Tsfat (Safed), la Mystérieuse et la Mystique
J’ai découvert la ville de Tsfat (Safed) en septembre 2017, lors de mon deuxième voyage en Terre d’Israël. J’avais décidé que ce bref séjour d’une semaine serait consacré à la Galilée uniquement.
Il va sans dire, pour ceux qui me connaissent, que j’élus domicile à Tveriah (Tibériade), ma ville favorite entre toutes.
C’est donc au départ de Tveriah que j’allais débuter une série d’explorations.
Un ami, connaissant mon attrait pour les choses mystiques, m’avait conseillé de visiter absolument Tsfat, et surtout d’y flâner sans regarder ma montre, afin de pouvoir y faire des rencontres intéressantes.
Mes expériences personnelles à Tsfat
Première rencontre
Lors de ce premier séjour à Tsfat, je pris place sur la terrasse du Café Bagdad et mon regard se porta sur un monsieur d’un certain âge, qui discutait passionnément avec son interlocuteur, en anglais, sur des questions halakhiques concernant le statut de la femme.
Tous deux ne partageaient absolument pas le même avis, et la discussion fut assez mouvementée. Je pensais que ce monsieur était un rabbin, car il était pourvu d’une longue barbe blanche.
1ere rencontre avec Elyahou à Sfat
C’est lorsque son interlocuteur prit congé que je découvris qu’il ne l’était pas, car je lui adressai directement la parole. Il s’appelait Eliyahu et était un Juif orthodoxe pratiquant ayant fait son alyah depuis plus de 20 ans d’Afrique du Sud.
Malheureusement, Eliyahu oublia de me laisser ses coordonnées ce jour-là et je pensais que nous ne nous reverrions plus. Cependant, un extraordinaire concours de circonstances me permit de le retrouver lors de mon troisième séjour en Israel, où je passai plusieurs nuitées à Tsfat, au coeur de la vieille ville.
Deuxième rencontre
Ce même jour, au cours d’une balade dans le quartier des artistes, je fis la connaissance de l’artiste David Friedman, dont la thématique est la kabbale cosmique et, à ma grande surprise, il me reçut chez lui, me présenta à sa femme et me proposa du thé ainsi qu’un dessert merveilleux à base de dattes dont la saveur m’est restée en mémoire. Nous avons passé quelques heures à discuter de kabbale et j’ai évidemment appris quantité de choses.
Troisième rencontre
Lors de mon troisième voyage en Israel, en janvier 2018, je fis la connaissance d’un individu aussi étrange que mystérieux et mystique. Je m’abstiendrai volontairement de mentionner son nom car ce monsieur, très féru de kabbale abusa de cette science à des fins personnelles et finit dans un hôpital psychiatrique.
C’est néanmoins grâce à lui que je pus retrouver mon ami Eliyahu lors d’une promenade du vendredi matin pendant laquelle je m’efforçais à trouver des repas préparés pour Shabbat, car je n’avais pas envie de faire la cuisine.
Je vécus, durant ce séjour, des choses assez extraordinaires relevant du domaine mystique, mais je n’entrerai pas dans les détails. Notons simplement que tout est facilité à Tsfat pour passer un Shabbat merveilleux et dans les meilleures conditions.
C’est lors de ce Shabbat précis du mois de janvier 2018 que je visitai la suprenante synagogue bleue Abouhav, dont l’architecture me laissa sans voix. Je pénétrai dans l’aire de prière destinée aux femmes, au premier étage, et j’eus l’impression lors de cette montée de m’élever également spirituellement, car les chants des hommes en contrebas s’élevaient vers nous dans des conditions acoustiques exceptionnelles.
En juin 2019, dans la période de Shavuoth, je fis l’expérience d’un Erev Shabbat dans la synagogue Carlebach. Ce fut une expérience mémorable, car nous nous tenions tous dans un cercle et nous nous donnions la main en chantant « lekha Dodi » et en regardant le soleil se coucher à l’horizon.
Je me souviens également d’un jeune homme, qui semblait toujours surgir de nulle part, et qui me saluait avec un grand sourire. Un vendredi matin, il m’avait apporté un beignet de pommes de terre farci aux légumes et la plupart du temps, dès qu’il me voyait, il me bombardait de questions de toutes sortes en hébreu. J’ai malheureusement oublié son nom, mais je sais que quand je reviendrai à Tsfat, il y a de grandes chances que nos chemins se croisent à nouveau.
Mon expérience de volontariat à la librairie anglophone Edith Geiger en 2020
Durant les 7 mois où j’ai eu la chance d’habiter à Tveriah (Tibériade), j’ai eu envie de tenter l’expérience du volontariat en Israel et j’ai donc postulé à une offre sur Facebook.
On m’a informé qu’il y avait une possibilité pour moi de faire deux heures de volontariat le lundi soir, de 19h à 21h et je pris donc rendez-vous avec la personne responsable du volontariat.
Je fus amenée à collaborer avec une personne dénommée Lyora, à l’accueil, où nous étions toutes deux chargées de répertorier et d’enregistrer les livres que les gens rapportaient ainsi que ceux qu’ils empruntaient. Nous étions également chargées de guider les personnes dans les différentes sections de la librairie. Cette petite pause hebdomadaire me permit de connaître de nombreuses personnes résidant à Tsfat, et quelquefois, lorsque l’occasion se présentait, d’échanger quelques mots avec eux.
J’étais néanmoins toujours contente de rentrer à Tveriah, que je considérais comme « ma ville ».
Que dire d’autre sur Tsfat ?
Tsfat est le berceau de la kabbale et de très grandes âmes juives y ont vécu.
J’aurais bien voulu rencontrer le rabbin Alon Anava, un rabbin très influent à Tsfat, mais il était absent ce jour-là et la rencontre n’a pas eu lieu.
Tsfat est une ville aux vibrations très élevées, très subtiles, et il est facile d'être submergé spirituellement. Bien que la ville abrite de nombreuses belles âmes, elle abrite aussi quelques fous.
Je me souviens d’une exploration solitaire de la ville et de mon passage dans ses ruelles, de la contemplation de ses portes bleues et des quelques notes de musique provenant d’un piano qui avaient agréablement surpris mes oreilles…
Le bleu de Sfat
Tsfat, tout comme Tveriah, Jérusalem et Hebron, possède le statut de « ville sainte » et à ce titre, l’ambiance qui y règne est si particulière.
Son panorama est magnifique et si la ville est chaude en été, il faut savoir que ses hivers sont très rigoureux, car elle est située en altitude.
Tsfat au cœur des conflits historiques
Mais derrière cette apparence pacifique et mystique, Tsfat a également une histoire mouvementée, marquée par des luttes incessantes pour le contrôle de la région.
Située à un point stratégique dans le nord d'Israël, la ville a été le théâtre de batailles majeures entre croisés, musulmans, et forces juives.
Tombe d'Isaac Louria kaballiste
Pendant les Croisades au XIIe siècle, Tsfat a joué un rôle clé.
Elle fut un bastion important pour les croisés, qui y construisirent une forteresse pour sécuriser leurs routes vers Jérusalem.
Cependant, les Ayyoubides, sous la direction de Saladin, ont assiégé et repris la ville aux croisés en 1188, lors de leur reconquête de la Terre Sainte. Cette bataille marqua un tournant dans l'histoire de Tsfat, et la ville passa sous domination musulmane pendant plusieurs siècles.
Sous les Mamelouks, puis plus tard les Ottomans, Tsfat continua à être une place stratégique. Au fil du temps, elle devint un refuge pour les communautés juives fuyant les persécutions en Europe et au Moyen-Orient, surtout après la Reconquista en Espagne et l’expulsion des Juifs en 1492.
Une Résilience Mystique
Malgré les nombreux sièges et invasions, la ville a toujours retrouvé son caractère mystique et spirituel.
À chaque époque de trouble, Tsfat a su se réinventer tout en conservant son héritage ésotérique et son rôle de centre religieux.
Ses montagnes et vallées, souvent enveloppées de brume, lui donnent une aura de mystère et de résistance, comme si la ville elle-même puisait sa force dans les secrets qu’elle renferme.
Aujourd'hui, Tsfat continue de fasciner tant par son histoire violente que par sa sérénité apparente. La ville attire non seulement des pèlerins juifs, mais aussi des touristes du monde entier, curieux d'explorer ses rues pavées, ses secrets spirituels et son passé guerrier.
La Couleur Bleue : Un Symbole Mystique
Le bleu mystique de Sfat
Dans les ruelles de Tsfat, l’omniprésence du bleu frappe immédiatement le visiteur. Les portes, les fenêtres, et parfois même les murs sont peints dans différentes nuances de cette couleur, qui a une signification profonde dans la tradition juive et kabbalistique.
Le bleu, appelé « tekhelet » (תכלת) en hébreu, symbolise le divin et l'infini.
Selon la kabbale, cette couleur représente le ciel et les mondes spirituels, rappelant à ceux qui la contemplent la connexion entre la Terre et le royaume céleste.
Le tekhelet (תכלת) était autrefois associé aux tzitzit (ציצית) – les franges rituelles des vêtements des anciens Juifs – en raison du lien de cette couleur avec la mer, le ciel et, par extension, avec HaShem.
Dans Tsfat, cette couleur sacrée est utilisée pour éloigner les mauvais esprits (shedim – שדים) et pour attirer des bénédictions. Elle renforce aussi l'ambiance sereine et mystique qui plane sur la ville, où le quotidien semble baigné dans une lumière spirituelle.
Le bleu couleur sacrée à Sfat
La Ruelle du Messie : Un Passage Vers le Mystère
L'autre élément fascinant de Tsfat est la légendaire « ruelle du Messie » (סמטת המשיח), un petit passage au cœur de la vieille ville, empreint de mystère et d'attente spirituelle.
Selon la tradition locale, c'est par cette ruelle que le Messie (Mashia'h – משיח) passera lorsqu'il viendra enfin sur Terre pour apporter la rédemption (Geoula – גאולה) au peuple juif.
Les habitants de Tsfat, et plus largement les érudits de la Kabbale, croient en l'avènement d'une ère messianique, où le monde sera transformé par la révélation divine.
Cette petite rue, parfois difficile à trouver pour ceux qui ne la connaissent pas, est marquée par une ambiance particulière. C’est un lieu où les croyants et les chercheurs de vérité viennent méditer, espérant sentir l'énergie mystique qui y règne. Certains disent même avoir ressenti une force spirituelle inhabituelle en traversant cet étroit passage, comme si le temps et l'espace y étaient suspendus en attente de quelque chose de grandiose.
En conclusion :
Nichée dans les montagnes de la Galilée, Tsfat ( Safed), est l'une des villes les plus anciennes et les plus énigmatiques d'Israël. Connue pour sa spiritualité unique et son ambiance mystérieuse, Tsfat a joué un rôle central dans l'histoire religieuse et militaire de la région. Cette cité est aujourd'hui réputée pour être un haut lieu du mysticisme juif, notamment grâce à la kabbale, mais elle a également été témoin de conflits sanglants entre croisés, musulmans et juifs à travers les âges.
Le nom צפת vient du verbe לצפות, regarder, observer, guetter, car son altitude en faisait un point d’observation stratégique par rapport aux invasions d’ennemis.
Venez-vous imprégner de son atmosphère !
Sources :
Safed — Wikipédia (wikipedia.org)
https://www.youtube.com/watch?v=vaBHcfqRv-0
https://www.youtube.com/watch?v=adekPxWwnks
© 2024 Isabelle Elisheva Esling