Tribune juive : Le flambeau de la haine de Nataneli Lizee

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Tribune juive : Le flambeau de la haine de Nataneli Lizee

Le flambeau de la haine

Il existe, dans notre temps, une espèce de ferveur noire qui n’a rien de l’examen, tout de l’habitude. Elle ne naît ni d’un fait, ni d’un savoir, ni même d’une expérience : elle se transmet. Elle passe de la bouche au fils, du père à la fille, de la table familiale au trottoir, comme on se lègue un flambeau — non pour éclairer, mais pour brûler.
Haïr le Juif, pour certains, est devenu une cause, presque une croyance. Ils ont foi en leur haine. Ils s’y tiennent comme à une doctrine.

Cette foi-là a pour socle l’ignorance crasse. Elle répète, elle mime, elle ressasse.
Elle récite des mots dont elle ignore l’origine, des idées dont elle ne connaît ni la généalogie ni la part de vrai, des accusations dont elle n’a jamais vérifié la source.
Elle se contente de formules, elle vit de raccourcis. Elle se nourrit de fables commodes, parce que la fable dispense d’apprendre, et qu’apprendre exige une discipline que l’idéologie, précisément, abhorre.

Or l’idéologie rance a ceci de redoutable : elle procure une ivresse de certitude à bon marché. Elle offre un coupable avant même d’offrir une question. Elle remplace la pensée par l’adhésion, l’étude par l’intonation, le réel par la rumeur. Elle ne veut pas comprendre ; elle redoute de comprendre, car comprendre oblige à renoncer à la facilité du monde binaire, à ce confort grossier qui permet de se croire vertueux en haïssant. Alors elle refuse d’entendre. Elle se ferme. Elle s’endurcit. Elle préfère la répétition à la vérité.

Ce mécanisme est ancien, et sa médiocrité n’a jamais empêché ses ravages.
On accuse le Juif d’être partout et de ne jamais appartenir ; on lui attribue la puissance et on lui conteste la légitimité ; on l’imagine responsable, on le rend suspect, on l’isole, puis l’on s’étonne de l’hostilité que l’on a soi-même semée. La haine n’a pas besoin de cohérence : elle a besoin d’un visage où projeter ce qu’elle refuse de regarder en elle-même.

Ce qui est le plus accablant, c’est l’assurance des ignorants. Ils parlent haut, ils affirment sans savoir, ils dénoncent sans lire, ils condamnent sans comprendre. Ils ne cherchent ni nuance, ni contexte, ni exactitude. Ils ne veulent pas vérifier, car la vérification menace leur ivresse. Ils tiennent à leur haine comme à un héritage, et ils la défendent avec l’entêtement des esprits qui confondent la fidélité et l’aveuglement.

Il faut nommer cette réalité avec sobriété et fermeté : l’antisémitisme n’est pas une opinion parmi d’autres. C’est une abdication intellectuelle et morale. C’est le choix du mensonge lorsqu’on pourrait apprendre ; c’est le goût de l’anathème lorsqu’on pourrait discerner ; c’est l’amour de la foule lorsqu’on devrait rester digne. Et lorsqu’une société tolère que cette ignorance devienne bruyante, qu’elle s’étale, qu’elle intimide, elle prépare sa propre déchéance, car la haine, une fois autorisée, cherche toujours de nouveaux visages.

On ne combat pas cette transmission par des postures, ni par des silences prudents. On la combat par l’exigence : instruire, vérifier, rappeler les faits, démasquer les fables, refuser les amalgames, refuser la complaisance. On la combat aussi par une règle simple de civilisation : nul n’a à se justifier d’exister. Les Juifs n’ont pas à se faire discrets pour apaiser les consciences paresseuses. Une démocratie qui exige l’invisibilité d’une minorité pour acheter la tranquillité abdique sa vocation.

Le flambeau de la haine ne s’éteint pas tout seul. Il s’éteint quand on cesse de l’admirer, quand on cesse de le relayer, quand on refuse d’en faire une tradition. Il s’éteint quand la vérité redevient plus désirable que la rancune, et quand l’intelligence reprend ses droits sur le réflexe. Cela réclame du courage. Cela réclame une hygiène de l’esprit. Cela réclame, surtout, de ne pas confondre la conviction et l’endoctrinement.

Et si l’on me demande ce que je réclame, au fond, je réponds sans emphase : la fin de cette religion de la haine. Le retour au réel. Le refus d’hériter de l’iniquité comme on hérite d’un nom. La dignité, enfin, d’une pensée qui ne se met pas au service de la meute.

©️ Nataneli

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