
La destinée de la Juive Dona Grazia Nassi dans la ville de Tveriah (Tibériade)
« Quiconque entreprend de raconter les nobles actions et les rares vertus de Doña Grazia devra écrire des volumes s’il veut lui rendre justice.» (Rabbi Isaac Abouhav)
Il existe, au centre de la ville de Tveriah, un hôtel-musée dénommé Dona Grazia.
Ce nom évoque celui d’une dame juive, ayant vécu au 16ème siècle et dont la destinée la mena dans la ville de Tveriah.
Connue également sous le nom de Hanna Nassi, cette grande dame a secouru de nombreuses personnes juives victimes de persécutions de part et d’autre du globe.
Une Judaïté dissimulée au sein d’une famille marrane
Dona Grazia Nassi vit le jour en 1510 au Portugal.
Sa famille se convertit de force au catholicisme. La menace de l’Inquisition pesait sur la famille comme une épée de Damoclès et celle-ci fut contrainte de modifier son patronyme.
Au Portugal, la jeune femme était connue sous le nom de Beatrice de Luna Migez.
Malgré toutes les menaces qui pesaient sur elle, Dona Grazia n’oubliera jamais les coutumes et la tradition du peuple juif, qu’elle pratiquera dans le secret le plus absolu.
Lorsqu’elle a 12 ans Dona Grazia prend connaissance de son identité juive.
A 18 ans, elle épouse Joseph Francisco Mendes ( Tsemach Benveniste était son nom hébreu) , un riche banquier, et organisera une cérémonie de mariage juive en secret, juste avant la cérémonie à l’église.
Le mari de Dona Grazia mourut jeune, et Dona Grazia, voyant que les conditions de vie pour les Juifs ainsi que pour les conversos se durcissaient, décida de se réfugier à Anvers.
Durant toute sa vie, elle oeuvra à utiliser les fonds de son mari afin de porter secours aux Juifs persécutés et les aider à trouver refuge dans l’Empire ottoman, territoire où la tolérance envers le peuple juif était plus grande.
Le long périple jusqu’à Tveriah
Après la tentative de Charles Quint de s’emparer de sa fortune, Dona Gazia se vit contrainte de quitter la ville d’Anvers. Voyageant avec sa fille unique Reyna, elle fit un crochet par Londres, puis se réfugia à Venise vers 1544.
Un différend l’opposait à sa sœur Brianda que son mari Diego Mendes ( le frère de Joseph Francesco Mendes) l’avait deshérité en faveur de Dona Grazia. Brianda s’était empressée de contester le testament devant un tribunal rabbinique.
La majorité des rabbins de l’époque, dont Joseph Caro, avaient donné raison à Brianda.
Brianda garda rancune à sa sœur et la dénonça auprès des autorités, ce qui eut pour conséquence son emprisonnement et la saisine de ses biens.
Grâce à l’appui du médecin juif Amato Luciano et de Soliman le Magnifique, cette dernière finit par être libérée au bout de 2 ans. Les conversos étant chassés de Venise en 1550, Dona Grazia se réfugia à Ferrare.
C’est à ce moment qu’elle dévoila ouvertement sa Judaïté.
Dona Grazia reprit ensuite ses pérégrination vers la ville de Constantinople ( l’actuelle ville d’Istanbul en Turquie), où la grande dame devint une figure centrale de la communauté juive.
Durant cette période, elle épaulera de nombreuses synagogues et écoles et s’investira à 100 % dans la cause juive.
Elle participera activement à l’effervescence intellectuelle et religieuse de la ville.
Vers 1560, Soliman le Magnifique porte main forte à Dona Grazia dans son projet de construction et de revitalisation de la ville de Tveriah (Tibériade).
Dona Grazia a perçu dans la ville de Tveriah le potentiel de devenir un foyer de refuge sûr pour les Juifs persécutés. En soutenant l’activité économique des artisans et des commerçants, elle a largement contribué à la prospérité de la ville.
L’hôtel-musée Dona Grazia de Tveriah
Très central dans la ville de Tveriah, non loin du shouk, se trouve l’hôtel-musée Dona Grazia qui rend hommage à cette personne extraordinaire.
Je suis souvent passée à côté de cet établissement et me suis quelquefois reposée sur les bancs situés à son entrée pendant sa fermeture en 2020.
C’est en ces lieux que Dona Grazia vécut durant son séjour à Tveriah.
L’originalité de cet endroit est qu’il permet à son visiteur une immersion totale dans la vie de Dona Grazia au 16ème siècle. Sa décoration comporte des éléments historiques et il y a très fréquemment des expositions en son sein, permettant aux touristes de se plonger dans le monde de Dona Grazia.
De plus, la partie hôtel est pourvue de chambres confortables avec un aménagement moderne.
En conclusion
D’aucuns ont comparé Dona Grazia à une « reine Esther de la Renaissance ».
Son destin si singulier et son dévouement à son peuple et à ses traditions ont conduit ses pas dans la ville sainte de Tveriah.
En 2010, la municipalité de Tveriah a placé une pierre commémorative pour le 500ème anniversaire de cette grande dame.
La plupart des sources historiques rapportent que Dona Grazia est décédee en 1569 à Constantinople. Cependant, selon certains récits elle serait morte à Tsfat (Safed).
Le peuple juif a connu, au cours de son histoire, de grands héros, qui au coeur des tumultes les plus intenses, ont refusé de baisser les bras. La grande Dona Grazia est l’un d’entre eux et pour cela, mérite toute notre admiration.
Sources
http://kefisrael.com/2015/03/01/dona-gracia-la-reine-esther-de-la-renaissance-par-joel-guedj/
https://www.adathshalom.org/une-femme-juive-au-destin-exceptionnel-dona-gracia-nassi-1510-1569/
https://www.totiberias.com/he/property/museum-dona-gracia/photos.html
https://www.donagracia.com/museum
© 2024 Isabelle (Elisheva) Esling
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