Trump et Netanyahou : la fin d’une alliance sacrée ?
Une visite diplomatique sans Israël : un camouflet assumé
Le geste est symbolique, mais lourd de sens.
Donald Trump, revenu sur le devant de la scène internationale avec la brutalité qui le caractérise, entame sa première tournée au Moyen-Orient depuis son retour à la Maison Blanche.
Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Qatar : autant d’escales soigneusement choisies… mais sans Israël. L’État hébreu, autrefois présenté comme l’allié indéfectible du président républicain, est désormais relégué au rang de spectateur.
« Le voyage de Trump au Moyen-Orient laisse Netanyahu observer depuis la ligne de touche », titre sobrement CNN.
Une formule qui glace. Le Washington Post, plus direct encore, parle de « manœuvres opérées dans le dos d’Israël ».
Une gifle politique qui, en Israël, n’est pas passée inaperçue.
Et pour cause : l’absence d’Israël dans l’agenda diplomatique d’un président américain n’est pas une simple omission, c’est une déclaration d’intention.
Le sentiment d’une trahison : entre décisions unilatérales et négociations secrètes
Depuis plusieurs semaines, les signes d’un divorce diplomatique s’accumulent. La libération du soldat américano-israélien Edan Alexander des mains du Hamas aurait pu être saluée comme un succès commun. Il n’en est rien. L’opération a été menée sans consultation d’Israël.
Pire encore, Trump l’a présentée comme « une première étape vers la fin de cette guerre brutale », insinuant, selon CNN, une volonté de tourner la page – seul.
Autre élément d’inquiétude : la négociation en catimini d’un cessez-le-feu avec les Houthis du Yémen, menée sans avertir Jérusalem. Même scénario dans le dossier iranien, où les contours d’un nouvel accord nucléaire se dessinent sans que les lignes rouges israéliennes soient respectées, ni même écoutées.
Dennis Ross, ancien haut diplomate américain au Proche-Orient, résume ainsi la situation dans The Washington Post :
« Les préoccupations israéliennes sur l’Iran et les autres menaces existentielles ne sont pas prises en compte. Ou si elles le sont, elles sont ignorées. »
Du point de vue israélien, cela ressemble à une stratégie de contournement. Israël n’est plus partenaire : il est devenu variable d’ajustement.
Le désamour personnel : Netanyahou, un “allié trop politique”
Au-delà de la realpolitik, il y a les hommes. Et entre Trump et Netanyahou, la lune de miel est bel et bien terminée. Le président américain le juge trop calculateur, trop lent, et surtout, trop centré sur sa propre survie politique. Dan Shapiro, ex-ambassadeur des États-Unis en Israël sous Obama, confie à CNN :
« Tous les présidents ayant travaillé avec Bibi ont été frustrés. Trump ne fait pas exception. »
Le Wall Street Journal va plus loin. Selon ses sources, Netanyahou aurait été à l’origine de pressions pour entraîner Washington dans une attaque préventive contre l’Iran. Une initiative qui aurait provoqué l’ire du cercle rapproché de Trump.
Résultat : Mike Walz, conseiller à la sécurité nationale, a été limogé après avoir, selon le Washington Post, discuté avec Netanyahou de cette éventualité. Une humiliation de plus.
MAGA, Israël et la montée du scepticisme conservateur
Mais l’essentiel se joue peut-être ailleurs. Le Parti républicain a changé. La montée en puissance de la faction MAGA, plus isolationniste, plus identitaire, moins évangélique, a rebattu les cartes.
« Nous ne sommes pas fans de Bibi », aurait confié un proche de Trump au Washington Post. Une phrase anodine ? Elle révèle au contraire un changement tectonique.
Le soutien automatique à Israël n’est plus un pilier intangible de la droite américaine. Il devient négociable. Fragile. Calculé.
À cela s’ajoute la séduction paradoxale de Trump pour des figures ambiguës comme Erdogan, le président turc. Lors de sa rencontre récente avec ce dernier, Trump a tenu un discours
« chaleureux et encourageant » et laissé entendre qu’il pourrait lever les sanctions imposées à Ankara. Il a même évoqué une escale en Turquie pour assister au futur sommet Poutine-Zelensky à Istanbul. Une provocation à peine voilée pour Netanyahou, alors en pleine campagne diplomatique contre la Turquie.
Israël seul face au nouveau monde ?
L’affaire est entendue : entre Trump et Netanyahou, la confiance est rompue. Derrière les sourires forcés et les phrases creuses, c’est une alliance qui vacille. L’un mise désormais sur les pétrodollars du Golfe, l’autre tente de survivre politiquement au chaos du 7 octobre et à ses séquelles. Ils n’ont plus les mêmes priorités, ni les mêmes ennemis, ni les mêmes récits.
Mais plus inquiétant encore que la crise personnelle entre deux dirigeants, c’est le basculement idéologique en cours. L’ère d’un soutien américain inconditionnel à Israël semble toucher à sa fin. Et dans ce nouvel ordre, Israël pourrait bien se retrouver seul, face à ses ennemis, face à ses choix, face à ses contradictions.
L’heure n’est plus à l’illusion. L’alliance Trump-Netanyahou, que l’on croyait d’airain, s’est révélée circonstancielle. Une alliance de façade, utile en temps de prospérité. Mais aujourd’hui, le vent a tourné.
Et le message de Trump est clair : l’Amérique défend ses intérêts, pas ses amis.
L'origine du Conflit
Le refroidissement des relations entre Donald Trump et Benyamin Netanyahou s’explique par une série de désaccords stratégiques et personnels.
Trump reproche à Netanyahou son intransigeance dans la guerre à Gaza, estimant que cette position entrave les efforts diplomatiques américains, notamment la libération d’otages et la normalisation des relations avec les pays du Golfe.
La libération récente de l’otage israélo-américain Edan Alexander, obtenue par des négociations directes entre les États-Unis et le Hamas sans consultation d’Israël, a accentué les tensions.
De plus, Trump a suspendu les frappes contre les Houthis sans en informer Israël, ce qui a été perçu comme un camouflet par Netanyahou. Enfin, des divergences profondes sur la gestion du dossier iranien et la politique de colonisation israélienne ont contribué à creuser le fossé entre les deux dirigeants .