Crise des vétérans en Israël : un réserviste s’immole devant un haut responsable du ministère de la Défense

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Crise des vétérans en Israël : un réserviste s’immole devant un haut responsable du ministère de la Défense

Un réserviste souffrant de stress post-traumatique s’immole devant le domicile d’un haut gradé de la réadaptation

Le drame

Un homme réserviste âgé d’environ quarante ans, souffrant de trouble de stress post-traumatique (TSPT), s’est immolé par le feu devant le domicile d’un haut gradé du service de réadaptation du Ministère de la Défense d’Israël, situé au sein de la localité de Neve Ilan.

Les équipes de premiers soins dépêchées sur place ont constaté de nombreuses brûlures couvrant l’ensemble de son corps et l’ont transporté dans un état grave à l’hôpital Hôpital Hadassah Ein Kerem.

L’article du site Mako révèle plusieurs éléments essentiels sur le drame.

L’homme qui s’est immolé est un ancien policier âgé d’environ quarante ans, reconnu depuis 2013 par le département de réadaptation du ministère israélien de la Défense pour un trouble de stress post-traumatique. Ces dernières semaines, il s’était engagé dans de nouvelles démarches administratives afin d’obtenir une reconnaissance supplémentaire de sa situation et une amélioration de sa prise en charge.

D’après le communiqué conjoint des services d’incendie et de secours :

« Un homme a été grièvement blessé dans un incendie survenu dans la localité de Neve Ilan. Les équipes de pompiers ont été appelées sur les lieux d’un feu qui s’était déclaré dans la cour d’une habitation, où elles ont découvert un civil blessé par les flammes. Les pompiers ont éteint les foyers d’incendie, et un enquêteur du service des incendies examine actuellement les circonstances de l’origine du sinistre. »

L’événement survient à un moment où l’armée israélienne (Forces de défense d’Israël, Tsahal) est confrontée à une explosion d’appels à l’aide psychologique, à un accroissement dramatique des tentatives de suicide parmi ses réservistes, et à un épuisement profond de ses troupes mobilisées depuis plus longtemps que jamais.

Un indicateur alarmant

D’après un rapport du Centre de recherche et d’information de la Knesset, 279 soldats ont tenté de se suicider entre janvier 2024 et juillet 2025. Les soldats de combat représentaient 78 % de ces cas en 2024, une montée fulgurante comparée aux 42-45 % enregistrés entre 2017 et 2022.  Une enquête interne révèle par ailleurs que les suicides les plus récents sont liés aux « traumatismes psychologiques » liés à la guerre, aux déploiements prolongés et aux pertes observées sur le terrain. 

Dans un article du The Washington Post, on apprend que plus de 11 000 soldats ont été admis dans le programme de réadaptation psychologique du ministère de la Défense depuis le déclenchement du conflit en cours.  De l’aveu même des spécialistes israéliens de la santé mentale, le système est proche de l’effondrement.

Une immolation aux multiples lectures

Cet acte de désespoir s’inscrit dans un contexte où un réserviste, gravement blessé par la guerre ou le retour au civil, ne peut plus trouver de soulagement.
Le choix spécifique du lieu — le domicile d’un haut gradé du service de réadaptation — pose une question symbolique : celui qui avait vocation à accompagner les blessés de guerre se trouve pris à témoin de l’impuissance des structures dont il dépend. Le geste interroge la chaîne de responsabilité institutionnelle et la proportionnalité des réponses apportées à cette crise silencieuse.

L’arrière-plan psychologique

Le phénomène du TSPT chez les forces israéliennes connaît une recrudescence : un article du Haaretz indique que des soldats souffrant de stress post-traumatique ont été rappelés au service malgré leur condition, certains se suicidant.  L’étude de 2015 « Characteristics of the suicidal soldier in the Israeli Defense Forces » avait déjà posé les éléments de profil d’un soldat suicidaire, mais la situation actuelle dépasse tout ce qui avait été anticipé. 

La pratique du retour sur le terrain avant une réadaptation complète, la stigmatisation psychologique, le sentiment d’abandon et la répétition des traumatismes interviennent dans une spirale mortifère.

À l’épreuve de la guerre et de la société

Depuis l’attaque du 7 octobre 2023 lancée par Hamas, la guerre a tenté de répondre à un défi existentiel pour Israël. Mais elle a également révélé ses effets collatéraux internes. Alors que les réservistes représentent environ 70 % de l’effectif total de Tsahal, le fardeau qu’ils portent est sans précédent.  Certains soldats sont aujourd’hui confrontés à un dilemme moral, à l’usure familiale et professionnelle ou au sentiment d’un engagement sans limite. Dans ce cadre, l’acte d’immolation est loin d’être isolé, il s’inscrit dans une crise miroir de la société.

L’impératif d’une réforme

Les signaux sont clairs : l’armée israélienne reconnaît que la situation sanitaire mentale de ses soldats est « hors norme ». Un député, Elazar Stern, a qualifié de « hors norme » le taux de suicides et présenté des témoignages de familles dont les fils avaient sollicité de l’aide avant leur décès.
L’urgence d’une réforme en profondeur se pose : filtrage psychologique rigoureux avant le retour au front, renforcement massif de la prise en charge, modification de la culture militaire pour y intégrer la vulnérabilité et non la norme du silence.

Élaborer des mécanismes permettant la reconnaissance des suicidés et des blessés psychiques comme « victimes de guerre » est également évoqué, afin d’apporter dignité et soutien aux familles. 

Le cas spécifique et ses implications

L’immolation de ce réserviste traduit l’alerte urgente que les chiffres seuls ne suffisent plus à rendre. Elle pose une fois de plus la question de la ligne de fracture entre le combattant qui revient « intact » et celui qui revient brisé. Elle met au jour la nécessité d’évaluer les structures de réadaptation non comme un amortisseur mais comme un axe stratégique de la sécurité nationale.

Dans ce contexte, l’État d’Israël doit affronter deux fronts : celui défensif au-dehors, et celui humain au-dedans. Le même soldat qui se tient sur la ligne de front est, à son retour, fragilisé par un ennemi intérieur plus furtif : la souffrance psychique.

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