
Un cri de douleur à la Knesset : « On nous vend » – larmes, colère et rupture entre réservistes et coalition
La promesse trahie : le fossé se creuse entre Tsahal et l’État
« Nos maisons s’effondrent », sanglote une femme dans le salon d’Edelstein. Ce n’est pas un mot vide. C’est une cassure réelle, une fracture morale qui traverse aujourd’hui la société israélienne jusque dans ses fondations les plus sacrées : l’armée de réserve, pilier silencieux mais indéfectible de la défense nationale.
Jeudi matin, une réunion s’est tenue au domicile du président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, Yuli Edelstein. Autour de la table, les représentants des organisations de réservistes – soldats citoyens, femmes et hommes engagés, qui depuis le 7 octobre donnent sans compter. Face à eux, un document : un « accord de principes » entre la coalition gouvernementale et les représentants Haredim. Une ligne de texte. Et tout un monde qui s’effondre.
Les réservistes accusent : « Vous nous vendez comme esclaves pour le commerce »
« Nous allons faire le djihad pour cela », déclare, la voix brisée, l’avocate Shvut Raanan, figure de proue de l’organisation des réservistes. Dans son regard, une rage mêlée d’épuisement. Son mari est encore mobilisé. Leur fils, âgé de deux ans et demi, qu'il a peine connu « Son unité s’ennuie de lui alors il répond présent», dit-elle avec des mots simples, poignants. Elle n’invente rien. Elle décrit une vérité que le pays tout entier refuse de regarder en face : une guerre sans fin portée sur les épaules de quelques-uns, pendant que d’autres s’en exonèrent sous couvert de textes religieux ou d’arrangements politiques.
La colère n’est pas seulement contre une loi, mais contre une injustice ressentie comme existentielle. Selon le document discuté, le gouvernement accorderait deux années supplémentaires aux étudiants des yéchivot avant toute obligation de service. Pire encore : les financements des institutions haredies continueraient de couler à flots sans condition.
« Comment motiver des gens à s’engager si on les paie d’avance ? » interroge Raanan. « C’est une mascarade, un bluff, une manière de gagner du temps. Et nous, pendant ce temps, nous payons l’addition. »
Un cri étouffé : « Hissez un drapeau blanc, dites au Hamas qu’il a gagné »
Devant Edelstein, resté silencieux une grande partie de la réunion, les mots se font glaçants.
« Vous avez cédé, vous vous êtes rendus », l’accuse-t-elle. « Si vous pensez que tout va bien, hissez un drapeau blanc. Dites au Hamas qu’il a gagné. » La rhétorique est brutale, mais elle ne fait que refléter le sentiment de trahison qui monte dans le cœur des soldats et de leurs familles.
« On nous vend, répète-t-elle. C’est une ligne rouge. Nous allons au djihad, pas dans le sens religieux du terme, mais comme dans une bataille pour notre dignité, pour la vérité. » Ce mot, “djihad”, utilisé par des réservistes juifs, a choqué certains membres présents – mais c’est une façon de dire l’intensité de l’engagement, l’absolu de la cause.
Une guerre à deux vitesses : l’ombre d’un Israël à deux peuples
Depuis des mois, les tensions montent entre les défenseurs d’un service universel et les secteurs religieux ultra-orthodoxes qui refusent d’envoyer leurs fils au combat.
Après le 7 octobre, alors que des milliers de réservistes ont répondu à l’appel de Tsahal, certains ont vu leurs proches tomber au front. D’autres, assis à la yéchiva, poursuivaient leurs études, protégés par un gouvernement soucieux de préserver une majorité fragile à la Knesset.
L’idée de compromis, avancée par la coalition, sonne pour les familles mobilisées comme une gifle. « On parle de chiffres, d’objectifs, mais ce ne sont que des mots », dénonce une militante. « Ce que nous voyons, ce sont des soldats épuisés, mal ravitaillés, envoyés en mission sans moyens suffisants. »
Une fracture morale qui menace l’unité nationale
Le cri des réservistes n’est pas politique. Il est moral, viscéral, patriote. Ils ne demandent pas plus d’argent, ni de reconnaissance publique. Ils réclament l’égalité dans le sacrifice, l’équité dans la douleur. Car dans un pays en guerre, rien n’est plus explosif que le sentiment d’injustice.
Ce matin-là, à Jérusalem, une jeune femme a pleuré devant un parlementaire, non pas pour elle seule, mais pour tous ceux qui ont donné, perdu, enduré. Son accusation résonne aujourd’hui
Vos réactions