Première interview de Shimon Peres pour le Web, 1996

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Première interview de Shimon Peres pour le Web, 1996

SHIMON PERES en 1996 pour Alliance le premier magazine juif sur le net 

Un sage grec a demandé : Quelle est la différence entre la guerre et la paix ? Et il a donné cette réponse: En temps de guerre, ce sont les pères qui enterrent leurs enfants, en temps de paix ce sont les enfants qui enterrent leur père.

Au coeur de Tel-Aviv, perché au 12 étage, rien n'est plus surprenant que de s'approcher du nid de l'aigle.

Mais encore plus impressionnant est la rencontre.
Après les civilités d'usage avec ses gardes du corps et ses deux secrétaires maternantes, inquiètent pour la santé de leur protégé- enrhumé ce jour-là -. La porte s'ouvre sur un bureau spacieux et clair .

Il se lève. Difficile à ce moment là de différencier l'homme de son histoire.C'est un monument de l'Histoire contemporaine qui s'avance vers moi. Une Histoire si proche par ses drames , si lointaine par son espoir.

Le silence enveloppe la pièce, lourd d'évidences, lourd d'un passé encore brûlant, un silence pour les victimes de l'attentat de la veille, un silence sur une paix qui se fait attendre.

Le regard de l'homme est clair, ses mouvements lents et précis,dégagent une réflexion profonde où il est encore difficile de saisir l'enthousiasme.

Mais le plus dur combat n'est-il pas de continuer malgré tous les désespoirs ?

Shimon Peres fait partie de ces êtres qui n'abandonnent jamais. Sa mission est la paix et il en paye le prix.

Alliance - Shimon Peres Shalom, en référence du livre de Robert Littell(voir encadré)vous dites aujourd'hui que le monde est trop informé pour supporter un dictateur comme Hitler, pourtant la montée des extrémistes dans le monde est flagrante. Comment expliquez-vous cela ?

Shimon Peres - Ce n'est pas flagrant, ce sont toujours des minorités, voire même des petites minorités mais avec beaucoup de moyens, ce n'est pas le nombre d'individus qui change mais la quantité des moyens.

A - Vous dite"La télévision rend les dictatures impossibles et les démocraties intolérables"". Quel serait pour vous le système idéal ?

SP- Je ne pense pas qu'on puisse changer la télévision mais on peut changer les téléspectateurs, il faut éduquer chaque personne, sur la capacité de voir et de recevoir l'information et ainsi développer son objectivité. Sinon nous risquons de tomber , victimes de la vulgarité.
Parce que la logique de la télévision est avant tout commerciale, c'est la quantité qui l'emporte sur la qualité.
Ils recherchent toujours le dénominateur le plus bas. La seule façon de faire basculer cette situation est l'éducation .Elle seule peut guérir tous les maux du siècle. Dans la série "Dallas", vous ne trouvez aucune personne qui lit un livre, aucune personne qui travaille, c'est toujours l'intrigue et le sexe. Il faut expliquer que la vie est plus compliquée que cela.

A- Comment pourrait-on éduquer les gens ?

SP- Il faut commencer dès la maternelle, parce que les enfants voient et vivent déjà de la télévision, il faut qu'ils apprennent à séparer, à faire la différence entre la virtualité et la réalité. La réalité est complètement différente, nettement plus compliquée. il faut donner une leçon sur ce moyen là, qui peut se révéler un excellent moyen pédagogique.

A- Il semblerait que l'UNESCO se penche actuellement sur un projet de l'éducation paix , qu'en est-il ?

SP- Plus précisément il y a un rapport complétement brillant rédigé par une commission représentée par Jacques Delors.Un rapport de valeur.Il dit qu'il faut fonder l'éducation sur quatre colonnes :

Learning to be : apprendre à être

Learning to know : apprendre à connaître

Learning to do : apprendre à faire

Learning to live together : apprendre à vivre ensemble.

A- Donc en fait si nous avions la possibilité en Israël de le faire ..

SP- Ah oui... à mon avis, c'est la chose la plus importante pour le futur, apprendre de la vie sociale, comme apprendre de la vie stratégie-sociale, parce que là est la vraie clé pour l'égalité.

Stratégie parce que la source, la force, le pouvoir de notre époque n'est pas matériel mais intellectuel. C'est pour ça que c'est dans les campus des universités plus que dans les camps militaires que nous trouverons le moyen d'établir ces ressources.

A- A travers le livre de Robert Littell j'ai appris que vous aviez l'intention de créer l'Institut pour la paix à votre nom d'ailleurs, C'est quoi au juste ? Que peut-on y étudier ?(voir encadré)

SP- Cet institut sera constitué de deux parties, une académique et une d'action économique. Dans la partie académique, sera créée une école pour les négociations avec la participation de l'Université de Tel-Aviv et de Harvard. Apprendre à négocier c'est apprendre à faire la paix .

Le projet d'action lui est là pour encourager le processus de la paix par l'entreprise économique et sociale.

Je vous donne quelques exemples : nous avons proposé une confédération tripartite entre 8 cités palestiniennes, 8 cités israeliennes et 8 citées européennes et ainsi établir un rapport municipale entre trois cultures, trois expériences différentes, le maire de Tel-Aviv , le maire de Naplouse pour le côté palestinien , nous attendons le choix européen.

A- De quelles villes européennes s'agiraient-ils ?

SP- Je ne sais pas exactement c'est aux européens de choisir .Nous allons aussi établir un centre d'études de haute technologie à Gaza et en Cis-Jordanie. Nous manquons d'informaticiens alors plutôt que d'importer des employés d'Inde ou d'ailleurs, il est préférable de former de jeunes palestiniens et ainsi démontrer qu'ils ne sont pas uniquement valables pour des métiers manuels.

(Isra-Pal Informatech cette école sera située à Erez. Ce sont des informaticiens israéliens qui formeront des jeunes palestiniens.)

A- Vous partez donc du principe qu'il faut rendre une dignité aux palestiniens en leur donnant le choix d'un métier et d'un avenir pour avancer dans la paix ?

SP - Tout à fait, nous allons participer aussi à la construction d'une zone industrielle à Gaza et ainsi favoriser les rencontres entre les deux peuples. Les contacts entre individus sont très importants surtout dans les différents échelons sociaux ou professionnels.

A- Mais sur le plan des professions libérales cela fonctionne déjà, des rencontres ont déjà été réalisées et des projets avancés ?

SP - Oui mais là ce sont des jeunes vers des jeunes, des jeunes palestiniens , des jeunes israéliens et ainsi permettre aux autres génération parents , grand-parents de se sentir aussi concernés par la paix.C'est le gouvernement norvégien qui soutient cette action.

Nous avons aussi une coopération assez importante dans le domaine agricole,en bio-génétique. Ce centre de recherche se fait en collaboration avec l'Institut français pour la siences et la paix. cette action est soutenue par la Banque Mondiale , the World Bank.

A- L'institut Shimon Peres ouvrira ses portes quand ?

SP _ Nous travaillons déjà depuis 1996 mais l'inauguration officielle aura lieu en Octobre 1997

A- Il sera situé où ?

SP - A Tel-Aviv.

A- Vous êtes en train de démontrer que la paix peut se faire en parallèle de la politique ?

SP -Nous avons voulu démontrer deux choses, que la paix marche sur deux pieds, un pied politique évidemment, mais dans un même gouvernement il y a l'autre pied économique qui est ouvert pour tous. Nous souhaitons donc ainsi privatiser la paix.

Regardez les choses qui se passent en Europe dans certains pays la paix à débuter au moment où on a commencé à économiser les politiques à la place de la politisation de l'économie.La politique c'est pour les politiciens, l'économie c'est pour le peuple. Les politiques cherchent la gloire, l'économie cherche à nourrir le peuple.

A- Vous êtes bien-sûr en accord avec les initiatives d'ententes entres les deux peuples tel que le Gan Hashalom (voir "reportages") mais pensez vous que le gouvernement actuel permettra sa multiplication ?

SP- Non bien sûr le gouvernement actuel va bloquer le processus, je voudrais qu'il leur reste un minimum de lucidité pour éviter le pire.

A- Dans ce cas, ne pensez vous pas que ce même gouvernement risque de bloquer l'Institut pour la paix ?

SP - Non, cela n'a rien à voir, notre Institut est apolitique et à but non lucratif .

A- Vous êtes un des rares combattants pour la paix à être resté vivant pensez vous que votre mission pour la paix est terminée ?

SP- Non certainement pas, je ne cherche pas le pouvoir, mais je ne peux pas abandonner mon processus de paix.

A- Dans un tout autre cadre vous avez accepté de rencontrer Michael Drosnin l'auteur du livre : "la bible : le code secret "vous soumettant le risque d'une éventuelle attaque nucléaire en Israël, à cela vous aviez répondu "Si elle est prédite que pouvons nous faire ?" Que pensez vous de ce code et surtout d'une probable attaque nucléaire ?

SP - Je suis très sceptique en ce qui concerne les choses mystiques, je n'y crois pas beaucoup et je ne pense pas qu'Israël puisse subir une attaque nucléaire .

Shimon Peres interview pour Alliance

Shimon Peres interview pour Alliance

Propos recueillis pas Claudine Douillet en 1996

 

 

 

Edition Denoël: Conversations avec... Shimon Peres de Robert Littell

Extraits :

J'ai lu Céline avec un goût de révolte dans la bouche...certaines de ses descriptions étaient extrêmement fortes... Cela montre simplement que des gens pleins de talents n'ont pas forcément celui de savoir distinguer le bien du mal. Et peut-être que le talent de savoir distinguer le bien du mal est le plus grand de tous.

La première fois que j'ai rencontré le pape...Il m'a dit que nous étions tous des enfants d'Abraham et que nous faisons tous le même voyage dans l'histoire. Je lui ai répondu : Oui... mais c'est nous qui avons payé notre traversée le plus cher.

Arafat ne se soumet pas à la discipline de l'histoire...C'est un maître des faits...Je veux dire que, dès qu'il s'agit des faits, il préfère devenir une sorte de Chagall- les choses peuvent flotter un peu.

La vocation de la négociation, c'est l'inventivité plus encore que le marchandage. C'est de trouver une solution étonnante à laquelle personne n'avait pensé...

Propos recueillis par Claudine Douillet en 1996

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