Tribune juive — Pour un judaïsme qui ne se déchire pas par Nataneli Lizée

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Tribune juive — Pour un judaïsme qui ne se déchire pas par Nataneli Lizée

Tribune — Pour un judaïsme qui ne se déchire pas

Je lis le texte de Jean Vercors et je reste sidérée.
Pas tant par sa virulence que par son absurdité : s’en prendre, une fois encore, à Delphine Horvilleur, non pour ses idées, mais pour ce qu’elle est — une femme, une rabbine, libérale, visible, et donc coupable d’exister hors du cadre que certains voudraient imposer au judaïsme français.

Ce n’est pas une tribune, c’est un pamphlet sans fondement.
Un procès en appartenance. On y moque une voix “en cachemire”, une parole “tiède”, on raille sa présence médiatique, comme si le ton, la douceur, ou la modernité rendaient la foi suspecte. On ne discute pas son travail, on attaque sa personne. C’est une rhétorique ad hominem, ad personam, sans un seul argument de fond.

Je ne comprends pas comment, dans un peuple déjà visé, amalgamé, caricaturé depuis des siècles, on peut encore se permettre de se diviser ainsi : libéraux contre orthodoxes, hommes contre femmes, sionistes inconditionnels contre juifs lucides.
Nous sommes déjà sous le feu de la propagande antisémite et antisioniste ; pourquoi rajouter nos propres fractures ?
En dénonçant Delphine Horvilleur comme “figure clivante”, Jean Vercors fait exactement ce qu’il dénonce : il fracture
. Il retire à des milliers de juifs — libéraux, traditionnalistes, ou simplement culturels — le droit d’être pleinement juifs à leur manière.

Delphine Horvilleur, qu’on l’aime ou non, fait vivre le judaïsme. Elle ne le dilue pas, elle le transmet. Elle ouvre un espace de pensée dans une société qui ne connaît souvent de nous que des clichés : l’intégrisme ou le silence.
Elle fait ce que font depuis toujours les sages du Talmud : interroger, relier, faire bouger les lignes sans rompre le fil. Être juif, c’est cela : refuser la stagnation.

Et non, critiquer Netanyahou n’est pas trahir Israël. C’est aimer assez ce pays pour vouloir qu’il reste fidèle à son âme. C’est la responsabilité morale d’un peuple qui a toujours su se juger lui-même avant que le monde ne le fasse. Confondre la loyauté avec le silence, c’est nier notre propre tradition : celle de la discussion, de la vigilance, de la conscience.

Ce qu’on appelle “judaïsme light” n’existe pas : il y a simplement plusieurs manières d’être juif. Et la parole libérale ne nie pas les autres — elle s’y ajoute, elle les complète.
Le judaïsme n’a jamais été un bloc monolithique : il est une respiration plurielle, un tissu de voix qui se répondent. Ceux qui rêvent d’un dogme unique oublient que c’est précisément la diversité qui nous a maintenus debout à travers les exils et les persécutions.

Alors oui, débattons, mais avec respect. Opposons des idées, pas des visages. Parce que chaque fois qu’un juif insulte un autre juif au nom de la “pureté” de sa foi, il fait le travail de nos ennemis à leur place.

Delphine Horvilleur n’affaiblit pas le judaïsme, elle lui rend son humanité. Et c’est peut-être cela, le plus insupportable pour ceux qui confondent piété et pouvoir : qu’une femme pense, parle, enseigne, sans demander la permission.

“Toute controverse menée pour l’amour du Ciel perdure ; celle qui n’est pas menée pour l’amour du Ciel ne perdure pas.” (Pirke Avot 5:17)

À chacun de choisir de quel côté de cette phrase il veut se tenir.

Nataneli Lizee

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