De Rabin à Sdé Teiman : trente ans de mensonges du Deep State israélien

Actualités, Alyah Story, Antisémitisme/Racisme, Contre la désinformation, International, Israël - le - par .
Transférer à un amiImprimerCommenterAgrandir le texteRéduire le texte
FacebookTwitterGoogle+LinkedInPinterest
Trente ans séparent l’affaire Raviv de celle de Sdé Teiman. Entre ces deux scandales, un même fil invisible relie les coulisses du pouvoir israélien : celui d’un appareil sécuritaire et judiciaire façonné par la gauche, qui s’est arrogé le droit de manipuler, d’infiltrer et de dissimuler au nom d’une morale qu’il a trahie. De l’agent provocateur du Shin Bet infiltré chez les militants de droite jusqu’à la procureure militaire prise dans sa propre fuite, l’histoire d’Israël dévoile une autre guerre — celle de l’État contre lui-même.

1995-2025 : de l’affaire Raviv à l’affaire Sdé Teiman – plongée au cœur du Deep State israélien

Trente ans séparent l’affaire Raviv de celle de Sdé Teiman. Entre ces deux scandales, un même fil invisible relie les coulisses du pouvoir israélien : celui d’un appareil sécuritaire et judiciaire façonné par la gauche, qui s’est arrogé le droit de manipuler, d’infiltrer et de dissimuler au nom d’une morale qu’il a trahie. De l’agent provocateur du Shin Bet infiltré chez les militants de droite jusqu’à la procureure militaire prise dans sa propre fuite, l’histoire d’Israël dévoile une autre guerre — celle de l’État contre lui-même.

De Rabin à Sdé Teiman : trente ans d’un même système

Aujourd’hui comme il y a trente ans, les serviteurs du « Deep State » israélien – et parmi eux des membres haut placés de l’establishment judiciaire et sécuritaire – se comportent comme si aucune sanction ne pouvait les atteindre.

Ils se vivent en gardiens autoproclamés de la démocratie, légitimés à contourner le vote des urnes, à tordre le droit et à manipuler l’opinion dès lors que « la droite » menace leur pouvoir.

Pour comprendre ce que la droite israélienne appelle cet « État profond », il faut remonter à l’affaire Avishaï Raviv et la confronter à ce qui se joue aujourd’hui autour de la base de Sdé Teiman et de la chute spectaculaire de la procureure militaire Yifat Tomer-Yerushalmi.

Deux affaires, séparées par trois décennies, mais un même fil rouge : des agents et des hauts fonctionnaires issus de la gauche institutionnelle, protégés par la justice et les médias, se permettant ce qu’ils ne pardonneraient jamais à un simple soldat ou à un militant de droite. Eux-mêmes au-dessus des lois qu’ils brandissent aux autres.

 Avishaï Raviv, l’agent « Champagne » et la nuit du 4 novembre 1995

Le nom d’Avishaï Raviv ne dit plus grand-chose à ceux qui n’étaient pas nés en 1995. À l’époque, dans les semaines qui ont suivi la soirée fatidique du 4 novembre 1995, ce nom – et le surnom qu’il portait au sein des services de sécurité intérieure,
« Champagne » – sont devenus le symbole, pour de nombreux Israéliens, de la part d’ombre et de scandale politique entourant l’assassinat du Premier ministre Itshak Rabin par Yigal Amir.

Recruté par le Shin Beth à la fin des années 1980 pour infiltrer la droite radicale, Avishaï Raviv est un étudiant turbulent de Tel-Aviv, exclu de l’université pour violences avant de poursuivre à Bar-Ilan. Sa mission est claire : se fondre dans les rangs des militants les plus extrêmes, collecter des renseignements, mais aussi, selon plusieurs témoignages, pousser toujours plus loin la surenchère verbale et visuelle.

C’est lui que l’on voit, sur des images devenues célèbres, brandir le fameux poster de Rabin en uniforme nazi, participer aux manifestations anti-arabes, lancer des slogans appelant au meurtre.
C’est lui encore qui fréquente assidûment Yigal Amir, partage ses cercles, ses colères, ses conversations obsédées par la « trahison » d’Oslo.
Comment le Shin Beth a-t-il pu laisser les coudées franches à son agent pour mener de telles actions provocatrices, sans jamais le freiner ni l’exfiltrer, alors même qu’il excitait la haine dans la rue juive religieuse ? Et surtout, comment Raviv a-t-il pu être en contact si étroit avec Yigal Amir, l’incitant et le poussant à commettre l’irréparable, tout cela au vu et au su de sa hiérarchie et avec son approbation ?

La justice israélienne finira par inculper Raviv pour ne pas avoir empêché l’assassinat, avant de l’acquitter en 2003 au terme d’un procès où le tribunal estime qu’il n’existe pas de preuve qu’il ait eu connaissance du plan précis d’Amir. Mais ce verdict technique ne dissipe pas le malaise. Car entre les lignes, l’affaire Raviv a déjà mis au jour quelque chose de plus vaste : un service de sécurité intérieure qui se permet de fabriquer un climat, de jouer avec le feu de la haine politique, au service d’une lecture très idéologique de la société.

La commission Shamgar et le mur du secret

Au lendemain du meurtre, la commission Shamgar, du nom de l’ancien président de la Cour suprême Meir Shamgar, est chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements des services chargés de la protection du Premier ministre.
Pendant des mois, les juges auditionnent soixante-douze témoins, épluchent des milliers de pages de documents et publient un rapport de plus de deux cents pages.
Ils concluent à des « graves manquements » de la part du Shin Beth et tiennent son chef de l’époque, Carmi Gilon, « personnellement et formellement responsable » de la faillite sécuritaire. Celui-ci démissionne, tout comme le patron de la division chargée de la protection rapprochée.

Officiellement, l’histoire s’arrête là : pas de complot, pas d’ordre explicite venu d’en haut, seulement une accumulation d’erreurs, de suffisance, de « conceptions » erronées – déjà.

Mais pour une grande partie de la droite israélienne, le compte n’y est pas. Le simple fait qu’un agent provocateur comme Raviv ait pu agir ainsi sous couvert d’État, protéger, excuser, voire justifier l’incitation la plus violente au nom de la lutte contre l’extrême droite, révèle l’existence d’un « État dans l’État », un Deep State politique et policier, intimement lié à la gauche institutionnelle.

Ce débat n’a jamais cessé. En 2022 encore, le député Bezalel Smotrich met en cause le Shin Beth à la Knesset, suggérant que le service a contribué à créer le climat menant au meurtre de Rabin, au travers notamment des agissements de Raviv.
Les anciens responsables du Shin Beth lui répondent dans une lettre publique incendiaire, accusant le gouvernement actuel de propager des théories du complot, mais reconnaissant que Raviv avait bien été chargé d’infiltrer et parfois de pousser à la radicalisation les groupes de droite religieuse.

Trente ans après, le dossier Raviv reste ainsi un miroir déformant de ce Deep State : la gauche judiciaire et sécuritaire refuse toute idée de manipulation politique, la droite voit au contraire dans cette trajectoire l’illustration parfaite d’un appareil prêt à instrumentaliser la violence pour délégitimer ses adversaires.

Un visage falot pour un système tentaculaire

En regardant mardi soir Avishaï Raviv, invité du programme phare de la chaîne 14 « Les patriotes », ce qui frappe d’abord, ce n’est ni la dangerosité de l’homme, ni la profondeur de ses analyses, mais au contraire une sorte d’indigence intellectuelle et morale.

On ne peut se départir de l’impression que Raviv a été choisi pour être infiltré dans les rangs de l’extrême droite radicale non en raison de qualités spéciales, mais bien plutôt de l’absence chez lui de toute qualité.

Trente ans après l’assassinat dans lequel il a joué un rôle qui ne sera sans doute jamais totalement élucidé, l’agent provocateur apparaît comme un personnage falot, misérable, inspirant une sorte de dégoût mêlé de pitié.

Ces régimes qui recourent à ce genre de personnage sont généralement très éloignés du modèle de la démocratie occidentale. Raviv évoque moins l’image d’un professionnel du renseignement moderne que celle d’un agent de police secrète sorti d’un roman de Balzac, qui n’aurait pas dépareillé dans les services de l’ex-URSS ou de la RDA.

C’est là que l’affaire Raviv rejoint l’actualité la plus brûlante.
Car derrière ce visage sans relief se dessine la silhouette d’un système : un réseau d’hommes et de femmes installés dans la magistrature, les services de sécurité, les grands médias, souvent issus du même milieu ashkénaze laïc, éduqués dans les mêmes lycées d’élite, imprégnés du même logiciel centre-gauche.
Ce milieu se voit comme le gardien ultime de la légitimité, capable d’autoriser ou de bloquer ce que la droite élue veut entreprendre.

Rabin, de la « paix sanglante d’Oslo » au mythe du martyr de la gauche

Contrairement au mythe tenace du « héros de la paix assassiné par un fanatique juif », Itshak Rabin z.l. incarne plutôt, dans cette lecture, le représentant d’un sionisme d’antan, attaché à la souveraineté, victime du Deep State et de l’idéologie post-sioniste à laquelle il n’a jamais vraiment adhéré. À trois reprises, il en a été la victime tragique.

La première, lors de l’affaire du « compte en dollars », quand le pouvoir judiciaire émergent l’a contraint à démissionner du poste de Premier ministre, ouvrant la voie à l’ascension d’autres figures travaillistes plus proches de la mentalité dominante des juges.

La seconde, lorsque les architectes des accords d’Oslo l’ont entraîné contre son gré sur la voie fatale de la « paix » sanglante d’Oslo, en lui vendant l’illusion que Yasser Arafat serait un partenaire raisonnable et que l’idéologie nationaliste arabe se laisserait apprivoiser par des cérémonies sur la pelouse de la Maison-Blanche. Et la troisième, lorsqu’il est tombé sous les balles de Yigal Amir, dans un climat d’incitation où l’agent « Champagne » n’était pas le seul à souffler sur les braises.

Dans ce récit, Rabin n’est pas le père de la paix cher à la gauche occidentale, mais un vieux général usé, pris dans les rets d’un système post-sioniste qui l’a d’abord affaibli, ensuite détourné, enfin sacrifié.

 Sdé Teiman : le Deep State face à ses propres démons

Trente ans plus tard, l’affaire Sdé Teiman et l’arrestation fracassante de la procureure militaire en chef – soupçonnée d’avoir fait fuiter la vidéo fabriquée calomniant les soldats de Tsahal, selon ses détracteurs – semblent rejouer, en miroir, la même pièce.

Là encore, un appareil sécuritaire et judiciaire dominé par la gauche institutionnelle se retrouve au centre d’un scandale mêlant secrets, fuites, pressions politiques et bataille pour le récit.

Sdé Teiman est une base militaire du Néguev transformée en centre de détention pour Palestiniens arrêtés à Gaza depuis le début de la guerre.
Dès 2024, des organisations de défense des droits de l’homme, dont des ONG israéliennes, dénoncent des conditions inhumaines : détenus nus, menottés et les yeux bandés pendant des jours, privations, humiliations, morts en détention, membres amputés après des blessures causées par les liens trop serrés.

En juillet 2024, un incident particulièrement grave éclate : un détenu palestinien est roué de coups par des réservistes de Tsahal dans l’enceinte de la base. Une vidéo tourne à l’intérieur de l’armée.
On y voit un prisonnier menotté, allongé face contre terre, encerclé par des soldats qui le frappent à coups de boucliers. L’homme sera ensuite hospitalisé, souffrant notamment d’une perforation rectale et d’autres blessures graves. Neuf soldats sont arrêtés, puis cinq d’entre eux sont inculpés pour sévices graves.

C’est cette vidéo que la procureure générale de l’armée, la générale Yifat Tomer-Yerushalmi, reconnaîtra avoir fait fuiter à la télévision, notamment à la chaîne 12.
Dans sa lettre de démission, elle explique avoir voulu « défendre les enquêteurs et les procureurs militaires », accusés par une partie de la droite de mener une « chasse aux sorcières » contre les soldats, et rappeler que l’armée a l’obligation morale et juridique de traiter même ses ennemis avec un minimum d’humanité.

La réaction est explosive. Une partie de la classe politique, principalement à droite, dénonce une fuite qui allume un incendie diplomatique et alimente les campagnes contre Israël à La Haye ou à Genève.
Le Premier ministre lui-même parle de l’« incident le plus dommageable pour l’image d’Israël et de son armée », tandis que des ministres présentent les réservistes inculpés comme des « héros » et accusent la procureure et ses équipes de « trahison ».

Dans un retournement spectaculaire, Yifat Tomer-Yerushalmi, après sa démission, est arrêtée et placée en détention. Elle est soupçonnée de fraude, d’abus de confiance et de divulgation d’informations officielles, ainsi que d’avoir menti à la Haute Cour sur les conditions de la fuite.

Pendant ce temps, les soldats mis en cause attendent leur procès en liberté, et l’immense majorité des enquêtes ouvertes sur des abus contre des détenus palestiniens se solderont par des classements sans suite : une étude récente montre qu’environ 88 % des dossiers pour crimes de guerre présumés ou sévices graves sont refermés sans condamnation, et qu’une seule affaire a conduit à une peine de prison significative.

Pour les milieux nationalistes, l’affaire Sdé Teiman illustre un Deep State de gauche qui choisit soigneusement ses cibles : indulgent avec les hauts fonctionnaires, intraitable avec les soldats, obsédé par l’image d’Israël devant les tribunaux internationaux, mais nettement moins préoccupé par l’image d’Israël lorsqu’il s’agit de protéger ses citoyens du terrorisme.

La « Conceptsia » et le mensonge des « Gatekeepers »

Le 7 octobre 2023 a fait voler en éclats la « Conceptsia » et les nombreux mensonges sur lesquels elle reposait.
Ce terme, inventé après la guerre de Kippour pour désigner la grille mentale qui avait rendu aveugle l’establishment militaire face à l’attaque égypto-syrienne, revient en force après l’attaque du Hamas.

Les rapports d’enquête se succèdent et disent tous la même chose : pendant des années, les chefs militaires et du renseignement ont choisi de croire que le Hamas était « dissuadé », qu’il préférait gouverner Gaza et encaisser des valises de billets du Qatar plutôt que de préparer une guerre totale.

Cette Conceptsia n’est pas seulement une erreur d’analyse : c’est une idéologie.
Elle permettait de présenter comme « extrémistes » ceux qui, à droite, alertaient sur la duplicité du Hamas ; elle justifiait les échanges de prisonniers, la dépendance au travail palestinien, l’abandon de communautés juives frontalières à des systèmes d’alerte technologiques prétendument infaillibles.

C’est cette même matrice mentale que j’analyse dans mon livre à travers le mensonge des « Gatekeepers », ces anciens chefs du Shin Beth qui, dans un documentaire célébré par la gauche internationale, se posent en gardiens de la morale, en conscience démocratique contre la dérive supposée de la droite israélienne.

Le Deep State qui agite en permanence la menace fantasmatique de la « violence des colons » pour mieux dissimuler ses impérities dans la lutte contre le terrorisme arabe est le même qui, sur le front sud, n’a pas su voir venir le 7 octobre ; le même qui s’accroche aujourd’hui à Sdé Teiman comme à une planche de salut morale, alors que ses propres choix stratégiques ont coûté des milliers de vies.

Le lien Raviv – Sdé Teiman : une même morale sacrifiée

L’affaire Sdé Teiman marque sans doute le début de la fin pour ceux qui pensaient que l’État était leur domaine privé et que tout leur était permis. Le point commun entre l’affaire Raviv et l’affaire Sdé Teiman est que, dans les deux cas, leurs instigateurs ont sacrifié toute morale sur l’autel de leurs conceptions dévoyées et antidémocratiques.

Dans le premier cas, un service de sécurité intérieure a toléré – certains diront encouragé – qu’un de ses agents fabrique une atmosphère de haine interne sans précédent, jusqu’à l’assassinat d’un Premier ministre.
Dans le second, une haute responsable de la justice militaire a jugé légitime de faire fuiter une vidéo interne, en pleine guerre, au mépris des règles qu’elle était censée incarner, pour corriger l’image de son propre système et répondre à la « propagande mensongère » qu’elle dit subir.

Dans les deux cas, le Deep State se pare du langage de la démocratie et de l’État de droit, tout en s’autorisant des méthodes qui s’en éloignent radicalement. Et, dans les deux cas, il compte sur la presse dite « de référence », sur les soutiens à l’étranger, sur un certain prestige moral de la gauche pour lui éviter de rendre des comptes.

Leur erreur fatale sera sans doute d’avoir négligé la force intrinsèque de la vérité. Car la vérité, ici, n’est ni celle de la propagande islamiste, ni celle d’une droite qui refuse de voir tout abus commis par ses propres soldats. La vérité, c’est que l’establishment judiciaire et sécuritaire, longtemps dominé par les élites de gauche, n’a pas su protéger Israël le 4 novembre 1995 ni le 7 octobre 2023, et qu’il tente aujourd’hui de sauver sa légitimité en se posant, une fois encore, en juge de la nation.

 Vers la fin d’une impunité ?

Aujourd’hui comme il y a trente ans, les serviteurs du Deep State – et parmi eux, des membres haut-placés de l’establishment judiciaire et sécuritaire israélien – se croient à l’abri de toute sanction, exerçant leur pouvoir sans le moindre contrôle et l’utilisant dans des buts politiques ou personnels. Ils ont vécu pendant des décennies au-dessus de toute loi. La différence, c’est que la société israélienne de 2025 n’est plus celle de 1995.

La droite sioniste religieuse, les habitants du Néguev et de la Galilée, les familles de victimes du 7 octobre, mais aussi une partie croissante des milieux laïcs, n’acceptent plus l’idée que quelques juges, quelques généraux et quelques anciens patrons de services secrets puissent décider seuls de ce qui est « acceptable » pour Israël.

Dans les studios de la chaîne 14 comme dans les tribunes des journaux, le procès du Deep State a commencé. La chute de Yifat Tomer-Yerushalmi, arrêtée comme une simple justiciable après avoir incarné la toute-puissance de la justice militaire, est peut-être le premier signe que cette impunité touche à sa fin.

Reste à savoir si cette remise en cause débouchera sur un véritable rééquilibrage des pouvoirs – avec une justice réellement responsable, des services de sécurité contrôlés par le politique et un débat public qui n’est plus confisqué par une poignée de « gatekeepers » autoproclamés – ou si le Deep State saura, une fois encore, reconvertir sa défaite en récit héroïque.

Vos réactions

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A voir aussi