
La Knesset au bord du précipice : les coulisses d’une crise politique majeure en Israël
Une coalition fracturée par la question de la conscription des ultra-orthodoxes
Israël est à l’aube d’une nouvelle crise politique majeure. La Knesset, le parlement israélien, pourrait être dissoute dans les prochaines semaines, menaçant la stabilité du gouvernement de Benjamin Netanyahou.
Au cœur de cette tourmente : le refus persistant des partis ultra-orthodoxes, notamment Judaïsme unifié de la Torah (UTJ) et Shas, d’accepter une législation imposant la conscription militaire à leurs membres. Cette opposition met en péril la fragile coalition au pouvoir.
La tension est montée d’un cran lorsque le rabbin Dov Lando, figure influente de la communauté lituanienne ultra-orthodoxe, a ordonné à la faction Degel HaTorah de soutenir une proposition de dissolution de la Knesset. Cette directive fait suite à l’échec des négociations entre UTJ et le député du Likoud Yuli Edelstein concernant le projet de loi sur la conscription. Un responsable a déclaré : « Cela ne sert à rien, on en a assez dit. »
L’opposition saisit l’opportunité
Face à cette fracture au sein de la coalition, les partis d’opposition, tels que Yesh Atid, Israël Beiteinu et les Démocrates, ont annoncé leur intention de soumettre dès la semaine prochaine des propositions de loi visant à dissoudre la Knesset.
Ces initiatives, longtemps en suspens, pourraient désormais bénéficier du soutien des partis ultra-orthodoxes mécontents. Cependant, si une majorité ne semble pas acquise, ces propositions pourraient être retirées pour éviter un rejet qui empêcherait leur réintroduction pendant six mois.
Un calendrier serré avant la fin de la session estivale
La session d’été de la Knesset se termine le 27 juillet 2025, laissant aux parlementaires 53 jours pour approuver une loi de dissolution s’ils le souhaitent. Passé ce délai, la Knesset entrera en vacances parlementaires de 84 jours. Si aucune dissolution n’est actée d’ici là, la quatrième session s’ouvrira, prolongeant ainsi le mandat actuel.
Une crise aux répercussions profondes
La question de la conscription des ultra-orthodoxes est un sujet sensible en Israël depuis des décennies. Traditionnellement exemptés de service militaire en raison de leurs études religieuses, les membres de cette communauté sont désormais confrontés à une pression croissante pour partager le fardeau de la défense nationale, surtout en période de conflit. La fin d’une disposition temporaire en 2024 et une décision de la Cour suprême ont intensifié les tensions, obligeant le gouvernement à légiférer sur cette question épineuse.
Le refus des partis ultra-orthodoxes de soutenir une législation imposant la conscription a conduit à un blocage des activités législatives et à des menaces de retrait du gouvernement. Cette impasse met en lumière les fragilités d’une coalition hétérogène, rassemblant des partis aux visions divergentes.
Netanyahou face à un dilemme politique
Le Premier ministre Benjamin Netanyahou se retrouve dans une position délicate. D’un côté, il doit satisfaire les exigences de ses partenaires ultra-orthodoxes pour maintenir la cohésion de sa coalition. De l’autre, il fait face à une opposition déterminée à exploiter les divisions internes pour provoquer des élections anticipées.
La situation est d’autant plus complexe que des manifestations massives ont lieu à travers le pays, notamment de la part des familles des otages détenus à Gaza, qui accusent le gouvernement de négligence. Ces protestations ajoutent une pression supplémentaire sur Netanyahou, déjà critiqué pour sa gestion du conflit en cours et sa politique intérieure.
Vers des élections anticipées ?
Si une proposition de dissolution de la Knesset est approuvée, des élections anticipées devront être organisées dans un délai de 90 jours. Un tel scénario pourrait redessiner le paysage politique israélien, offrant à l’opposition une chance de renverser la majorité actuelle. Cependant, l’issue reste incertaine, car les divisions internes et les alliances fluctuantes rendent toute prédiction hasardeuse.
Quoi qu’il en soit, la crise actuelle souligne les défis structurels du système politique israélien, où les coalitions fragiles et les intérêts divergents rendent la gouvernance complexe. La question de la conscription des ultra-orthodoxes, loin d’être résolue, continuera de hanter les débats politiques et de tester la résilience des institutions démocratiques du pays.
Quelles conséquences si la Knesset est dissoute ? Vers un scénario d’incertitude nationale
Si la Knesset venait effectivement à être dissoute dans les prochaines semaines, la loi fondamentale d’Israël stipule que des élections anticipées doivent être organisées dans un délai maximum de 90 jours.
Cela signifierait que les Israéliens seraient appelés aux urnes d’ici octobre 2025, en pleine guerre contre le Hamas et sous la menace constante du Hezbollah au nord. Durant cette période, le gouvernement actuel deviendrait un gouvernement de transition, limité dans ses prérogatives, notamment pour nommer de hauts responsables ou faire passer des lois majeures. Cette transition pourrait ralentir les décisions militaires stratégiques et affaiblir la cohésion politique alors même que le pays est engagé sur plusieurs fronts.
Par ailleurs, une dissolution de la Knesset gèlerait de facto le vote du budget, les réformes en cours, et toute nouvelle législation concernant la conscription des ultra-orthodoxes, ou les mesures de soutien aux populations déplacées du sud et du nord du pays.
Cela laisserait l’État dans une forme de paralysie institutionnelle, à un moment critique de son histoire. Les familles des otages, les commandants de Tsahal et les ministères sociaux, déjà sous tension, redoutent cette instabilité prolongée. Comme le confiait récemment un officier de réserve : « Une élection maintenant, c’est offrir un répit à nos ennemis et semer la confusion chez nous. »
L’avenir judiciaire de Netanyahou en cas d’élections : une épée de Damoclès judiciaire
Si la Knesset est dissoute et que Benjamin Netanyahou perd sa majorité — voire son poste de Premier ministre — lors d’élections anticipées, ses ennuis judiciaires pourraient s’intensifier de manière significative. Actuellement jugé pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires distinctes (les dossiers 1000, 2000 et 4000), Netanyahou bénéficie, en tant que chef du gouvernement, d’un statut qui lui confère une certaine influence sur les institutions judiciaires, ainsi qu’un poids politique capable de ralentir ou de moduler les procédures.
Mais s’il venait à perdre son poste, il deviendrait un justiciable comme un autre, sans la protection politique d’un gouvernement sous sa direction. Cela ouvrirait la voie à une accélération du procès, avec des témoins clés déjà entendus, et une pression accrue pour clore les débats dans un calendrier resserré. D’autant plus que la Cour suprême israélienne, qui a récemment renforcé sa posture face aux tentatives de réformes judiciaires controversées, pourrait être moins encline à la modération si Netanyahou redevient un député ordinaire ou quitte complètement la scène parlementaire.
Plus encore, la perte de son siège signifierait qu’il ne pourrait plus, comme il l’a tenté par le passé, faire voter une loi d’immunité personnelle ou réformer la justice à son avantage. « Sans son fauteuil de Premier ministre, Netanyahou sera confronté seul à la justice », expliquait récemment un analyste politique sur Channel 13. Ainsi, pour lui, l’enjeu n’est pas seulement politique : il est existentiel. Ces élections pourraient marquer non seulement la fin de son règne, mais aussi le début d’un véritable face-à-face judiciaire, sans bouclier.
En somme, la dissolution de la Knesset ne serait pas seulement un bouleversement politique : ce serait un séisme institutionnel aux effets directs sur la conduite de la guerre, la sécurité intérieure et la capacité d’Israël à maintenir son unité nationale.
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