
Pour ce livre sur ou d’Israël la plus simple image du pays n’est jamais simple et peut produire autre chose que la simple repousse des fantasmes. Jaccottet cultive écrit ici un texte sophistiqué où est joint une picturalité du pays. Il crée des rapports complexes car de telles images deviennent « cose mentale ». Jaccottet doit reconstruire une narration, combler des vides voire reconstruire l’Histoire du pays avec ses pistes et ses indices.
Dans un tel livre l'invisibilité profonde de ce qu'on voit est solidaire de l'invisibilité de celui qui voit. Des frontière des mondes existant et possibles se troublent, si bien que Palestine et Etat Juif se conjuguent en prouvant que le réel « fictionne » par frictions selon diverses matières et de manières désormais plus flagrantes. Dans ce qui tient d’une possible spatialisé jouant sur deux postulations est décrite par Jaccottet à travers composition, motifs, couleurs, lignes, géométrie, lumière en un texte documentaire et poétique.
De toute la philosophie du monde l’auteur ne m’en détourne pas – mais il sait que la violence du monde peut détruire Israël.
Jaccottet a levé les yeux et a imaginé et bâtis un tel espace ouvert où se rassemblent des tombeaux, des fontaines. Des gens sont parfois assis sur des marches. On peut imaginer qu’alors ils s’apaisaient quelques instants. Dans un pays plein d’armes l’auteur évoqua ce lieu où il y avait de l’air et, un étage plus bas, de l’ombre. Il put même pouvoir se pencher sur la margelle de la tombe des saints comme sur celle d’un puits.
Ce voyage à Israël fut un rendez-vous avec l’Histoire. L’auteur précise que ses mots renvoie ici autant à un journal intime à journal de vingt heures qu’aux temps bibliques dans un enchevêtrement des époques, des traditions et des cultes, Philippe Jaccottet a décelé des signes. L’inquiétude naturelle du poète, autant que la complexité réelle du sujet, ne lui permettent pas de les lire clairement, d’en faire de très précises «impressions de voyage» et moins encore un recueil d’opinions.
Chacun se réjouit par ce que l’auteur offre bien souvent de ce pays parfois une vision caricaturale ou partisane. Toutefois son « Cahier bleu » demeure la matière d’une rêverie puissante.
Jean-Paul Gavard-Perret
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