De la fuite d’une vidéo au simulacre de suicide : la chute vertigineuse de Yifat Tomer-Yerushalmi

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Yifat Tomer-Yerushalmi

La mise en scène du suicide de Yifat Tomer‑Yerushalmi

Quand le dossier « Sde Teiman Detention Camp» révèle un réseau de pouvoir et de dissimulation

Le dossier était déjà explosif : une vidéo fuitée montrant l’abus d’un détenu palestinien par des soldats à la base de Sde Teiman, dans le désert du Néguev.
Aujourd’hui, l’arrestation de l’ancienne procureure militaire en chef, Yifat Tomer-Yerushalmi, et sa disparition de plusieurs heures à la suite de sa démission, ouvrent un nouveau chapitre : celui d’un suicide prétendu, d’un téléphone introuvable et — selon la police — d’une mise en scène destinée à entraver l’enquête.

Un domicile, une lettre, la voiture abandonnée

Le dimanche 2 novembre 2025, les forces de l’ordre israéliennes furent mobilisées pour retrouver l’ex-général Tomer-Yerushalmi après qu’elle fut portée disparue.
Sa voiture avait été repérée abandonnée sur la plage d’Hof HaTzuk, près de Tel-Aviv.
Chez elle, une lettre — qualifiée de « note de suicide » par certains médias — avait été retrouvée.  Le contenu n’a pas été rendu public dans sa totalité. Certaines sources avancent que la missive disait : « Je vous aime prenez soin de vous. » 

Entre-temps, la localisation de son téléphone portable a posé problème : « À ce stade, nous ne savons pas où se trouve son téléphone personnel. Nous comprenons qu’il a “disparu”. » a déclaré une source policière à la chaîne 12. 

Le téléphone manquant, la mer, la confusion

Lors de son premier interrogatoire, l’ex-général a invoqué l’hypothèse de la perte en mer :
« Mon téléphone est peut-être tombé à la mer, je ne me souviens pas. » C’était l’une des réponses qu’elle a fournies à la police. Le compte-rendu de l’interrogatoire indique :

– Police : « Où avez-vous disparu pendant 3 heures ? Tout un pays vous recherche, votre famille est en proie à une vive inquiétude. »

– Le député : « Je suis confuse, je ne sais pas ce qui m’arrive. »

– Police : « Comment avez-vous appelé votre mari ? »

– Le magistrat : « Une personne que j’ai croisée par hasard m’a donné son numéro de téléphone. »

– Police : « Qui ? »

– Le magistrat : « Je ne sais pas, quelqu’un… je ne me souviens plus. »

– Police : « Où est votre téléphone ? »

– Le député : « Je n’en ai aucune idée, peut-être suis-je tombée à la mer – je ne m’en souviens vraiment pas. »

– Police : « L’avez-vous jeté à la mer ? »

– Le magistrat : « Je ne me souviens pas. »

Ces échanges traduisent une confusion patente. Certains estiment désormais qu’elle n’a pas
« tenté de se suicider », mais que tout a été orchestré. 

Le recours rejeté et la garde à vue prolongée

Parallèlement à cette disparition, la députée destituée Yifat Tomer-Yerushalmi avait saisi un tribunal de district de Tel-Aviv pour faire annuler son arrestation.
Elle arguait « d’une erreur manifeste dans la décision du tribunal ». Le motif invoqué par l’État – et retenu par le magistrat Ma’in Ben Ari – était la « crainte d’une entrave à la justice ».
Le juge a estimé que « l’examen des éléments de l’enquête recueillis à ce jour démontre l’existence de soupçons raisonnables, comme requis ». Son appel a donc été rejeté. 

La détention de l’intéressée a été prolongée jusqu’à jeudi, en même temps que celle du colonel Matan Solomesh, ancien procureur militaire en chef, soupçonné avec elle d’abus de pouvoir, fraude, violation de confiance et entrave à la justice. 

Le contexte : l’« affaire » Sde Teiman

Tout remonte à la fuite d’une vidéo qui aurait dévoilé, en juillet 2024, l’agression d’un détenu palestinien au camp de Sde Teiman, dans le Néguev.
Selon l'acte d'accusation le détenu a subi des violences extrêmes : coups, usage d’un pistolet-taser, blessures graves.  Cinq soldats réservistes sont inculpés pour « abus sévère » ; l’accusation de viol en réunion a été abandonnée.
Tomer-Yerushalmi avait reconnu avoir autorisé la fuite du matériel pour « contrer la propagande mensongère dirigée contre les autorités militaires d’application de la loi ». 

Le scandale a déclenché une offensive politique : certains responsables de la coalition d’extrême droite ont qualifié l’affaire de « diffamation antisémite » contre les troupes israéliennes. 

Une « mise en scène », selon la police

Une source policière a formulé l’analyse suivante : « Elle n’a pas tenté de se suicider, c’était une mise en scène. »  L’hypothèse : sa  disparition, l’abandon du véhicule, la « note », la disparition du téléphone viseraient à retarder l’enquête et à protéger des documents sensibles ou des communications compromettantes.

Enjeux et implications

Cette affaire s’inscrit dans un climat de défiance croissante à l’égard des institutions militaires et judiciaires en Israël. Le fait qu’une magistrate ayant longtemps dirigé le parquet militaire soit désormais mise en cause pose une question fondamentale :
qui contrôle réellement l’appareil d’accusation ? Et jusqu’où la chaîne de commandement était-elle informée de cette fuite ?

La disparition du téléphone personnel de Tomer-Yerushalmi — et son absence de localisation — ouvre un pan inquiétant : celui de la destruction ou de la dissimulation de preuves numériques. Dans un pays où la surveillance et les traces numériques sont omniprésentes, cette « erreur » semble peu probable.

La mise en scène apparente du suicide, la disparition d’un téléphone, l’autorisation de diffusion d’une vidéo explosive, l’arrestation surprise de la plus haute responsable militaire de l’accusation : tout concourt à faire de cette affaire un moment charnière dans l’histoire judiciaire israélienne.
Le dossier de Sde Teiman, déjà lourd de révélations, se transforme en un cas d’école de pouvoir, d’éthique, de transparence – ou de manœuvre. Les prochains jours seront déterminants pour savoir si l’État de droit saura s’imposer — ou si, au contraire, les zones d’ombre gagneront le terrain.

Chronologie

  • Juillet 2024 : Une enquête de l’Sde Teiman Detention Camp (Néguev) est ouverte contre plusieurs soldats réservistes israéliens, accusés de sévices graves et d’abus sur un détenu palestinien. 

  • Début août 2024 : Une vidéo issue de cette enquête — montrant un détenu palestinien menotté et entouré de boucliers, puis agressé — est diffusée dans la presse israélienne. 

  • 31 octobre 2025 : Yifat Tomer-Yerushalmi adresse sa lettre de démission du poste de procureure militaire générale (Major General) de l’Israel Defense Forces, déclarant avoir autorisé la diffusion de la vidéo pour « contre-attaquer une propagande mensongère contre les corps d’application de la loi de l’armée ». 

  • 2 novembre 2025 : Elle est portée disparue pendant plusieurs heures après que sa voiture a été retrouvée abandonnée à proximité de la plage de Hof HaTzuk, près de Tel-Aviv. Une importante opération de recherche est lancée.  Lors de cette période, la police signale : « À ce stade, nous ne savons pas où se trouve son téléphone personnel. Nous comprenons qu’il a ‘disparu’. » 

  • Le même jour, 2 novembre 2025 : Yifat Tomer-Yerushalmi est localisée vivante sur une plage proche de Herzliya et placée en garde à vue. 

  • 3 novembre 2025 : Elle est officiellement arrêtée par la police israélienne, inculpée d’abus de confiance, entrave à la justice, divulgation d’informations confidentielles par un agent public. 

  • 3 novembre 2025  (même jour) : Le tribunal de district de Tel-Aviv rejette son recours contre sa détention prolongée, estimant que « l’examen des éléments de l’enquête recueillis à ce jour démontre l’existence de soupçons raisonnables ». 

Remarques complémentaires

  • La disparition du téléphone de Tomer-Yerushalmi et l’abandon de son véhicule constituent des « faits troublants » : la police mentionne que « le téléphone a disparu ».

  • Le motif de la détention prolongée retenu par le tribunal est l’« entrave à la justice », plutôt que la « dangerosité » initialement évoquée.

  • Le cas s’inscrit dans une controverse plus large portant sur la transparence de l’institution militaire israélienne, la diffusion de preuves sensibles, et la pression politique autour des enquêtes sur l’usage de la force.

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