Fauda saison 5 : la série tourne dans les ruines du 7 octobre et ravive la douleur

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Fauda saison 5 : la série tourne dans les ruines du 7 octobre et ravive la douleur

Fauda dans l’ombre du 7 octobre : quand la fiction rouvre les plaies d’un peuple en deuil

Un tournage au goût de cendres dans le sud d’Israël

Il fut un temps où la série Fauda incarnait la fierté israélienne : un miroir tendu à la réalité trouble du Proche-Orient, une plongée haletante dans les coulisses de la guerre asymétrique. Mais en ce printemps 2025, alors que la cinquième saison entre en production, l’enthousiasme a laissé place à une gêne sourde, presque indécente.
Car les nouvelles scènes de la série, cette fois, sont tournées dans les localités du sud d’Israël, précisément là où les massacres du 7 octobre ont eu lieu — là où l’odeur du sang, pour beaucoup, n’a pas encore disparu.

Le conseil régional d’Eshkol, l’une des régions les plus cruellement frappées par l’attaque terroriste du Hamas, a été averti par avance.
Un message officiel adressé aux habitants évoque des “incidents sécuritaires simulés”, des “costumes de terroristes”, des “uniformes militaires”, et même “des tirs factices”. Pourtant, malgré ces précautions, la colère gronde.

“Cela montre un total manque de sensibilité et de considération pour les citoyens qui vivent encore avec le traumatisme”, confie un habitant sous couvert d’anonymat.
“Cela peut provoquer des flashbacks, une détresse émotionnelle. C’est dangereux, et surtout, profondément injuste.”

7 octobre : la cicatrice ouverte

L’émotion est d’autant plus vive que ce tournage intervient moins de deux ans après la journée la plus noire de l’histoire israélienne contemporaine.
Le 7 octobre 2023, des milliers  de terroristes palestiniens du Hamas,  ont franchi la barrière de sécurité pour semer la mort dans les kibboutzim, les villages, les festivals.
En une matinée, 1 200 civils israéliens ont été massacrés, et environ 250 autres enlevés et emmenés en captivité dans la bande de Gaza dans les tunnels du Hamas.

Depuis, le pays est en état de choc permanent. Les alarmes retentissent encore, les cercueils sont trop nombreux, et les photos d’enfants souriants sur les “murs des otages” pleurent silencieusement dans chaque ville. Tourner une fiction d’action dans ce décor réel, encore empreint de souffrances, fait surgir une question aussi brûlante que taboue : à quel moment le récit artistique devient-il une trahison de la douleur ?

L’art en territoire miné

La production de Fauda, emblématique pour sa volonté de dépeindre sans manichéisme les conflits israélo-palestiniens, se retrouve aujourd’hui prise au piège de sa propre ambition.

La frontière entre la fiction et la réalité s’est effondrée le 7 octobre. Dès lors, peut-on rejouer l’horreur dans les lieux mêmes où elle s’est déroulée, avec des figurants grimés en terroristes, sous les fenêtres de survivants encore endeuillés ? À quel prix fabrique-t-on du divertissement à partir de la tragédie ?

Certains défendent pourtant le projet, arguant que Fauda a toujours puisé sa force dans le réel. “Raconter ces événements, c’est aussi leur rendre hommage, refuser l’oubli”, plaide un proche de la production. Mais dans les villes martyres du sud, cette légitimité s’effrite devant l’urgence du deuil. “Nous n’avons pas besoin de voir des comédiens jouer notre enfer pour y croire”, martèle une assistante sociale de la région. “Nous le vivons encore, chaque matin, chaque nuit. Et ce n’est pas du cinéma.”

L’après-traumatisme collectif : un territoire sans scénario

Depuis octobre 2023, Israël est un pays fracturé, pris entre la sidération et le besoin viscéral de continuer. La guerre à Gaza s’est intensifiée, la société s’est polarisée, les familles d’otages sont devenues les figures tragiques de cette époque incertaine. Dans ce contexte, la moindre décision artistique ou politique devient hautement inflammable.

La question soulevée par Fauda dépasse largement le cadre d’un tournage. Elle interroge la capacité d’un peuple à se regarder en face, alors même que le miroir tremble encore. Peut-on se raconter l’horreur quand elle n’a pas quitté les couloirs de l’hôpital, les cours d’école, les berceaux vides ?
“Le cinéma est un acte politique”, disait Godard. En Israël, en 2025, il est surtout un acte de mémoire ou de déni — selon l’endroit où l’on pose la caméra.

 Quand la caméra vacille, qui porte la vérité ?

En choisissant de tourner Fauda au cœur de la terre blessée du 7 octobre, les réalisateurs ont déclenché une onde de choc qui révèle bien plus qu’un simple débat sur la fiction. Ils ont mis à nu la fragilité d’un pays qui ne sait plus comment raconter sa propre histoire : entre héroïsme et deuil, entre spectacle et respect. Dans les ruines de Be’eri ou de Nir Oz, les cris ne sont pas ceux des figurants. Ce sont ceux d’un peuple qui cherche encore ses morts, ses otages, et peut-être, sa propre voix.

Le 7 octobre ne peut devenir un décor. C’est une plaie. Et tant que le sang est encore frais, toute caméra tournée vers elle devrait trembler.

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