
Les Juifs du monde entier ont observé hier Tisha Be'av, une fête juive qui commémore la destruction des Temples anciens à Jérusalem.
Sombre coïncidence, cette année, le 1er Août partage la même date du calendrier grégorien qu'un autre triste anniversaire de l'histoire juive.
Le 1er août 1944 est la date à laquelle Anne Frank a consigné ses deniers mots dans son journal, au terme de la période de deux ans durant laquelle sa famille est restée cachée dans le grenier d'Opekta, l'ancien lieu d'affaires de son père Otto, à Amsterdam.
La famille Frank s'est cachée dans l’annexe le 12 juin 1942 et Anne a commencé à écrire dans son journal deux jours plus tard, le 14. Du 14 juin 1942 au 1er août 1944, l'adolescente a documenté dans son journal la vie dans le grenier, qu'elle a adressé à une amie imaginaire nommée «Kitty», devenant finalement l'un des récits de première main le plus complet émanant d'une victime de l'Holocauste.
Les occupants originaux du grenier étaient Anne, sa sœur aînée Margot et leurs parents Otto et Edith. Trois membres de la famille van Pels - Hermann, Auguste et leur fils Peter - et Fritz Pfeffer, un dentiste né en Allemagne, se sont joints à eux dans le grenier plus tard en 1942.
Trois jours après ses derniers mots écrits dans le journal, le 4 août 1944, la police allemande a fait irruption dans l’annexe et a arrêté tous ses occupants.
Anne et Margot furent envoyées au camp de concentration de Bergen-Belsen en Allemagne. Toutes deux sont mortes du typhus peu de temps avant que le camp ne soit libéré en 1945. Les dates exactes de leur décès sont inconnues.
Sur les sept occupants du grenier, seul Otto Frank a survécu. Après la guerre, il a consacré une grande partie de sa vie à publier le journal de sa fille. Le journal (publié en anglais comme Journal of a Young Girl) a été traduit dans plus de 60 langues et adapté dans de multiples pièces et films primés.
Ces derniers mots d'Anne, alors âgée de 15 ans, le 1er août 1944:
Chère Kitty,
(...)
J’ai peur que tous ceux qui me connaissent telle que je suis toujours ne découvrent mon autre côté, le côté plus beau et meilleur. J’ai peur qu’ils se moquent de moi, me trouvent ridicule, sentimentale, ne me prennent pas au sérieux. J’ai l’habitude de ne pas être prise au sérieux, mais seule l’Anne insouciante y est habituée et arrive à le supporter, l’Anne profonde n’en a pas la force. Quand il m’arrive vraiment de me forcer à soumettre la gentille Anne aux feux de la rampe pendant un quart d’heure, celle-ci se rétracte comme une sensitive dès qu’elle doit ouvrir la bouche, laisse la parole à Anne numéro 1 et a disparu avant que je ne m’en aperçoive.
En société, la douce Anne n’a encore jamais, pas une seule fois, fait son apparition, mais dans la solitude, elle l’emporte toujours. Je sais exactement comment j’aimerais être, comment je suis en réalité... à l’intérieur, mais malheureusement je ne le suis que pour moi-même. Et c’est sans doute, non c’est certainement pour cette raison que je prétends avoir une nature intérieure heureuse, tandis que les autres gens voient en moi une nature extérieure heureuse. A l’intérieur, l’Anne pure me montre le chemin, à l’extérieur, je ne suis rien d’autre qu’une petite chèvre turbulente qui a arraché ses liens.
Comme je l’ai déjà dit, je ressens toute chose autrement que je ne l’exprime et c’est pourquoi j’ai la réputation d’une coureuse de garçons, d’une flirteuse, d’une madame je-sais-tout et d’une lectrice de romans à l’eau de rose. Anne joyeuse s’en moque, rétorque avec insolence, hausse les épaules d’un air indifférent, fait semblant de ne pas s’en soucier, mais pas du tout, Anne silencieuse réagit complètement à l’opposé. Pour être vraiment franche, je veux bien t’avouer que cela me fait de la peine, que je me donne un mal de chien pour essayer de changer, mais que je dois me battre sans arrêt contre des armées plus puissantes.
En moi une voix sanglote : "Tu vois, voilà où tu en es arrivée, de mauvaises opinions, des visages moqueurs ou perturbés, des personnes qui te trouvent antipathique, et tout cela seulement parce que tu n’écoutes pas les bons conseils de la bonne moitié en toi." Ah, j’aimerais bien écouter, mais je n’y arrive pas, quand je suis calme et sérieuse, tout le monde pense que je joue encore la comédie et alors je suis bien obligée de m’en sortir par une blague, sans même parler de ma propre famille qui pense qu’à coup sûr je suis malade, me fait avaler des cachets contre la migraine, et des calmants, me tâte le pouls et le front pour voir si j’ai de la fièvre, s’enquiert de mes selles et critique ma mauvaise humeur ; je ne supporte pas longtemps qu’on fasse à tel point attention à moi, je deviens d’abord hargneuse, puis triste et finalement je me retourne le coeur, je tourne le mauvais côté vers l’extérieur, et le bon vers l’intérieur, et ne cesse de chercher un moyen de devenir comme j’aimerais tant être et comme je pourrais être, si... personne d’autre ne vivait sur terre.
Bien à toi,
Anne M. Frank
Source: Jpost - Le Journal d'Anne Frank
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