
Paul Bernard-Nouraud et l'inconcevable
Paul Bernard-Nouraud dans son histoire de l’art d’après Auschwitz rappelle que le "témoignage" brut ou reconstruit sera toujours coupable de ses manques.
Bataille, Blanchot, Levi, Celan mais aussi Resnais, Lanzmann en ont montré l'inexorable nécessité et l'inexorable manque jusqu'à, pour certains, y perdre leur vie.
Si dans ces analyses iconiques rien n'est résolu de nos interrogations réside la force de nous mettre dans l'haleine des mourants. Une hantise nous atteint et nous touche. Il ne faut pas en avoir peur mais s'y confronter.
En ce tel livre, l'image mieux que tout autre chose manifeste probablement cet état de survivance qui n'appartient ni à la vie tout à fait, ni à la mort tout à fait mais à ce genre d'état aussi paradoxal que celui des spectres qui sans relâche mettent du dedans notre mémoire en mouvement. . Bref l'image aussi sert à penser et à transformer l'art..
A ce titre, si l'image ne peut dire ou montrer l'impensable, l'invisibilité de l'horreur. A travers lui se fabrique toujours une représentation qui se veut fidèle à l'irreprésentable.
L'image traduit du sens. Certes, il n'existe pas de moyen de se soustraire à l'ambiguïté qui régit tout protocole de représentation qu'il soit iconique ou linguistique. Tout se joue toujours sur une sorte de tentative de parvenir à dire, à toucher et atteindre le cœur et la raison - l'inconscient aussi - entre l'interdit et la transgression.
Comme Didi-Huberman, Paul Bernard-Nouraud historien et théoricien de l’art, docteur en Esthétique entreprend ainsi de réévaluer à l’aune d’Auschwitz l’histoire de l’art antérieure à l’événement lui-même. On y découvre notamment qu’avec la peur du déluge et de la guerre, celle de la peste constitue l’un des fondements de l’art renaissant et de l’ordre du discernement qu’il instaure.
Paul Bernard-Nouraud, "Une histoire de l’art d’après Auschwitz - Figures disparates , vol.1", L'Atelier Contemporain, Strasbourg, 19 avril 2024, 632 p., : 30 €
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