Article paru dans "L'Express", le 18/03/08
La chancelière allemande Angela Merkel s'adresse mardi à la Knesset, le parlement israélien, une première pour un chef de gouvernement allemand et un geste hautement symbolique plus de 60 ans après le génocide nazi.
Cet honneur, en général réservé aux chefs d'Etats, a suscité des critiques d'une poignée de députés qui ont surtout dénoncé le fait que le discours serait prononcé en langue allemande dans un pays où est entretenu le souvenir des six millions de victimes de la Shoah.
"Ma protestation concerne la décision de permettre qu'un autre discours en langue allemande soit entendu (à la Knesset). Je sais que les derniers sons entendus par mes grands parents et mes oncles que je n'ai pas connus étaient ceux de la langue allemande", a déclaré à la radio militaire le député d'extrême-droite Arieh Eldad, en faisant référence à ses proches disparus lors de la Shoah.
Il entend quitter l'hémicycle de manière démonstrative.
Lorsque Johannes Rau, l'ancien président allemand, s'était adressé en allemand au parlement israélien en l'an 2000, plusieurs députés étaient sortis ostensiblement de l'hémicycle en signe de protestation. En 2005, son successeur Horst Köhler, qui avait émaillé son intervention de citations en hébreu, avait en revanche eu droit à un accueil plus chaleureux.
Angela Merkel, qui effectue depuis dimanche une visite en Israël dans le cadre des festivités marquant le 60e anniversaire de sa création, a qualifié son invitation à la Knesset de "pas très important dans le développement des relations germano-israéliennes".
"Au vue de la responsabilité allemande dans la Shoah, le gouvernement allemand souligne sa détermination à construire un avenir commun", avait par ailleurs souligné lundi la chancelière lors d'une visite à Yad Vashem, le mémorial de l'Holocauste à Jérusalem.
Décidée à éviter des tensions avec le gouvernement d'Ehud Olmert, Mme Merkel avait esquivé la question de la poursuite de la colonisation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem-est en affirmant qu'il s'agissait d'une dossier complexe.
Le Hamas au pouvoir à Gaza a réagi en l'accusant de s'étendre sur la Shoah tout en oubliant "l'holocauste" perpétré, selon le mouvement islamiste, par l'armée israélienne contre les Palestiniens.
Le Hamas a affirmé dans un communiqué que les déclarations de Mme Merkel reflétaient "la décadence morale dans laquelle cette chancelière est tombée en apportant un soutien sans faille à une entité usurpatrice qui commet des massacres contre les enfants, les vieillards et les femmes du peuple palestinien".
Ce mouvement et des responsables de l'Autorité palestinienne accusent Israël de perpétrer un "holocauste" dans la bande de Gaza où des dizaines de Palestiniens ont été tués ces dernières semaines dans des attaques israéliennes menées en représailles à des tirs de roquettes.
Avant son intervention devant la Knesset, Angela Merkel s'est entretenue mardi matin avec le président Shimon Peres à Jérusalem.
A cette occasion, le ministère allemand du Développement a proposé 10,2 millions d'euros de crédits pour la création d'un parc industriel près de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, en vue de favoriser un rapprochement entre industriels palestiniens et israéliens.
Ce projet évoqué pour la première fois en l'an 2000 durant la visite de Johannes Rau est jusque-là resté dans les tiroirs.
Le président Peres a également souligné qu'Israël considérait favorablement "l'implication de l'Allemagne dans la région car il est de la plus haute importance que les pays européens et les Etats-Unis resserrent les rangs afin de présenter un front uni et fort en vue d'empêcher l'Iran de développer l'arme nucléaire".
"L'Iran constitue un danger réel pour la paix et l'argent tiré du pétrole sert aux Iraniens à financer le terrorisme mondial, en particulier le terrorisme du Hezbollah (libanais) et du Hamas", a ajouté le président Peres.
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