
Israël veut inclure la Syrie et le Liban dans les Accords d’Abraham : le rêve fou de Gideon Sa’ar ou nouvelle donne régionale ?
Gideon Sa’ar dévoile une vision audacieuse : élargir la paix au Liban et à la Syrie
Lors d’une conférence de presse tenue à Jérusalem à l’issue de sa rencontre avec la ministre autrichienne des Affaires étrangères, Beata Meinl-Reisinger, le ministre israélien des Affaires étrangères Gideon Sa’ar a surpris par la portée de ses déclarations.
En plus d’affirmer la volonté d’Israël de parvenir à un accord de cessez-le-feu avec le Hamas à Gaza, Sa’ar a évoqué une ambition régionale rare : inclure la Syrie et le Liban dans le cercle des Accords d’Abraham.
« Nous avons payé du sang de nos soldats et de nos citoyens la nouvelle réalité au Moyen-Orient. Mais cette réalité est aussi porteuse d’opportunités », a déclaré le ministre.
« Israël souhaite élargir le cercle de la paix et de la normalisation. Nous avons intérêt à inclure des pays comme la Syrie et le Liban, nos voisins, tout en préservant nos intérêts vitaux et sécuritaires ».
Du sang versé à la diplomatie : le prix de la paix
Ces propos, tenus alors que le conflit avec le Hamas se prolonge et que les négociations d’otages piétinent, tranchent avec la ligne défensive israélienne habituelle.
Pourtant, dans l’ombre de la guerre, la diplomatie israélienne semble chercher une relance stratégique du processus régional de paix, dans la lignée des accords conclus depuis 2020 avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan.
Mais cette fois, Sa’ar évoque des ennemis historiques d’Israël, dont la rhétorique officielle reste imprégnée de haine anti-sioniste. Le Hezbollah contrôle de facto une partie du Liban. Quant à la Syrie, elle reste un vassal de l’Iran, avec des milices chiites opérant librement à proximité des frontières israéliennes.
Le Golan, une ligne rouge israélienne dans toute négociation
Interrogé sur les conditions d’une telle ouverture, Sa’ar a réaffirmé un point non négociable : le plateau du Golan restera israélien.
« Israël a appliqué ses lois au plateau du Golan il y a plus de 40 ans, et dans tout accord de paix, le Golan restera une partie indissociable de l’État d’Israël », a-t-il martelé. Cette déclaration vise autant les capitales arabes que les chancelleries européennes, où la souveraineté israélienne sur le Golan reste contestée.
Une opportunité née de la guerre ?
Pour de nombreux analystes israéliens, la guerre contre le Hamas a modifié les équilibres régionaux. L’axe chiite (Iran, Hezbollah, milices irakiennes et yéménites) se montre plus agressif que jamais, mais les populations arabes en Syrie et au Liban paient elles aussi le prix du chaos. Dans ce contexte, certains cercles diplomatiques israéliens estiment qu’un accord pragmatique pourrait émerger, notamment via des discussions indirectes sous médiation tierce.
Le nom de Steve Witkoff, l’émissaire américain chargé des négociations sur les otages, revient dans toutes les conversations. C’est lui qui a proposé un schéma d’accord en plusieurs phases pour Gaza. Et si la première étape de ce plan — la libération des otages — venait à aboutir, elle pourrait ouvrir un espace diplomatique inédit.
L’Europe sommée de soutenir l’initiative américaine
Sa’ar a d’ailleurs appelé les Européens à cesser leur ambivalence. « Il est crucial que l’Europe soutienne l’initiative américaine de cessez-le-feu et mette fin aux illusions du Hamas », a-t-il lancé à l’adresse de son homologue autrichienne.
Depuis plusieurs semaines, l’Union européenne se montre prudente, appelant à un cessez-le-feu immédiat tout en différant les décisions de sanctions contre Israël. Pour Jérusalem, ce manque de clarté diplomatique affaiblit les efforts américains et prolonge l’impasse humanitaire.
Syrie, Liban, Golan : la triangulation impossible ?
Si l’on en croit Gideon Sa’ar, la paix est envisageable même avec les plus farouches ennemis d’Israël. Mais à quelles conditions ? La Syrie pourrait-elle reconnaître Israël sans perdre Damas ?
Le Liban pourrait-il normaliser sans briser le pouvoir du Hezbollah ? Et surtout, le plateau du Golan pourrait-il devenir un gage de paix plutôt qu’un point de rupture ?
La question reste ouverte. Mais en la posant publiquement, Sa’ar tente peut-être d’imposer un nouveau récit diplomatique : celui d’un Israël qui tend la main, même en temps de guerre, et qui transforme chaque attaque en tremplin vers une paix élargie.
Avec ces déclarations fortes, Gideon Sa’ar repositionne Israël au cœur du jeu diplomatique régional. Le rêve d’une paix élargie aux anciens ennemis — Liban et Syrie — peut sembler utopique, mais il pourrait devenir, à force de résilience et d’opportunisme, le prochain chapitre des Accords d’Abraham.
Vos réactions