
Il est des films que l'on ne risque pas – voire jamais - d'oublier!
Comme en témoigne la reprise de la semaine; sorti, en 1976, Monsieur Klein marquera non seulement une poignée de spectateurs, mais d'une pierre blanche la carrière d'Alain Delon.
Tout d'abord, saviez-vous que ce projet fut initialement soumis à son confrère Jean-Paul Belmondo, que le réalisateur, Joseph Losey, préfèrera confier le rôle à l'acteur au regard bleu, dont il s'y est incroyablement investi.
En effet, Alain Delon fait merveille dans ce rôle de beau captif.
Avec un minimum d'expressivité, comme si sa physionomie était sous contrôle de Jean-Pierre Melville. Il reprend à son compte le registre très nuancé, voulu par le metteur en scène du Samouraï pour tout le film de Losey: une manière de rester à la surface polie et policé de la vie pour mieux suggérer la face cachée.
Durant l'occupation Robert Klein un marchand d'art profite, comme beaucoup de français, des lois anti-juives afin d'acheter des chefs-d'œuvre à prix moindre;jusqu'à ce qu'il se trouve lui-même du jour au lendemain pris pour un juif ,dont il est l'homonyme de ce quelqu'un qui joue sur cette coïncidence pour s'abriter derrière lui.
Monsieur Klein est un film définitivement kafkaïen.
Ici, comme chez Joseph Kafka on ne traite pas d'un être dépersonnalisé que la société écrase de son indifférence, mais d'un homme que la société remet en cause.
Aussi, cette mise en cause ne devient-elle pas une quête? A cela Joseph Losey ( et le génie Alexandre Trauner) fait de Paris une ville pâle et terne qui semble être issue tout droit d'un film de fantômes.
On retrouve dans Monsieur Klein des scènes inoubliables: de cette séquence d'ouverture instaurant d'emblée un climat de malaise (dans lequel baigne tout le long du film), ou bien cette fin qui se clôt sur un plan où Alain Delon se laisse emporter, dans un tunnel, par une foule sortant du Vel' d'Hiv' et se dirigeant vers le train de la Mort.
Des images qui s'impriment dans la mémoire du spectateur même presque 40 ans plus tard.
Ce n'est pas un hasard si Monsieur Klein fut sacré meilleur film de cette année à la Cérémonie des Césars. Un film à (re)découvrir donc à partir du 26 novembre au cinéma.
Laurent Bartoleschi
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