 
			Le magazine américain The Atlantic publie ce mois un reportage en huit chapitres consacré à l'antisémitisme en Europe, posant ouvertement la question: est-il temps pour les Juifs de quitter l'Europe ?
Depuis le début de la semaine dernière, Alliance vous offre en exclusivité une traduction de ce reportage, au rythme d'un chapitre par jour. Découvrez aujourd'hui la sixième partie, intitulée Hitler est mort...
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
En janvier, lors d'une cérémonie célébrant le 70ème anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, Ronald Lauder, Président du Congrès Juif Mondial, déclarait amèrement que l'Europe "ressemble plus à 1933 qu'à 2015". Mentionnant les enfants juifs n'osant pas porter une kippah dans les rues de Paris, Budapest ou Londres et les attaques de magasins juifs et de synagogues, il déplorait le lent exode des Juifs d'Europe, déjà en cours en selon lui.
Il est indéniable que la situation des Juifs d'Europe s'est terriblement dégradée ces récentes années; mais comparer 2015 à 1933, l'année où Hitler est arrivé au pouvoir, est irresponsable. En dépit de la gravité de la situation actuelle, celle-ci est sensiblement différente de la situation prévalant il y a 80 ans, et ce pour deux raisons.
La première raison est qu'aujourd'hui, l'Etat d'Israël existe; et la raison de son existence est le rassemblement des Juifs dispersés. La tragédie du sionisme - le mouvement politique visant à créer un Etat pour les Juifs sur la terre de leurs ancêtres - est que son succès est intervenu trop tard. Si l'Etat d'Israël avait pu être créé en 1938, plutôt qu'en 1948, un très grand nombre de Juifs aurait certainement pu être sauvés du massacre. De nos jours, il ne fait aucun doute pour les Juifs de Toulouse et de Malmö qu'Israël les accueillerait sans sourciller; et plusieurs milliers de Juifs européens - principalement, mais pas exclusivement, français - ont immigré en Israël au cours des récentes années.
La deuxième raison - historiquement étonnante - est qu'en 1933, le nouveau Chancelier de l'Allemagne s'était déclaré sans aucune équivoque comme l'ennemi principal de l'existence juive; aujourd'hui, la Chancelière allemande, Angela Merkel, a fait de la défense des Juifs l'un des principes de la Nation: "Le soutien de l'Allemagne à la sécurité d'Israël fait partie intégrante de notre ethos national, de notre raison d'être", a-t-elle déclaré en 2013. Lors d'une manifestation contre l'antisémitisme, en septembre dernier, elle ajoutait: "Toute personne qui frappe quelqu'un portant une kippah s'attaque en réalité à chacun d'entre nous. Toute personne qui vandalise une tombe juive s'en prend à notre culture. Toute personne qui attaque une synagogue s'en prend aux fondations de notre société libre."
En France, Manuel Valls, Premier ministre socialiste, est l'un des plus ardents défenseurs des Juifs d'Europe. Pour lui, l'idée même de la France dépend de la lutte contre l'antisémitisme. [...]
Valls est déterminé et - ce qui est plutôt inhabituel pour un politicien français de gauche - très direct quant à l'identification des principaux vecteurs de la violence antisémite aujourd'hui: l'idéologie islamiste dont les calomnies antisémites et anti-occidentales ont largement pénétré les banlieues. Mais il va plus loin: "le nouvel antisémitisme" français est également le produit d'un méchant tour de passe-passe réussi par les ennemis d'Israël: déguiser leur antisémitisme en antisionisme.
"Critiquer la politique d'Israël est légitime", dit-il. "La critique existe d'ailleurs en Israël également. Mais ce n'est pas de cela dont nous parlons en France. Là, il est question de la remise en question de l'existence même d'Israël et ça, c'est de l'antisémitisme. Il y a un lien incontestable entre l'antisionisme et l'antisémitisme. Derrière l'antisionisme, on trouve l'antisémitisme." [...]
Valls et Merkel voient plus clair quant aux implications de l'antisémitisme que bien d'autres en Europe. C'est également le cas de David Cameron, Premier ministre britannique. [...]
"Parallèlement à la menace que représente l'islamisme extrémiste, il y a également une tentative insidieuse de délégitimer l'Etat d'Israël, qui tombe souvent dans l'antisémitisme. Nous devons être extrêmement clairs quant au fait qu'il existe une ligne rouge qu'on ne peut pas franchir." [...]
La lutte de Merkel, Valls et Cameron contre l'antisémitisme semble sincère. La question est: fonctionne-t-elle ? [...]
Pour David Nirenberg, spécialiste de l'antisémitisme à l'Université de Chicago, "Nous ne sommes pas revenus en 1933", principalement parce que l'antisémitisme ne se retrouve aujourd'hui pas dans le monde politique ou au sein des autorités. "Le danger aujourd'hui en Europe, explique-t-il, est que si les autorités politiques renoncent à protéger les Juifs contre les mouvements soi-disant antisionistes, personne d'autre ne les protégera."
 
Source: Jeffrey Goldberg, The Atlantic, avril 2015
Traduction et adaptation: Julien Pellet
Voir également:
Les Juifs doivent-ils quitter l'Europe ? - 1ère partie
Les Juifs doivent-ils quitter l'Europe ? - 2ème partie
Les Juifs doivent-ils quitter l'Europe ? - 3ème partie
Les Juifs doivent-ils quitter l'Europe ? - 4ème partie
Les Juifs doivent-ils quitter l'Europe ? - 5ème partie