Les articles de Jean-Paul Gavard-Perret

Photographe juif : Saul Leiter, Manhattan transfert

Photographe juif : Saul Leiter, Manhattan transfert

Saul Leiter : Manhattan transfert

Ce livre rassemble plus de 75 images inédites de diapositives  du pionnier de la photographie en couleur. Surgit un émerveillement.

Saul Leiter a réalisé la plupart de ces images entre 1948 et 1966, dans les rues de  Manhattan pour en saisir la magie des décors ordinaires.

Le photographe a investi la diapositive dès 1948 comme un médium artistique à part entière, via des projections qu’il organise. Tout est ici d'extrême singularité éloignée des codes du reportage documentaire.

Le créateur sait toujours isoler les détails qui permettent de voir ce qui se cache derrière les apparences avec précision et poésie. Souvent prises de loin (à travers une vitre par exemple)  ses photographies laissent le regardeur plus témoin que voyeur.

Il demeure le « peintre » new-yorkais. Il donne à sa ville une valeur poétique presque intemporelle loin des « vues » touristiques toute faites. La cristallisation de l’émotion passe du côté des murs à celui des êtres.

Jean-Paul Gavard-Perret

"The Unseen Saul Leiter",  Editions Textuel, Paris, 2023, 160 pages,  49 €.

Artiste juif : Les portraits d'Irving Penn

Les portraits d'Irving Penn

Les portraits d'Irving Penn

Irving Penn, "Chefs-d’œuvre de la Collection de la MEP", Les Franciscaines, Deauville, du  4 mars au 28 mai 2023.

Pour la première fois en France, est présentée l’intégralité de la collection de photographies d’Irving Penn, photographe du XXe siècle. Il a réalisé à partir de la fin des années 40, une œuvre imprégnée de l’univers de la mode. Avec 109 œuvres, l’exposition offre une extraordinaire série de portraits, nus, et - plus méconnues - ses natures mortes.

Des premières photographies réalisées dans les rues de New York ou dans le sud des États-Unis, en passant par les portraits de personnalités du monde de l’art photographiées à New York ou en Europe, les portraits ethnographiques réalisés autour du monde comme toutes les photos de mode - dont celles de son épouse, le top model Lisa Fonssagrives -, tout est présent pour une revue aussi globale que de détails.

Le tirage photographique eut pour lui une importance primordiale. Il expérimenta beaucoup au laboratoire, en particulier avec le procédé de tirage au platine. Il  retrouva en 1964 cette technique du 19e siècle qui le fascinait. Et l'exposition met en exergue de telles exceptionnelles "éditions".

Livre juif : Les festins nus de Boris Fishman

Livre juif : Les festins nus de Boris Fishman

Les festins nus de Boris Fishman

Le Festin sauvage, Boris Fishman, Les Éditions Noir sur Blanc, mars 2022, trad. anglais (USA) Stéphane Roques, 382 pages, 23 €

La famille de Fishman quitta Minsk en 1988 en profitant de la libéralisation provisoire de l’URSS. Le petit Boris fut le témoin de cet exil qui passa par Vienne et l’Italie avant de rejoindre les Etats Unis.

La vie à l'Ouest était bien différente de ce que l'enfant avait connu jusque là. Et les juifs de New York étaient très différents de ceux de la Biélorussie. Et question cuisine cela était encore plus évident.

Le récit autobiographique de Fishman devient dès lors celui d'un apprentissage. Entre autres culinaire. L'auteur devient  ce qu'il mange au moment où il quitte un lieu où la faim avait son mot à dire sous l'effet de la misère. "Nous avons faim depuis que nous existons.

Ma grand-mère s’est nourrie de pelures de pommes de terre quand elle errait dans les marécages biélorusses avec les partisans antinazis pendant la Seconde Guerre mondiale" rappelle un auteur qui offre ici sa reconstruction à travers un besoin essentiel des humains.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

Artiste juif : Gilbert Zitoun et la sensualité des formes expose

Artiste juif : Gilbert Zitoun et la sensualité des formes expose

Gilbert Zitoun et la sensualité des formes

Gilbert Zitoun, "Précurseur de l'abstraction", Galerie du Luxembourg, 7 place St Sulpice, 75006, du 23 Mars au 24 avril 2023.

Cette exposition permet de replacer Gilbert Zitoun, - artiste trop méconnu et pourtant peintre majeur de l’abstraction - à sa juste place.
Issus d'une œuvre immense (
conçue de 1946 à 2015) est présentée une série inédite de dessins du créateur. S'y dévoilent de secrets uniquement de la sorte par ce que nous ne savons pas les voir. Le langage plastique d'un tel artiste les dévoile.

Les dessins augmentent le réel jusqu’à le sublimer dans des jeux de lignes et de couleurs. Il est possible ensuite de franchir certains seuils. L’expérience de vivre rejoint l’expérience plastique. La sensualité est présente comme souffle de vie. Un buste par exemple en sa nudité permet de saisir son inaltérable radiance.

Jean-Paul Gavard-Perret

Le photographe juif, Sacha Goldberger, sur la Promenade des Anglais

Le photographe juif, Sacha Goldberger, sur la Promenade des Anglais

Sacha Goldberger : portraits en chausse-trappes

La Promenade des Anglais, pendant un mois - du 22 février au 22 mars 202 -  va s'enrichir de trente-huit portraits, réalisés, en 2021 et 2022 par Sacha Goldberger.

Le photographe y croise des acteurs du monde artistique musical, littéraire ou cinématographique avec des icônes emblématiques des mêmes champs qu'elles soient d'hier ou de maintenant.

Mathieu Chedid est transformé en Charlot, Guillaume Gallienne en Molière, Zaz en Marlène Dietrich, Olivia Ruiz en Barbarella, Mathilda May en Colette, Bartabas en Don Quichotte, Johan Sfarr en Barbe Bleue,Irène Frain en princesse Leia, Alexandre Jardin en Dracula, etc..

De tels portraits sont toujours subtilement drôles et parfois émouvants. S'y découvre par la bande un hommage à la diversité et au mixage culturels. Les passants de la  célèbre Promenade partagent une telle expérience. Elle n'a rien d'univoque - bien au contraire. Elle illustre le mélange des cultures en de telles rencontres qui interpellent et séduisent.

Jean-Paul Gavard-Perret

Sacha Goldenberg, "Portraits croisés", Promenade des Anglais, Nice, du 22 février au 22 mars 2023.

Auteure juive : La face proscrite d'Odile Cohen-Abbas

Livre juif : La face proscrite d'Odile Cohen-Abbas

Visagéïté d'Odile Cohen-Abbas

Il existe dans ce livre d'Odile Cohen-Abbas une belle ambition. : celle d'un ballet dont les trois épisodes se relient et s'achemine par le biais de l'introspection à une sorte d'histoire illustrée par la bande de la peinture.

Emerge peu à peu "la scène" sacrée des fondamentaux du corps et de l'être - à savoir le visage. Il contient en effet en lui la naissance de la parole, ses articulations premières et symboliques que la créatrice afin de les illustrer emploient et ce, à travers les 22 lettres de l'alphabet hébraïque.

Mais par-delà, peu à peu et via des portes mystérieuses surgissent d'étranges personnages transmués en fantômes ou partenaires oniriques. Si bien qu'avec une telle créatrice le mystère de la face se fiche du sac merdeux de l'égo mais pas de l'âme.

Pas question pour autant de négliger le corps puisque sa figure devient le centre sans que pour autant l'auteur néglige d'autres parties voire certaines basses mais où l'anatomie se conjugue avec le ciel non sans humour et discrétion

Jean-Paul Gavard-Perret

Odile Cohen-Abbas, "La face proscrite", Les Hommes sans Epaules éditions, 2023, 108 p., 12 E.

Artiste juive Hannah Höch : Les mains d'Hannah

Artiste juive : A la redécouverte d'Hannah Höch

A la redécouverte d'Hannah Höch Perrine Le Querrec, "Les mains d’Hannah", Tinbad, 2023, 82 p., 19 €.

Perrine Le Querrec est une perfectionniste.  Son livre sur l’artiste dadaïste Hanna Höch (1889 - 1978) le prouve en rappelant au passage combien ce mouvement d'avant-garde ne laissait pas forcément une place de choix aux créatrices femmes. Si bien qu'elle fut une exception.

Proche de son ami Kurt Schwitters  son oeuvre littéraire et plastique est unique. Ses photomontages et collages furent vouées aux persécutions nazies. Mais pour les sauver, l'"artiste dégénérée" eut le temps de les enterrer dans son jardin.

Afin de faire comprendre et saluer un tel travail, Perrine Le Querrec façonne une écriture expérimentale en jouant de divers  processus (répétions, signes, réitérations, etc) .

Elle le précise elle-même  : "À la poursuite de Hannah Höch j’échafaude des écritures, les fondations d’un livre incertain." Et ce par ce que parler d'Hannah Höch oblige à trouver une technique qui oblige à l'image de la sienne à  "transformer le plein en vide, l’obscurité en clarté".

L'essayiste rappelle le caractère de fondation de l'écriture d'Hannah Höch qu'elle définit comme "troglodyte. Chtonienne. Minière. Minérale." Tout dans son livre est là pour en épouser les mouvements complexes. Et Perrine Le Querrec l'a travaillé longuement  pour se rapprocher au plus près d'une oeuvre encore trop méconnue que l'ouvrage permet de découvrir.

Jean-Paul Gavard-Perret

Artiste juif : Moïse Sadoun, Daphné, Galerie Depardieu, Nice, du 2 février au 25 mars 2023

Artiste juif : Moïse Sadoun, Daphné, Galerie Depardieu, Nice, du 2 février au 25 mars 202

La photographie spéculative et plasticienne de Moïse Sadoun

Moïse Sadoun, "Daphné", Galerie Depardieu, Nice, du 2 février au 25 mars 2023

Dans cette série l’arbre devient une représentation symbolique du corps humain mais pas que. Il reste le réceptacle de projections érotiques et d’expérimentations plastiques influencées autant par le bergsonisme et Michaux que le théâtre d'ombres des estampes japonaises.

Les fibres servent d'épidermes tapissés de stigmates et de souvenirs enfouis voire inconscients. C'est pourquoi précise l'artiste, "Ma démarche photographique va inscrire dans cette écorce dense, crevassée et grave un corps évanescent et mouvant, dans une écriture saccadée de la vie impulsive".

 

Le geste créateur prolonge tout le travail en amont que Moïse Sadoun entreprend : entendons ses marches "dans" les arbres pour percevoir, réfléchir et projeter un rapport au monde "avec la profonde conviction que la relation avec l’arbre est une relation avec nous-mêmes" ajoute l'artiste,  là où le corps devient tactile.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

Artiste juive : Sabine Weiss et les vivants

Artiste juive : Sabine Weiss et les vivants

Sabine Weiss et les vivants

L’exposition réunit plus de deux cents photographies et le livre retrace toute la carrière de la photographe et de ces reportages pour les magazines les plus importants de l’époque (The New York Times Magazine, Life, Newsweek, Vogue, Paris Match, Esquire) aux portraits d’artistes, de la mode aux photographies de rue avec une attention particulière aux visages d’enfants, jusqu’aux nombreux voyages autour du monde.

La commissaire Virginie Chardin présente la plus riche rétrospective jamais réalisée sur l’œuvre et précise  "Contrairement à Cartier-Bresson, Doisneau, Brassaï ou Izis  Sabine Weiss ne construit pas ses images comme une peinture ou une scène, ni métaphoriquement pour défendre un point de vue ou passer un message sous forme d’allusion. Ses clichés découlent d’une expérience intime, d’une impulsion spontanée et intuitive vers le sujet."

Le catalogue, publié par Marsilio Arte, comprend de nombreuses images inédites, ainsi que des textes de Virginie Chardin, commissaire de l’exposition, et Denis Curti, directeur artistique de la Casa dei Tre Oci à Venise.

Jen-Paul Gavard-Perret

Sabine Weiss, "La poésie de l'instant", Palazzo Ducale, Gènes, du 18 novembre 2022 – 12 mars 2023

Photographe juif : Alain Keler reporter photographe d'exception

Alain Keler reporter photographe d'exception

Alain Keler reporter photographe d'exception

Alain Keler a reçu en septembre 2022 le "Visa d’or" du Figaro Magazine pour l’ensemble de sa carrière professionnelle. Ce photographe journaliste d'exception est né en 19451 à Clermont-Ferrand. Ses parents s'y étaient réfugiés pour échapper aux persécutions antisémites et ses grands-parents juifs polonais étaient arrivés France au début du xxe siècle y furent arrêtés  puis déportés à Auschwitz.

Le futur photographe et ses parents s’installent à Paris. Il y passe une partie de son enfance et de son adolescence et commence ses premières .photos à seize ans. Amoureux épris s'il en est,  il part aux États Unis. Il vit de petits boulots en photographiant le week-end.

Son travail le fait repérer d'abord par l’agence Sygma puis il rejoint l’agence Gamma et cofonde l’agence Odyssey images en 1998. Il est membre de l’agence MYOP depuis 2008.

Le photographe a couvert tous les grands conflits internes ou externes depuis les années 1970 ( Israël,  Pologne, Irlande du Nord, Chine, Éthiopie, Liban, Salvador, Tchétchénie).
Il double son travail de commande, par des documentaires personnels où il photographie le quotidien - même celui de sa famille en suivant .la vieillesse de ses parents jusqu'à leur disparition.

Lorsqu'il réalise un reportage sur Ingrid Betancourt il est détenu en Colombie par les FARC. Et depuis plus de 10 ans, il photographie la condition des Roms à travers l’Europe.
Il n'est pas toujours aussi connu eu égard à la qualité de ses investigations et la qualité de ses photographies. Cela est dû sans doute à sa grande discrétion. Il n'est jamais du genre à tirer la couverture à lui.

Toutefois - et en dehors de sa distinction de 2022 -  il fut lauréat du Grand Prix Paris Match du photojournalisme en 1986 pour son reportage sur la déportation des Éthiopiens du nord vers le sud de leur pays et a reçu le Prix W. Eugene Smith en 1997 pour son travail sur les minorités dans l’ex-monde communiste. Quant à sa photo d’ouvriers de Solidarność se confessant en public aux chantiers navals de Gdańsk elle fait partie des "100 photos du siècle" publiées en 19999.

En 2021, il a publié un livre extraordinaire"America, Americas" - sur ses années américaines et "Un voyage en hiver", narration  photographique prise au téléphone mobile d'un périple  d’un village de Slovaquie, jusqu’à Venise pendant le carnaval.
Son goût pour les visions marginales et transversales comme pour les peuples en luttes donne à ses photographies une puissance exceptionnelle. Elles font de lui un reporter  photographe de tout premier plan qui ne cesse d'étonner.

Jean-Paul Gavard-Perret