça. Ils sont là pour pénétrer d’une manière moins discursive au sein du secret du monde. Ils nous mettent en répons en nous faisant voir d’étranges radiations et atteindre d’autres gradients

Surréaliste « attardé » (mais en rien demeuré) Jean-Claude Silbermann a participé aux activités du groupe surréaliste de 1958 à 1969 et commença à peindre des « enseignes » en 1962 après avoir découvert la silhouette en bois d’un porteur de menu devant un restaurant.

Il double son activité de peintre par celle de « poète ». « L’étroit chemin du Large » et « Langue de chat » permettent de découvrir ou redécouvrir une œuvre majeure.

Le premier des deux livres est défini ainsi par l’éditeur : « ces écrits imposent de nouer solidement les lacets de ses chaussures avant de prendre un chemin si chaotique qu’une chute due à un défaut de laçage laisserait le lecteur désemparé, dans un délaissement dont nous déclinons par avance toute responsabilité »

La voix du monde sort des mots de Silbermann mais de manière plus naïve et sourde. Plus profondes. Car ses mots sont dégagés de toute « intention » rationnelle. Ils font de la pensée ardente par l’inconscient qui préside à leur naissance.

Il faut accepter leur périple comme une dérive sans réponse. Juste la sensation. Rien que ce voyage, ce retour sans l'aller. Vagues de vagues en un détour(nement). Entre, par les mots : les émotions. Quelque chose a lieu.

La recherche d'un centre à peine perceptible. Le balancement. La berceuse. C'est là et ça insiste. La poésie fait ce que les images ne font pas qui ramène à un monde inédit ou plutôt premier qui ramène à la question : Qu’était le monde avant le langage ?

Jean-Paul Gavard-Perret

Photographe juif : Patrick Faigenbaum et le proche et le lointain

Faigenbaum Patrick photographe juif

PATRICK FAIGENBAUM ET LE PROCHE ET LE LOINTAIN

Patrick Faigenbaum - Fondation Henri Cartier-Bresson. ...

Patrick Faigenbaum a d’abord suivi une formation de peintre dans une école graphique de Paris. La peinture reste toujours présente et nourrit le travail de l’artiste - mais en filigrane. Depuis 1972 - époque où il achète un petit Nikon - il a commencé à photographier d’abord sa mère, sa boutique.

Et progressivement le cercle de ses images s’est agrandi au paysage. Ses premiers portraits sont créés à la façon de Richard Avedon : ce sont des figures isolées sur fond blanc.

Puis en 1977 la rencontre du photographe Bill Brandt est déterminante. Le Londonien l'incite à ne plus neutraliser le cadre de ses portraits. Leur pleine identité va désormais tenir autant à eux qu’à leurs lieus auxquels l’artiste va donner un visage.

Patrick Faigenbaum s'attarde plusieurs fois en Italie: Florence, Naples et Rome. Et la reconnaissance va venir de ce pays. Il crée une série de clichés de l'aristocratie italienne. Son travail sur les grandes familles romaines et napolitaines est constitué de portraits de groupes.

Toute l’histoire, la tradition, la position culturelle et sociale de ces lignées illustres est saisie autant avec un enchantement charmeur qu’avec une distance critique. Les êtres y sont parfois presque noyés dans leur décor.

Emane un étrange effet de proximité et d’éloignement, de complicité et de mise à distance Les uns faisant le jeu des autres et vice versa. Le tout en une certaine froideur majestueuse.

Le photographe publie plusieurs ensembles d'images prises dans diverses régions ou villes d'Europe: Brême, Barcelone, Tulle, Prague, la Sardaigne. Puis il retourne à Paris : « J'avais besoin de certaines images qui allaient décrire un peu l'environnement dans lequel j'habite » précise-t-il. Et comme il y avait des travaux dans son quartier il capte les ouvriers qui creusent le sol. Puis il étend sa quête à la périphérie de la capitale.

Dans « la Vie Romantique » il évoque la capitale et sa banlieue. Toutefois le Faigenbaum photographe parisien avec ses terrasses de Saint-Germain-en-Laye, sa banlieue grise d’Orly-Ville ou ses architectures aiguës de Nanterre reste moins pertinent que le photographe de l’aristocratie italienne.

Paris et sa périphérie feraient presque un peu carte postale même si les cadrages particuliers de l’artiste échappent au simple pittoresque. Sa vue du « Parc des Buttes Chaumont » (2010) retrouve une densité par le simple rappel d’une figuration humaine anonyme.

Toutefois Paris est presque trop proche. Faigenbaum n’est jamais aussi pertinent que lorsqu’il existe entre lui et son sujet une certaine distance. D’om ses récents travaux en Inde avec des portraits et paysages des plus vibrants et mystérieux.

Cela tient à la problématique même de l’artiste. Il la définit ainsi : « J'ai de plus en plus peur de photographier une personne car je suis confronté à l'angoisse de vider cette personne de la charge qu'elle peut contenir ». Dès lors tout se joue dans la recherche de la bonne distance – jamais donnée à l’avance – entre le photographe et son sujet. C’est lorsque ce qui proche devient lointain et que le lointain devient proche que la photo est réussie. Mais la ligne de partage est complexe.

Jean-Paul Gavard-Perret

Jacques Broda et la lumière noire de la Shoah

Jacques Broda, “ Et le… pain du visage ”,

Jacques Broda et la lumière noire de la Shoah.

Jacques Broda, “ Et le… pain du visage ”, Passage d’Encres, Romainville, 46 p, 15 E.

La philosophie est le fil conducteur qui sous-tend la démarche de Jacques Broda.
Ce professeur de sociologie à l’origine des « univers-cités populaires », envisagées dès 1992, ne cesse de s’y appliquer.

Dans des ateliers d’écriture qu’il anime ou dans ses travaux de recherche il propose de s’appuyer sur la pensée d’Emmanuel Levinas et le concept « d’immémorial ». Il s’interroge face à une crise du politiques sur les moyens d’agir.

Ami d’Armand Gatti avec lequel il coopéra pour “ Chants d’amour des alphabets d’Auschwitz ”, Jacques Broda écrit avec “ Et le… pain du visage ” son livre le plus fort dans lequel il “ glisse sans appel dans la faute de l’histoire ”.

C’est un théâtre d’ombre où les visages disparus dans les camps reviennent le hanter.
Ils lui réapparaissent rajeunis, vieillis ou sans âge.

L’auteur les évoque comme s’il obéissait à un commandement et à une menace.
A la fois contre et paradoxalement la mémoire et l’oubli : l’une se mêle à l’autre dans la langue ou plutôt l’idiome de la langue française, métissée de rumeurs qui reviennent par contagion en surgissant dans la “ moelle ” de l’auteur au nom (entre autres) des “ taliths ” vu par l’auteur à Auschwitz.

En un tel texte rarissime, la langue bégaye, mange ses mots, laisse sans voix.

Elle devient le montage des mots des morts connus ou méconnus.

L’auteur les évoquent non pour lutter contre l’oubli mais pour tenter de vivre enfin (peut-on dire en paix ?). La rencontre des mots et des morts devient plus poignante que même chez un Primo Levi. “ Complice ” d’une certaine manière de l’impensable, cette langue profère des mots de haine et d’amour.

Elle porte la laideur de certains hommes. Elle chante les femmes disparues. Elle n’est pas pour autant le recueil de l’Etre : il n’y a pas plus d’Etre que de Dieu.

Si au commencement était le Verbe, à la lumière noire de la Shoah, c’est le Verbe sans Dieu. Broda ne croit qu’en la seule immanence de la langue, en amont et en aval de lui, dans la vie qui se continuera chez ceux qui viendront après lui.

Pour l’auteur le poème devient un devoir de mémoire. Un devoir d’amour aussi : le souvenir atteste la fidélité aux figures disparues. Est-ce alors la voix du poète qui dicte le texte en avant de lui, qui parle dans sa bouche avant qu’elle ne s’ouvre ? A ce point on ne peut le dire.

Reste cette mélopée majeure où la langue et la voix disparaissent sans être absentes.

Elles sortent de l’ombre et de la nuit du temps : tout s’y estompe tout s’y éclaire.

C’est un théâtre d’ombre. Ecrire revient à vivre et mourir. Plus question de faire de choix entre ces deux verbes. Ils nous enseignent combien l’écriture ne se saisit que dans ce qui “ broda ” l’enfant : dans la force de l’âge celui-ci “ dit, nie, lie à la fois ”.

Ses mots alignés comme des bouts de réel, comme des tombes portent dans leur être la musique intérieure d’un écrivain devenu par ce livre un poète rare.

Jean-Paul Gavard-Perret

Artiste juif :Robert Mapplethorpe Il ne faut croire qu'à ce qu'on voit les yeux fermés

Robert Mapplethorpe, photographe juif et artiste

L’intime selon Mapplethorpe

Robert Mapplethorpe, Kiasma Museum of Contemporary Art, Helsinki, Finlande

Contrairement à ce qu'on a trop souvent affirmé Mapplethorpe, à travers ses photographies, a toujours prouvé qu’entre la chair et son reflet, l'image est une peau.

Pour lui la possibilité d'attache à la présence par l'image ne satisfait que le voyeur. S'en tenir là " c'est non seulement remettre à demain ce qu'on peut faire le jour même mais aussi ne plus rien posséder de la sensualité qui reste à et en soi - sinon le vice" disait l’artiste.

Robert Mapplethorpe, photographe juif et artiste

Robert Mapplethorpe, photographe juif et artiste

En conséquence, il a voulu montrer le déchirement qui sépare et affronter le conflit du réel avec son plus "juste" reflet. C'est pourquoi chez lui la nudité est indémêlable de l'image qui l'expose.

Selon l'artiste américain , "la gourmandise que le portrait engage est l'empreinte vive d'un seuil à franchir mais il ne convient pas qu'elle devienne consciente".

C'est là toute l'ambiguïté entre la poétique et la poésie iconographiques du créateur.

Pour lui la forme artistique n'a pas une dignité plus forte que la matière-corps saisie et captée. L'artiste sait qu'en devenant voyeur nous nous faisons masochistes car la vision exclut le plaisir de la caresse : le corps et le désir se tendent pour ce qui n'arrive pas. Nous ne gardons ainsi que la chimère, sa lumière et sa suffocation.

Mapplethorpe sait donc combien il ne faut pas croire à ce que l'on voit : "cela ressemble trop à ce qu'on espère. Il faut fermer les yeux d'autant que ce n'est plus simplement le visage qui reste dans le regard" écrivait-il.

Pour lui dans la charge photographique d'un corps ne subsiste déjà plus qu'un souvenir. Elle est donc sans accès sinon sans effets. Et l'artiste d'ajouter : "Il ne faut croire qu'à ce qu'on voit les yeux fermés".
En cela la photographie est avant tout amour de soi dans l'affect qu'elle nourrit tant elle rassemble de désirs narcissiques. Finalement dans le nu, on voit tout, on ne voit rien. Celui qui regarde n'observe que l'image dans la nuit de se son être et échappe à la nudité qui l'atteint.

Ecrivain juif : Jean-Pierre Faye révision de l’Histoire par la poésie

écrivain juif Jean-Pierre Faye lanceur d'alerte poésie pliée

Faye révision de l’Histoire par la poésie

Jean-Pierre Faye, « Couleurs pliées », Notes de Nuit, Paris, 160 pages, 19 Euros.

Fabian Gastellier avec « Notes de nuit » tente de le ramener à nous l’œuvre totale de Jean-Pierre Faye.
Y aura-t-il assez de « lanceurs d’alertes » pour la ramener au nouveau siècle ?
Elle reste notre isba de l’être mais demeure inhabitable. Plus que de montrer elle nous immole, nous plonge dans l’impasse impavide dont nous ne sommes jamais sortis. Sur ce qu’elle insémine, il y a des seuils, mais il faut des voix pour signaler leurs voies.

Faye dès1965 osa un tel renversement des données du poétique. Cette volonté comme toutes celles de l’auteur fut ignorée comme si hors de la simple figure de style l’image, mère dit-on de tous les vices, s’ouvre par les couleurs et en leurs plis à l’inceste irrattrapable.

Néanmoins, idiote ou icône de la famille, innocente ou indécente, indigente ou indigne, l’image colorée telle que Faye la conçoit jusque dans la structure de son texte (deux parties : une lisible « à la normale » l’autre dans le sens perpendiculaire à celle-ci ) devient tout sauf l’infirmière impeccable de nos identités.

Le poète ne cesse d’infuser là où le « ça » travaille le plus une piqûre de couleurs hors ornementation afin que l’imagination morte imagine « laissant même / aux yeux leurs couleurs / laissant à ce qui voit / d’être vu » encore ici même, ici bas.

Ce qu’une telle poésie montre est à la fois proche et si étrange. Les « couleurs pliées » demeureront toujours ce qui nous précède et qu’il fait remonter sous formes d’îles flottantes et délices (ice-cream) ou icebergs cruels à la dérive.

Loin des invitations au rêve des amours enfantines Faye plonge par ses racines sur l’implicite de l’inconscient aussi individuel que collectif. La poésie dit le corps, le fait jaillir d’une manière inédite. Avec ses textes il rejoue le réel , il l’insémine. C’est la nuit de l’iguane, c’est la porte infernale où nous ne cessons de frapper avant la nuit, pour voir, pour croire voir, nous sentir exister.

Artiste juive:Elsa Sahal et les symboliques génériques

Sahal Elsa sculpteur juive

Elsa Sahal et les symboliques génériques
Exposition à la galerie Claudine Papillon du 29 Mai au 17 Juillet 2015

Plutôt que les grandes orgues des fleuves Elsa Sahal préfère les rumeurs des sources et des geysers où tout commence.
Cherchant l’essence des formes et multipliant leurs symboliques féminines et masculines dans un imaginaire d’érection et de repli, l’artiste fait de ses sculptures un univers vivant.

Il se refuse néanmoins à être une copie du réel. Animée de lucidité et de poésie, avançant en tâtonnant l’artiste lutte pour l’espoir contre les écrasements. Chaque sculpture interroge, interpelle. A chacun de se débrouiller, se dépêtrer dans leurs réseaux parcourus d'intensités diverses de mémoire, de pensée, de sensation, d'émotion, de rythme.
Surgissent la persistance du désir et la permanence de l'obstacle avec le poids de l'intellect et de l'expérience. Dans la liberté consciente de sa limite, de sa fragilité, dans le qui je suis, le si je suis, dans le je ne sais pas Elsa Sahal va au bout de l’image - jouant son jeu tout en refusant d’en suivre les règles apprises.

L'émotion demeure motrice : il ne s’agit pas de travailler dans l'ordre de la pensée mais en son au-delà : tenter de saisir sans comprendre. Ou presque. Dans le mouvement de vivre. Restent les remous, les convulsions, les « soubresauts » (Beckett) dans une tension qui néglige l’explication et la description pour la poésie pure : celle du corps réduit à ses fondements génériques.

Artiste juive : L’angoisse de l’être selon Sara Antoinette Martin

Sara Antoinette Martin artiste juive l'angoissante raison d'être

L’angoisse de l’être selon Sara Antoinette Martin

Les femmes de l’artiste de Brooklyn Sara Antoinette Martin sont apparemment nimbées de blancheur immaculée qui ferait presque d’elles des figurines étrangement « sacrées ». Elles expriment une sensation de l'ineffable et sont là pour lutter contre l’anxiété qui émane des corps.

A travers toute une iconologie gothique l’oeuvre pose la question du corps pris entre pulsion de vie et de mort. La femme représente l’Eros, Thanatos l’entoure selon diverses figurations parfois sombres.

Sara Antoinette Martin crée un étrange dialogue entre ses personnages. Existe la promesse d'un autre horizon, d'une autre aventure à la fois plastique mais aussi existentielle. Pour l’artiste il ne faut peut-être jamais sortir du jadis du corps habité de la mère, de sa joie, du péché, de la génitalité, du silence, du privé, de l'incompréhensible et de l'incomplétude.

L’artiste estime que la volupté est moins originaire que le natal. Ses illustrations possèdent la puissance de faire éclater au grand jour une aporie le plus souvent insoupçonnable où s’ érige le vrai langage : celui où les mots manquent.

Jean-Paul Gavard-Perret