
Florianne Chinsky, voix d’Israël contre l’ignorance : un livre comme un chofar

En finir avec les idées fausses sur le judaïsme, les juives et les juifs
de Floriane CHINSKY
13,50 € TTC
« Les juifs ont-ils un long nez crochu ? »
« Les juifs ont-ils tué Jésus ? »
« Faut-il croire en Dieu pour être juif ? »
« Le judaïsme est-il sioniste ? »
« Le judaïsme prône-t-il une séparation des autres peuples ? »
“En finir avec les idées fausses”, ou quand une femme rabbin se dresse contre les ténèbres de la bêtises
« La Bible n’est pas le patriarcat. Elle est sa critique. » Cette phrase, tirée du dernier essai de Florianne Chinsky, rabbin, docteure en sociologie et flamme vive du judaïsme francophone, claque comme un coup de tonnerre dans le ciel trop lisse du politiquement correct.
Dans En finir avec les idées fausses – Le judaïsme, les Juives et les Juifs, elle livre un manifeste joyeux, érudit, et d’une fulgurance rare, pour désamorcer les idées reçues, ces bombes molles de l’ignorance qui minent la pensée.
À chaque page, elle affûte son humour comme un couteau talmudique, tranchant les stéréotypes avec la précision d’une exégète. Non, les femmes juives ne sont pas soumises. Non, le judaïsme n’est pas une religion figée dans un désert. Non, les Juifs ne sont pas ce que les antisemites veulent qu’ils soient. Florianne Chinsky donne à lire, avec érudition et insolence, une vérité charnelle, incarnée, millénaire.
« On croit que le judaïsme est patriarcal. Mais la Torah commence par des hommes qui pleurent et des femmes qui décident. »
L’intelligence juive, c’est le doute qui danse
Le génie de ce livre est là : dans cette capacité à conjuguer la fidélité au texte avec la liberté du commentaire. Chinsky ne sacralise pas l’ignorance ; elle éclaire, elle débat, elle tord le cou à l’idée même de dogme figé. Elle rend au judaïsme sa voix vivante, celle du pilpoul, cette controverse aimante qui fait jaillir l’étincelle du sens.
« Le Talmud ne dit pas : ‘voici la vérité’, mais plutôt : ‘voici toutes les lectures possibles, et maintenant cherche encore.’ »
Elle cite les textes avec l’autorité tranquille de ceux qui les ont mangés, digérés, aimés. Elle connaît leur poids de feu et de lumière. Et elle les offre, non pas comme des armes, mais comme des instruments de musique.
Car le judaïsme, chez Chinsky, est d’abord un chant : celui d’un peuple qui parle à Dieu en posant des questions. Un peuple qui n’a jamais cessé de répondre à l’exil par la parole.
L’humour comme résistance, la connaissance comme émancipation
Chinsky ne s’épanche pas. Elle décape. Avec elle, l’humour n’est pas un ornement, c’est une théologie. Elle se moque des raccourcis médiatiques, des clichés sur les femmes, sur Israël, sur la kippa, sur l’argent, sur la Shoah même, avec un courage qui force le respect.
« On demande souvent pourquoi les Juifs parlent autant de la Shoah. Et moi je demande : pourquoi en parlent-ils si peu, dans une société qui continue à produire de la haine ? »
Chaque chapitre est un pied de nez à la bien-pensance molle, une invitation à étudier, à chercher, à rire — parce que rire est encore ce qui distingue le prophète du prédicateur.
Une voix talmudique et prophétique à la fois
Il y a dans ce livre la voix des anciens prophètes : celle de Jérémie qui pleure la ruine du Temple (Jérémie 8:23), celle d’Ézéchiel qui voit dans les ossements desséchés la promesse d’un peuple debout (Ez. 37). Mais cette voix est portée par une femme, ce qui n’est pas une contradiction mais un accomplissement. Car dans le judaïsme, le féminin n’est jamais effacé : il est origine, souffle, Shekhina. Comme le rappelle le Zohar :
« La Shekhina est la mère de la Torah. »
Chinsky nous montre que le savoir n’est pas une menace pour la foi. Il en est la condition. Comme le disait Emmanuel Levinas :
« L'étude de la Torah est la plus haute forme de la prière. »
Et comme le rappelait Manitou :
« Le peuple d'Israël a été créé pour étudier, non pour dominer. »
Un chant d’amour juif, à transmettre
Le livre de Florianne Chinsky est plus qu’un essai : c’est une kabbale du cœur, une déclaration d’amour à un peuple souvent caricaturé, souvent haï, mais dont la mémoire irrigue l’histoire humaine. Il est grand temps que les Juifs parlent d’eux-mêmes, et non à travers les prismes de leurs ennemis. Il est urgent que l’on entende leur rire, leur peine, leur joie d’étudier, leur capacité à survivre — et à vivre.
« Le judaïsme, ce n’est pas une religion de la mort. C’est une religion du temps. Une religion qui attend toujours l’aube. »
En finir avec les idées fausses n’est pas un plaidoyer. C’est un miroir. Et ceux qui le liront sans détourner les yeux en ressortiront changés. Car, comme l’écrit Chinsky :
« Le peuple juif, c’est le peuple qui a osé écrire que son Dieu se tait parfois. Et qui, malgré ce silence, continue à chanter. »
Et peut-être est-ce cela, le plus grand miracle.