Alex Gordon LA SAGA JUIVE DE NAPOLEON BONAPARTE
"Tu ne te feras pas d'idole" (Exode 20:4 ; Deutéronome 5:8)
Napoléon n'est pas du bois dont on fait les rois, il est du marbre dont on fait les dieux. [...] Il est le Moïse des Français ; de même qu'il a traîné son peuple à travers le désert pour lui donner une cure réussie, de même Napoléon a conduit les Français à travers l'Europe. [...] Plus on est proche de Napoléon, plus on l'admire. Avec d'autres héros, c'est le contraire qui s'est produit. Heinrich Heine
Les Juifs savent qu'il ne faut pas créer d'idoles, mais quelles idoles n'ont-ils pas créées !
Que d'amis et d'alliés ils ne se sont pas attribués au cours de leur longue histoire
de tourments ! C'est une caractéristique tragique d'un peuple persécuté que de se chercher des soutiens réels ou imaginaires.
Quiconque a lu le roman Guerre et Paix a sans doute remarqué la façon dont Tolstoï s'efforce de vilipender Napoléon. L'écrivain n'est pas le premier à échouer dans cette entreprise.
La popularité de Napoléon dans l'histoire est sans précédent.
L'homme qui a déclenché tant de guerres, occupé tant de terres étrangères, fait souffrir des centaines de milliers de personnes dans différents pays, y compris le sien, a été admiré et inspiré dans les œuvres de nombreuses personnalités de nationalités et de religions différentes. Quelles peuvent être les raisons de cette adoration ?
- Pour contrer les tendances à l'industrialisation et à la matérialisation, il fallait créer un idéal romantique : Napoléon, un général brillant, un conquérant et un homme politique couronné de succès qui s'est élevé au-dessus du capitalisme, un homme courageux adoré par les soldats, a été présenté comme un héros romantique.
- Un garçon issu d'une famille nombreuse, un petit noble corse appartenant à une minorité nationale en France, a conquis un grand pays et la moitié du monde grâce à son génie, et non grâce à ses origines "divines". Un homme simple est devenu roi. Les gens aiment la réalisation des contes de fées.
- Heinrich Heine, qui détestait les idoles, qui était un penseur indépendant et épris de liberté, qui se moquait des mœurs sous la tyrannie, tomba amoureux du dictateur Napoléon. L'empereur ( !) a démocratisé la Westphalie (patrie de Heine) qu'il occupait et y a notamment émancipé les Juifs.
Le tyran fut un libérateur, mais pas seulement pour les Juifs. L'armée française marche triomphalement à travers l'Europe et répand les idées de "liberté, égalité et fraternité" parmi les peuples des pays conquis. Elle a porté les idéaux républicains dans les États féodaux arriérés, même lorsqu'elle était dirigée par un empereur.
La Révolution française a changé la nature de la discussion sur la question juive, puisque l'égalité exigeait le transfert des droits de citoyenneté aux Juifs également.
En décembre 1789, à l'Assemblée nationale, Robespierre déclare : "Tout citoyen qui remplit [...] les conditions requises pour être élu a aussi le droit d'être élu" : "Tout citoyen qui remplit [...] les conditions requises pour être élu a également droit aux fonctions publiques.
Les défauts des Juifs ont leur source dans le degré d'humiliation que vous leur avez imposé. Ils se porteront mieux lorsqu'ils verront un avantage lié à cette amélioration".
Dans les derniers jours de son existence, en septembre 1791, l'Assemblée nationale adopte une loi pour la pleine égalité politique des Juifs. Louis XVI a encore le temps de l'approuver.
En novembre 1936, Sigmund Freud écrit à Thomas Mann à propos de son nouveau roman Joseph et ses frères et du rôle de Joseph, le frère de Napoléon, dans la vie de l'empereur
français : "Dans une famille corse, l'avantage de l'aîné est entouré de la plus sacrée révérence. [...] Le frère aîné est un rival naturel, le cadet nourrit à son égard une animosité spontanée et immensément profonde. [...] Supprimer Joseph, prendre sa place, devenir Joseph lui-même devait être la plus forte impulsion de Napoléon enfant, mais ces impulsions enfantines excessives tendent à se transformer en leur contraire. Un rival détesté devient un amant. C'est le cas de Napoléon". Napoléon est jaloux de son frère aîné.
Enfant et jeune homme, il ne l'aime pas du tout.
Son désir de pouvoir au sein de la famille, longtemps refoulé, s'est sublimé en une soif de pouvoir dans d'autres domaines et en une aversion pour les autres.
Au sommet de sa carrière, il se libère de ses complexes vis-à-vis de son frère aîné et devient l'une des personnes les plus proches de lui.
Cependant, Freud note : "L'agressivité libérée à ce moment-là n'attendait que l'occasion de passer à d'autres objets. Des centaines de milliers de spectateurs allaient payer le fait que le petit tyran enragé avait épargné son premier ennemi. Freud déduit l'énorme volonté de puissance de Napoléon de son complexe de fils cadet et "inférieur" de la famille.
Préoccupé par une psychologie sous-jacente, Freud ne tient pas compte des caractéristiques de Bonaparte qui se trouvent à la surface.
Napoléon a été très affecté par l'humiliation des Corses, et cela l'a encouragé à se rebeller pour leur liberté et leur indépendance, mais il n'a pas osé se rebeller.
Stendhal a écrit dans son roman Le Rouge et le Noir : "Les minutes d'humiliation créent Robespierres". Les minutes d'humiliation ont créé Napoléon. Mais ces minutes n'ont pas fait de lui un patriote corse. Il a honte de sa pauvreté, de sa provincialité et de son accent français.
Pour guérir complètement de ses complexes corses, il lui fallait conquérir la France, s'éloigner complètement de son passé corse et s'exclure de son peuple, ce qu'il fit.
Un Corse pouvait conquérir la France, un Juif ne le pouvait pas, même s'il avait rompu avec son propre peuple.
Dans la république française progressiste, les Juifs étaient hors jeu pour le leadership national. Mais dans quelle mesure Napoléon était-il corse ? Cette question se pose en raison de la sympathie qu'on lui attribue pour le peuple juif. Une enquête sur l'attitude de l'empereur à l'égard des Juifs peut commencer par un essai, Une page d'histoire inédite, publié par Guy de Maupassant après un voyage en Corse le 27 octobre 1880.
L'écrivain raconte un incident survenu à Napoléon en juin 1793 : "Cette page d'histoire jusqu'ici inconnue (et tout ce qui concerne la vie de cet homme extraordinaire appartient à l'histoire) est un véritable drame corse, qui a failli être fatal à un jeune officier (Napoléon. - A.G.), alors en congé dans sa patrie. [...] Tous ces renseignements, je les ai tirés en 1853 d'un additif au testament rédigé par l'Empereur peu avant sa mort dans l'île de Sainte-Hélène". Trois jours avant sa mort, Napoléon ajouta la note suivante à son testament : "Je lègue 100 000 francs à M. Jérôme Lévy." L'ancien maire d'Ajaccio, Jean-Jérôme Lévy, un juif, lui a sauvé la vie.
Qu'est-ce qui menaçait alors Napoléon ?
Le récit de Maupassant commence ainsi : "C'était peu après la mort de Louis XVI.
La Corse était gouvernée par le général Paoli, homme énergique et brutal, royaliste convaincu, haïssant la révolution, tandis que Napoléon Bonaparte, jeune officier d'artillerie qui passait ses vacances à Ajaccio, s'efforçait d'user de toute son influence et de celle de ses proches pour la célébration des idées nouvelles. [...]
Le jeune Bonaparte et le général Paoli se disputent déjà."
Le général Pasquale di Paoli, président du directoire du département de la Corse et commandant des forces armées de l'île, est un contre-révolutionnaire, Napoléon un révolutionnaire.
Paoli est un séparatiste corse, Napoléon un patriote français. Lorsque Napoléon apprend que Paoli a décidé de séparer la Corse de la France avec l'aide de l'Angleterre, il accuse le général de trahison. Paoli tente de liquider Napoléon, mais celui-ci parvient à s'échapper.
L'un des sauveurs du futur empereur est un juif, Jean-Jérôme Lévy. Maupassant écrit : "Des chevaux attendaient sur le pont, et un petit détachement prit la route, escortant les fugitifs jusqu'aux environs d'Ajaccio. À la nuit tombée, Napoléon se faufile dans la ville et trouve refuge chez le maire, Jean-Jérôme Lévy, qui le cache dans un placard. [...]
Le lendemain, la police arrive. Ils fouillent toute la maison, ne trouvent rien et s'en vont, habilement trompés par le maire qui s'empresse d'offrir ses services pour attraper le jeune rebelle".
Dans l'histoire juive, il est de coutume de sortir de temps à autre une image bon marché de l'amour de l'empereur français pour les Juifs, mais il est plus probable qu'il s'agisse de l'amour non partagé de ses auteurs pour Napoléon.
Les arguments des juifs napoléonophiles sont les suivants : Napoléon est un Corse, et un Corse se souvient du bien et du mal, et est tenu de se venger et de récompenser. C'est pourquoi il lègue de l'argent à ses sauveurs, et parmi ces sauveurs se trouve le juif Lévy, d'où l'amour de Napoléon pour les juifs. La conclusion de l'amour de Napoléon pour les Juifs découle d'une série d'événements.
Le premier argument en faveur de la sympathie particulière de Napoléon pour le peuple juif est tiré de l'appel lancé par le général Bonaparte aux Juifs en 1799, lors du siège d'Acre :
"1 floreale 7 de la République française (20 avril 1799).
Bonaparte, commandant en chef des armées de la République française en Afrique et en Asie, aux héritiers légitimes de la Palestine.
Les Juifs, la seule nation de son espèce que la passion de la conquête et de la tyrannie ait pu, en mille ans, priver seulement de ses terres héréditaires, mais non de son nom et de son existence nationale ! [...]
Et ceux qui ont été délivrés par le Très-Haut reviendront, et ils viendront à Sion avec allégresse. Debout, dans l'allégresse, exilés !
Une guerre sans pareille dans les annales de l'histoire, menée pour la défense d'une nation dont les ennemis considéraient les terres héréditaires comme une proie à partager par le trait de plume des gouvernements, à leur gré et selon leur volonté, vengera votre honte et celle des nations les plus lointaines (oubliées depuis longtemps sous le joug de l'esclavage) et le déshonneur qui vous a été imposé pendant près de deux mille ans.
En un tel temps et en de telles circonstances, qui sembleraient les moins propices à la formulation de vos revendications et même à leur expression, et comme pour vous contraindre à y renoncer, elle (la France) vous offre aujourd'hui, à l'instant même et contre toute attente, l'héritage d'Israël !
La vaillante armée avec laquelle la Providence m'a envoyé ici, conduite par la justice et accompagnée par la victoire, a établi mon quartier général à Jérusalem, et dans quelques jours le déplacera à Damas, dont la proximité ne fait plus peur à la cité de David.
Héritiers légitimes de la Palestine ! Notre grande nation, qui ne fait pas le commerce des personnes et des pays, comme l'ont fait ceux qui ont vendu vos ancêtres à toutes les nations [...], vous appelle maintenant, en fait, non pas à réclamer votre héritage, mais seulement à prendre ce qui a déjà été gagné et à le conserver contre tous les étrangers, en recevant les garanties et le soutien de notre nation.
Levez-vous ! Montrez que la force jadis supérieure de vos oppresseurs n'a pas supprimé le courage des descendants de ces héros avec lesquels l'alliance fraternelle a fait honneur à Sparte et à Rome, et que deux mille ans d'esclavage n'ont pas pu l'étouffer.
Vite ! Le moment est venu, qui ne reviendra peut-être pas avant des milliers d'années, d'exiger devant les peuples du monde, et probablement pour toujours, le rétablissement de vos droits, qui vous ont été honteusement refusés pendant des milliers d'années, vous empêchant d'exister politiquement en tant que nation parmi les nations et limitant votre droit naturel d'adorer Dieu ouvertement, selon votre foi".
Cette proclamation est l'un des documents les plus émouvants rédigés par un non-Juif en faveur de la renaissance de l'État juif.
Cependant, pour l'évaluer correctement, il faut comprendre qui en est l'auteur et à quel moment ce document est apparu.
Le grand acteur Napoléon Bonaparte a joué le rôle du Messie.
Il voulait libérer la Terre sainte des musulmans et transformer la nation de l'Ancien Testament selon son propre scénario. À cette fin, il n'a pas lésiné sur la peinture.
Mais l'excitation de Napoléon peut également s'expliquer par le stress mental du commandant avant la bataille décisive de la campagne.
la veille de sa défaite devant les murs d'Acre, il pensait probablement plus à s'aider lui-même qu'à obtenir l'indépendance des Juifs.
Comme beaucoup d'amis et d'ennemis des Juifs, il exagère la puissance de ce peuple.
Il considérait les Juifs comme très riches et puissants et comptait sur leur aide dans la lutte contre la Turquie, qui était activement soutenue par l'Angleterre et à qui appartenait la Palestine.
Dans la situation désespérée où se trouve la Terre Sainte, en lutte acharnée contre les Turcs et les Britanniques, Napoléon cherche des appuis. Il ne cherche pas tant à aider les Juifs qu'à s'aider lui-même.
Le touchant appel aux Juifs dans la proclamation du général Bonaparte, l'occupant des terres étrangères, ressemble plus à la prière d'un ambitieux désespéré qu'à la prophétie de la renaissance de l'État juif que les napoléonophiles juifs lui attribuent.
Napoléon espérait conquérir le cœur de l'un de ses principaux ennemis sur le champ de bataille. Le destinataire le plus important de la proclamation est le Juif Haïm Farhi, conseiller du gouverneur d'Acre, Ahmed al-Jazzar, véritable commandant de la défense de la ville contre les forces françaises. Mais Farhi avait moins confiance dans le conquérant français que les derniers admirateurs juifs de l'empereur.
Un autre fait qui témoigne de la sympathie de Napoléon pour les Juifs est leur émancipation dans les régions occupées par les troupes françaises sous son commandement.
Cet événement ne peut pas non plus être considéré comme son mérite à l'égard des Juifs, car l'émancipation était une conquête de la Révolution française, que l'armée diffusait dans les pays qu'elle capturait comme preuve d'un ordre nouveau.
Max Nordau a clarifié l'émancipation résultant de la Révolution française : "L'émancipation des Juifs n'est pas née de la conscience qu'une grave injustice était commise à l'égard d'une certaine race, que cette race avait subi de terribles souffrances et que le moment était enfin venu de corriger cette injustice bimillénaire : non, c'est simplement la conclusion de la pensée géométrique et directe du rationalisme français du XVIIIe siècle.
La philosophie de Rousseau et des Encyclopédistes a conduit à la proclamation des droits de l'homme.
De la proclamation des droits de l'homme, la stricte logique des hommes de la Grande Révolution a tiré la conclusion de l'émancipation des Juifs, et conformément aux lois de la logique, le syllogisme suivant a été construit : tout homme a certains droits naturels ; les Juifs sont des hommes, donc les Juifs ont les droits naturels de l'homme. C'est ainsi que l'égalité des Juifs a été proclamée en France, non par sentiment fraternel à l'égard des Juifs, mais parce que la logique l'exigeait".
Un troisième fait, censé témoigner de l'affection de Napoléon pour le peuple juif, est l'établissement par l'Empereur d'un nouveau Sanhédrin en France en 1807.
Après la victoire d'Austerlitz à la fin de l'année 1805, Napoléon rentrait à Paris en passant par Strasbourg, où il entendit les habitants chrétiens de la ville se plaindre des Juifs d'Alsace.
Les plaignants ne pouvaient pardonner aux Juifs leur redressement et leur prospérité après l'édit d'émancipation de la Révolution française de 1791.
C'est alors qu'une communauté juive égale émerge à Strasbourg, où auparavant les Juifs ne pouvaient pas dormir du jour au lendemain.
Le mécontentement des Strasbourgeois à l'égard des Juifs était une manifestation de leur jalousie à l'égard de la nouvelle communauté issue du ghetto.
Dans "Une histoire moderne des Juifs", l'historien Semyon Dubnow écrit : "Napoléon est revenu à Paris dans un état d'irritation extrême contre les Juifs, avec la ferme détermination de se battre avec eux, sans s'arrêter à la violation de leurs droits égaux".
Le 30 avril 1806, Napoléon déclare : "Le gouvernement ne peut être indifférent à voir une nation humiliée, abaissée, capable de toutes les bassesses, prendre possession des deux beaux départements de la vieille Alsace. [...] Ils ne peuvent être mis sur le même pied que les protestants ou les catholiques ; ce n'est pas la loi civile qui doit leur être appliquée, mais la loi politique, car ils ne sont pas citoyens [...] Je veux enlever aux Juifs, au moins pour un certain temps, le droit d'hypothéquer les immeubles.
Des villages entiers ont déjà été expropriés par les Juifs : ils ont pris la place des seigneurs féodaux. [...] On pourrait aussi leur interdire le commerce, qu'ils souillent par l'usure, et invalider leurs anciennes transactions fondées sur la tromperie". Déclarant que "les maux infligés aux Juifs ne viennent pas des individus, mais de la constitution même de ce peuple", Napoléon annonce la nécessité de convoquer les États généraux. Selon Dubnow, "les représentants du peuple en procès doivent répondre à la question de savoir si la mauvaise 'constitution' peut être corrigée".
La colère de Napoléon a donné lieu à deux événements.
D'une part, la convocation du Sanhédrin, qui n'a existé qu'un mois, n'a rien apporté de positif aux Juifs et a été l'expression de la mégalomanie de Napoléon.
, une semaine après la dissolution du Sanhédrin, Napoléon a publié un décret (17 mars 1808), appelé "infâme" et qui est resté en vigueur jusqu'à la fin de son empire.
Ce décret stipulait "L'activité de la nation juive depuis l'époque de Moïse, en vertu de toutes ses dispositions, a été celle de l'usure et de l'extorsion. Les Juifs doivent être considérés comme une nation et non comme une secte. C'est une nation dans la nation. [...] Des villages entiers ont été dévalisés par les Juifs, ils ont réintroduit l'esclavage, ce sont de véritables troupeaux de corbeaux. [...] Le mal fait par les Juifs ne vient pas des individus, mais de la nation dans son ensemble. C'est la peste et les sauterelles qui ravagent la France".
Selon ce décret, des mesures de discrimination sont prises à l'encontre des Juifs, restreignant partiellement leur droit de s'installer et de commercer. Les derniers mots du décret "infâme" en précisent le sens : "Les prescriptions générales de ce décret seront exécutées pendant dix ans dans l'espoir qu'à la fin de cette période, sous l'influence des diverses mesures prises à l'encontre des Juifs, il n'y aura plus de différence entre eux et les autres citoyens de notre empire".
Le décret reste en vigueur même après la chute de Napoléon et n'est abrogé qu'en 1818.
Le décret de l'empereur constitue un grand pas en arrière dans l'établissement de l'égalité des droits pour les Juifs par la Révolution française.
Bonaparte avait son propre scénario pour le drame historique du peuple juif.
Il voulait détourner les Juifs du judaïsme, estimant qu'il fallait les sauver de leur foi erronée et corriger leur anomalie nationale par l'assimilation en France.
Il veut forcer un juif sur trois à épouser un chrétien et une juive sur trois à épouser une chrétienne : "Le bien se fait lentement, et de grandes quantités de sang vicieux ne peuvent que s'améliorer avec le temps. [...] Si sur trois mariages, l'un se révèle être un mariage mixte juif-français, le sang juif cessera d'être spécial". Il était corse, mais il est devenu français. Il pense que puisqu'il s'est assimilé, les Juifs doivent faire de même. Napoléon voulait faire des Juifs des Français en France et des agents français hors de France.
Peut-on affirmer que Napoléon, en tant que Corse, se souvenait bien des Juifs pour l'aide qu'il avait reçue de Jean-Gerome Levy ? Napoléon était-il un Corse typique ? La Corse a perdu son indépendance trois mois avant la naissance du futur empereur, en 1769. Napoléon n'a pas seulement trahi la Corse en s'opposant à son protecteur Paoli.
Il a trahi son indépendance plus d'une fois lorsqu'il pouvait, en tant qu'empereur, assurer sa séparation d'avec la France. En mourant, il espérait sauver son âme et il laissa de l'argent aux sauveurs de son corps parmi les Corses. Parmi ces hommes se trouvait un juif, Jean-Jérôme Lévy. Napoléon était redevable à ce Juif, mais il ne se considérait pas redevable au peuple juif qu'il voulait dissoudre dans la nation française. Les Juifs en tant que peuple devaient, selon Napoléon, disparaître. Le peuple juif ne doit rien à Napoléon Bonaparte.