Massacre du 7 octobre : le plan “Mur de Jéricho” existait, ses fossoyeurs règnent encore

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Massacre du 7 octobre : le plan “Mur de Jéricho” existait, ses fossoyeurs règnent encore

Une invasion annoncée : comment Tsahal a ignoré le plan « Mur de Jéricho »

Ils savaient. Ils avaient le plan. Ils l’ont étouffé. En 2022, le général Nimrod Aloni imagine le scénario « Mur de Jéricho » qui anticipe avec une précision glaçante l’invasion du Hamas : percée de la barrière, attaques motorisées, enlèvements, kibboutzim tombés. Mais ce plan est abandonné, raillé, enterré. À sa place, les responsables de l’inaction — Toledano et Shalom — conservent leurs fauteuils au sein du système sécuritaire israélien.

Aucune enquête. Aucun limogeage. Le massacre du 7 octobre n’a toujours pas de coupables, mais il a eu des architectes du silence.

Une réunion cruciale face à une alerte capitale

Quelques jours à peine après qu’un rapport confidentiel décrivant une offensive massive du Hamas est parvenu à la division Gaza, une réunion spéciale est organisée. Le chef du renseignement, le lieutenant-colonel Y’, et le chef de la section “assaut”, le commandant N’, y présentent une stratégie de défense baptisée « Mur de Jéricho ».

Au terme de cette réunion, le commandant de la division à l’époque, le général Nimrod Aloni, rédige un document de treize points, destiné à évoluer dans les mois suivants. Il y est exposé, avec précision, comment se préparer à une incursion armée de grande ampleur venue de Gaza, et quelles mesures doivent être prises pour l’empêcher. Ce document deviendra la pierre angulaire d’un scénario que l’armée israélienne aurait pu — et dû — anticiper.

Un scénario d’assaut terrestre inédit

Contrairement aux évaluations précédentes, qui envisageaient une attaque à travers les tunnels, baptisée « système de libération », le plan « Mur de Jéricho » se concentre sur une offensive au sol, avec des terroristes progressant à pied, à moto ou en véhicule. Pendant trois mois, la division Gaza travaille seule sur cette hypothèse : détecter les signaux précurseurs d’une invasion, coordonner l’artillerie, et fortifier les points d’entrée potentiels.

Mais tout s’effondre brutalement lorsque le commandement change. Nimrod Aloni est remplacé par le général Avi Rosenfeld, et le commandement sud passe aux mains du général Eliezer Toledano. Ce dernier juge ce scénario « irréaliste ». Toutes les préparations sont arrêtées.

Des signes avant-coureurs ignorés

Le document ordonne une surveillance spécifique des activités du Hamas : augmentation du nombre de combattants d’élite Nukhba, mobilisation des unités d’ingénierie nécessaires pour percer la barrière, apparition d’équipements nouveaux, tels que les passerelles mobiles pour franchir les clôtures. Le renseignement militaire identifie aussi une multiplication des entraînements correspondant précisément au scénario prévu.

“Le nouveau plan montre à quel point il est crucial de se concentrer sur une attaque motorisée et la problématique du franchissement des obstacles au-dessus du sol… Le commandant de division ordonne la mise à jour du plan d’alerte et des indicateurs d’invasion.”

Mais lorsque l’unité 8200 détecte que les entraînements du Hamas reprennent point par point le plan « Mur de Jéricho », le chef du renseignement de la division balaie ces alertes.

Des défenses prêtes mais jamais activées

Pour faire face à une incursion, Aloni imagine une contre-offensive immédiate nommée « Parash Peleshet ». L’armée devait préparer soixante « cibles muettes » — des points clés autour de la barrière, à bombarder dès les premiers signes d’assaut. Des carrefours, des entrées de villages, des points de rassemblement : tous identifiés, cartographiés, transmis. Des exercices sont même menés avec l’aviation.

Mais dans les dix mois précédant l’attaque du 7 octobre, aucune de ces cibles n’est frappée. Au moment du déclenchement de l’opération, quand le Hamas lance son offensive, l’armée applique l’ancien protocole et cible uniquement les tunnels — ignorant les véhicules, les motos, les masses humaines, pourtant parfaitement prévus dans le plan.

Un plan enterré par l’état-major

Lorsque les informations parviennent au commandant Toledano, celui-ci les rejette. Aucun débat n’est organisé sur le plan, aucune version n’est mise à jour. L’héritage de la division Gaza est mis de côté, enterré. Après le départ d’Aloni en août 2022, l’armée israélienne enterre aussi ses alertes les plus précises.

Deux ans plus tard, la commission d’enquête militaire parlera d’un « effondrement de la transmission ». Ceux qui, en 2022, auraient dû connaître ce plan, ignoraient jusqu’à son existence. « Le dossier est tombé entre les mailles du filet. »

Une première version de l’alerte dès 2018

Le plan « Mur de Jéricho » n’est pas né ex nihilo. Dès mars 2018, une première version d’un scénario semblable est conçue par l’unité 8200. Elle envisage une pluie de roquettes, une percée de la barrière grâce à des engins d’ingénierie, et une offensive terrestre d’envergure sur les bases militaires, les kibboutzim et la ville de Sdérot. Elle prévoit également des enlèvements massifs.

À l’époque, ce scénario est validé par le commandant de la division Gaza, Yehuda Fuchs, le chef du commandement Sud, Eyal Zamir, et le chef du renseignement militaire (AMAN), Herzi Halevi. Mais c’est le général de brigade Dror Shalom, chef du département de recherche d’AMAN, qui porte ce scénario au cœur du système d’alerte stratégique. Il examine en profondeur la structure du Hamas, en évalue la faisabilité, puis conclut que ce n’est pas encore « mûr ». Résultat : le scénario disparaît.

Un an plus tard, il n’est plus qu’une note de bas de page, numéro 35, page 63, dans une évaluation du renseignement. En 2019, il n’est même plus transmis au chef d’état-major. En 2020, il est rayé de toutes les procédures. Il ne reste rien. Aujourd’hui, Dror Shalom est le directeur du département politico-sécuritaire au ministère de la Défense.

Des voix militaires tentent de se justifier

Face aux révélations, Tsahal déclare : « Le général de brigade Amit Yamin est entré en fonction en tant que chef d’état-major de la division Gaza dès le 7 octobre, selon une nomination prévue bien avant. Il joue un rôle clé dans les opérations actuelles et la défense des localités. »

Du côté du ministère de la Défense, on affirme : « Le général Dror Shalom a ordonné un examen approfondi des renseignements reçus et de la structure de force du Hamas, et a même élaboré un modèle d’alerte basé sur un scénario sévère d’attaque surprise, en dépit de l’évaluation selon laquelle le Hamas était dissuadé. »

Voici les faits réorganisés clairement :

🟥 Celui qui a conçu le plan d’alerte :

Général Nimrod Aloni

Il a dirigé la division Gaza et imaginé le plan « Mur de Jéricho ». Ce plan anticipait presque parfaitement le scénario du 7 octobre : attaque au sol, véhicules, percée de la barrière, prise de villages, enlèvements…

Mais une fois muté à un autre poste en août 2022, ses alertes sont abandonnées.

🟦 Celui qui a rejeté le plan :

Général Eliezer Toledano

Il a pris la tête du Commandement Sud, et n’a jamais validé la stratégie proposée. Il n’a convoqué aucun débat, n’a pas relancé les entraînements, n’a pas donné suite aux signaux d’alerte.

Il a ainsi contribué, par inertie et mépris du renseignement, à laisser l’armée sans défense face à l’invasion.

Et oui, aujourd’hui Eliezer Toledano est toujours en fonction. Il est même l’un des principaux officiers impliqués dans la conduite actuelle de la guerre. L’article ne dit pas qu’il a été relevé, suspendu ou inquiété — au contraire, son nom n’est associé à aucune mesure disciplinaire.

🟨 Celui qui a enterré le plan initial dès 2018 :

Dror Shalom

À la tête du département “Recherche” du renseignement militaire (AMAN) en 2018, il avait validé une version antérieure du scénario, très similaire à celui du 7 octobre, mais l’a ensuite reléguée à une note de bas de page, puis éliminée des protocoles d’alerte.

Aujourd’hui, il dirige le département politico-sécuritaire au ministère de la Défense. Lui non plus n’a pas été écarté, bien qu’il ait effacé l’alerte initiale du système.

Général Eliezer Toledano

  • Responsable en 2022 du Commandement Sud, il a ignoré le plan “Mur de Jéricho”.

  • Il n’a jamais été sanctionné.

  • En juillet 2023, il quitte le commandement sud.

  • Il devient ensuite chef de la Direction de la stratégie et du “troisième cercle” de Tsahal (stratégie face à l’Iran).

  • Toujours actif, il a simplement annoncé vouloir prendre sa retraite, mais aucune mesure disciplinaire n’a été prise.

Général (rés.) Dror Shalom

  • En 2018, il a enterré la première version du plan d’alerte, en le réduisant à une note de bas de page.
    Il a cessé de suivre la montée en puissance du Hamas malgré les signaux.

  • Aujourd’hui, il est directeur du bureau politico-militaire du ministère israélien de la Défense.

  • Il n’a pas été écarté, il conserve une position stratégique dans l’appareil sécuritaire de l’État.

Général Nimrod Aloni

  • C’est lui qui a conçu le plan “Mur de Jéricho”, basé sur le bon scénario.

  • Il a quitté la division Gaza en août 2022 et a dirigé ensuite les Forces de Profondeur.

  • Il est toujours dans l’armée, mais des remplacements ont déjà été faits pour ses fonctions.

  • Il prévoit de partir à la retraite prochainement, sans avoir jamais été décoré ni réhabilité publiquement malgré sa clairvoyance.

Aucun des trois officiers n’a été inquiété, limogé, suspendu, ni publiquement interrogé sur ses décisions ou ses responsabilités.

Deux (Toledano et Shalom) ont commis des fautes graves d’analyse ou d’inertie, et sont toujours actifs ou influents dans l’appareil sécuritaire israélien.

Le seul à avoir vu juste — Aloni — a été écarté sans reconnaissance officielle.

 

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