Série Jaguar sur Netflix: l’histoire occultée des Séfarades persécutés par les nazis -vidéo-

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Série Jaguar sur Netflix: l’histoire occultée des Séfarades persécutés par les nazis

Jaguar : quand la fiction exhume le destin oublié des Séfarades broyés par les nazis et abandonnés par l’Espagne

Ils étaient les héritiers d’une Espagne qui les avait chassés, les enfants de Sefarad dispersés depuis 1492, et pourtant ce sont eux que les nazis ont déportés tandis que Franco offrait refuge aux bourreaux. La mini-série Jaguar remet à nu ce pan oublié de l’Histoire européenne : la destruction des Séfarades et l’impunité des criminels nazis cachés en Espagne. Une mémoire étouffée que la fiction révèle enfin.

Une série qui remet en jeu une vérité que l’Europe a préférée taire

La mini-série Jaguar ne prétend pas raconter une histoire vraie, mais elle rouvre une porte restée trop longtemps close. Derrière la fiction, une vérité plus âpre surgit : les Juifs séfarades, héritiers directs de l’Espagne de 1492, ont été déportés par les nazis, parfois même porteurs de papiers espagnols, tandis que le régime de Franco offrait refuge aux bourreaux à Madrid.
Cette collision entre mémoire, abandon et impunité constitue l’un des pans les plus occultés de l’histoire européenne du XXe siècle.
La série emprunte les codes du thriller pour dire ce que les manuels ont effacé : la tragédie séfarade n’a pas seulement traversé les rives orientales de la Méditerranée, elle s’est aussi fracassée sur la passivité d’un pays qui avait expulsé leurs ancêtres quatre siècles plus tôt.

Les Séfarades : des enfants d’Espagne déportés loin de l’Espagne

Contrairement à une idée répandue, les Juifs séfarades déportés n’étaient pas des Juifs vivant en Espagne.
Aucun ne pouvait y vivre, puisque la communauté juive avait été éradiquée du territoire en 1492 et tenue à distance pendant des siècles.
Ils vivaient à Salonique, à Istanbul, dans les Balkans ou en Europe occidentale, mais ils portaient encore la langue judéo-espagnole, les chants hérités de Tolède et les prénoms venus de Castille.

Ils étaient l’Espagne en exil. Beaucoup possédaient des documents espagnols, obtenus tardivement lorsque le royaume tenta de renouer symboliquement avec les descendants des expulsés.
Ces papiers n’ont rien changé à leur sort.
Lorsque les nazis ont envahi la Grèce et la France, ces Séfarades n’ont bénéficié d’aucune protection. Les convois pour Auschwitz ont englouti leur mémoire comme si l’expulsion de 1492 devait se conclure quatre siècles plus tard dans les fumées du camp.

L’Espagne de Franco, sanctuaire des bourreaux

L’une des vérités les plus dérangeantes que Jaguar ose effleurer est la présence massive de nazis en Espagne après 1945.
Le régime franquiste, farouchement anticommuniste, a ouvert ses portes à des officiers du Reich qui y ont trouvé une tranquillité qu’ils n’auraient obtenue nulle part ailleurs en Europe. Madrid et la côte espagnole ont abrité des hommes dont les noms apparaissent dans les archives du SD, de la Gestapo ou de la Waffen-SS.
Ils ont vécu, travaillé, investi, parfois fondé de nouvelles sociétés, sous la bienveillance d’un État qui refusait de collaborer aux procédures internationales.
Ce décor est authentique. La série ne l’invente pas. Elle le transpose dans une dramaturgie où les survivants viennent réclamer justice sur une terre qui n’a jamais jugé leurs assassins.

Une vengeance imaginaire plantée dans un sol historiquement coupable

La cellule clandestine de survivants juifs décrite dans Jaguar n’a jamais existé.
Aucun réseau séfarade n’a traqué les nazis en Espagne.
Les groupes réels, comme la Brigade des Vengeurs, ont mené leurs opérations en Europe centrale. Le Mossad, pour sa part, a poursuivi des criminels nazis en Amérique latine plutôt qu’en Europe occidentale.
Mais la série capte une vérité morale que l’Histoire officielle n’a jamais formulée. Si une vengeance devait naître quelque part, c’est précisément en Espagne qu’elle trouverait sa cohérence. Car c’est en Espagne que les bourreaux ont trouvé refuge et tranquillité. Et c’est en Espagne que l’absence de réaction face à la déportation des Séfarades se lit comme une indifférence prolongée depuis 1492.

Pourquoi ce silence a-t-il été si long

La mémoire européenne a privilégié le récit ashkénaze de la Shoah, avec ses ghettos, ses pogroms et ses camps.
Les Séfarades, dispersés d’un bout à l’autre de la Méditerranée, n’ont pas trouvé leur place dans cette narration.
Leur déportation depuis Salonique ou Paris a été traitée comme un événement périphérique, presque exotique, alors qu’elle constitue l’un des effondrements les plus brutaux d’une civilisation juive plusieurs fois centenaire.
L’Espagne, de son côté, n’a jamais assumé son silence. Admettre aujourd’hui que des détenteurs de papiers espagnols ont été déportés par les nazis reviendrait à reconnaître que le régime franquiste n’a rien tenté pour les sauver. Ce vide politique a nourri un vide mémoriel.

Le véritable choc de Jaguar

Ce qui dérange dans la série n’est pas la vengeance imaginaire, mais l’écho historique qu’elle provoque. Le spectateur découvre que des Juifs d’origine espagnole, dépossédés de leur pays depuis le XVe siècle, broyés par l’Allemagne nazie au XXe, auraient symboliquement pu revenir sur cette terre pour y juger ceux que l’Espagne avait choisis de protéger. La fiction ouvre un espace que l’Histoire n’a jamais voulu ouvrir. Elle ne raconte pas ce qui a eu lieu, mais ce que la mémoire séfarade aurait été en droit de réclamer.

Les Séfarades, une mémoire à réinscrire dans l’Histoire

L’importance de la série dépasse le simple divertissement. Elle redonne visage à une communauté souvent enfermée dans l’image romantique des exilés de 1492, alors qu’elle a été décimée en 1943 à Auschwitz et dans les camps allemands.
Elle rappelle que la Shoah a traversé le monde séfarade avec autant de violence que le monde ashkénaze. Elle rappelle surtout que le drame des Séfarades n’appartient pas seulement au passé, mais à l’Europe contemporaine qui ne l’a jamais pleinement intégré.

Sans prétendre rétablir la réalité, Jaguar accomplit un acte de réparation mémorielle. Elle réveille ce que l’Histoire a laissé dormir : des enfants d’Espagne déportés hors d’Espagne, des bourreaux protégés par l’Espagne, et un silence qui dure encore.

Sur les six millions de Juifs assassinés, les historiens estiment que des dizaines de milliers de Séfarades  probablement de l’ordre de 80 000 à 100 000 personnes  ont été déportés et massacrés, principalement en Grèce et dans les Balkans, mais aussi en Europe occidentale et en Afrique du Nord dont en Tunisie.

Cérémonie de la rafle des juifs de Tunis à Yad Vashem à Jérusalem le 9 décembre 2025 à midi

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