Entretien exclusif avec un chef de milice de Gaza, Shuki Abu Nosaïra, opposé au Hamas

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Entretien exclusif avec un chef de milice de Gaza, Shuki Abu Nosaïra, opposé au Hamas

Shuki Abu Nosaïra, figure armée dissidente à Gaza

Shuki Abu Nosaïra apparaît aujourd’hui comme l’un des visages les plus atypiques de la bande de Gaza.
Présenté comme le commandant de la milice appelée « l’armée populaire, forces de la patrie libre », il opère dans la région de Khan Younès et s’affiche ouvertement comme un ennemi du Hamas. Contrairement aux chefs de factions clandestines, Abu Nosaïra choisit l’exposition médiatique. Il apparaît à visage découvert, parle sans détours et revendique publiquement ses actes, ses alliances et ses objectifs.

Dans l’entretien diffusé par la chaîne C14, il affirme que son organisation mène une guerre directe contre le Hamas, qu’il décrit comme une force d’oppression interne plus que comme un mouvement de résistance. Selon lui, le Hamas ne protège ni la population ni la cause palestinienne, mais exerce une domination violente fondée sur la peur, la répression et l’élimination systématique de toute opposition.

Une guerre interne contre le Hamas et l’unité Saham

Abu Nosaïra décrit un affrontement sans compromis avec une unité spécifique du Hamas, connue sous le nom de Saham, chargée selon lui de traquer, d’exécuter et de faire disparaître les opposants internes. Il qualifie cette confrontation de lutte existentielle.
« Entre nous et Saham, il y a une lutte à mort. Soit ils me tuent, soit je les élimine. Ils répriment le peuple, l’humilient et détruisent la cause palestinienne », déclare-t-il.

Il affirme que sa milice a récemment diffusé plusieurs vidéos documentant ces affrontements. Dans l’une d’elles, un combattant du Hamas apparaît capturé vivant par ses hommes. Dans une autre séquence, un jeune homme arrêté par la milice reconnaît avoir été mandaté par le Hamas pour assassiner Abu Nosaïra.
Selon les propos rapportés dans l’entretien, ce dernier aurait déclaré face caméra qu’on lui avait ordonné « de prendre la tête du commandant Abu Adham, vivant ou mort », Abu Adham étant l’un des noms de guerre attribués à Abu Nosaïra.

Une coopération revendiquée avec Israël

Le point le plus explosif de l’entretien concerne la relation revendiquée entre la milice d’Abu Nosaïra et Israël. Interrogé sans ambiguïté sur ce sujet, il ne cherche ni à esquiver ni à nuancer. « Entre nous et les Israéliens il existe des relations de fraternité et d’amitié », affirme-t-il. Il va plus loin en décrivant une coordination active et multiforme.
« Il y a coordination de sécurité, coordination humanitaire, et nous avons tout. Ils nous fournissent des armes, de la nourriture, de l’eau et des vêtements. Il y a coordination sécuritaire au plus haut niveau ».

Ces déclarations, prononcées sans précaution oratoire, constituent une rupture radicale avec le discours dominant des groupes armés palestiniens. Abu Nosaïra affirme non seulement l’existence de contacts avec Israël, mais décrit une relation structurée, durable et assumée, qu’il inscrit dans une vision de coexistence future. « Nous et eux vivrons le reste de nos vies en paix et en sécurité », dit-il.

La question d’un abandon israélo-américain

Confronté à l’hypothèse d’un retrait israélien ou américain de la région, Abu Nosaïra rejette l’idée d’un désengagement à son égard. « Je ne pense pas qu’ils nous abandonneront parce que nous défendons aussi la vérité et l’humanité. Nous ne sommes pas des terroristes », affirme-t-il, cherchant à distinguer sa milice des organisations jihadistes actives à Gaza.

Il insiste sur le fait que son groupe se considère comme une force locale légitime, engagée dans la protection des civils et opposée à l’idéologie et aux méthodes du Hamas. Cette revendication de légitimité passe autant par le combat armé que par une tentative de reconnaissance politique implicite.

L’élimination de Yasser Abu Shabab par le Hamas

L’émergence médiatique de Shuki Abu Nosaïra intervient quelques semaines seulement après l’élimination de Yasser Abu Shabab, ancien chef de cette milice dissidente opérant dans le sud de la bande de Gaza.
Yasser Abu Shabab avait été identifié par le Hamas comme une menace directe à son autorité, en raison de son opposition ouverte, de ses tentatives d’organisation armée autonome et de ses contacts extérieurs.

Selon les informations disponibles, Yasser Abu Shabab a été abattu par le Hamas lors d’une opération ciblée, destinée à neutraliser toute contestation interne susceptible de fragiliser son contrôle sur Gaza. Son élimination a servi d’avertissement clair aux autres chefs de factions dissidentes, dans un contexte de répression interne accrue.

C’est dans ce climat de violence interne et après la mort de Yasser Abu Shabab que Shuki Abu Nosaïra a pris la tête de la milice, en pleine conscience du sort réservé à son prédécesseur. Cette succession éclaire la radicalité de ses déclarations actuelles et la brutalité de la guerre interne qui se joue à Gaza, loin des lignes de front visibles.

Un paysage sécuritaire gazaoui fracturé

Les propos de Shuki Abu Nosaïra révèlent une réalité interne à Gaza largement occultée. Loin d’un contrôle total et homogène du Hamas, le territoire apparaît traversé par des lignes de fracture violentes, des rivalités armées et des tentatives de recomposition du pouvoir local.
Des milices dissidentes, parfois soutenues de l’extérieur, cherchent à s’imposer comme alternatives au Hamas, en combinant affrontement militaire, communication publique et ancrage territorial.

L’entretien met en lumière une guerre dans la guerre, un conflit interne où la survie politique et physique passe par des alliances improbables, des choix radicaux et une exposition médiatique calculée. Le cas Abu Nosaïra illustre une mutation profonde du champ sécuritaire à Gaza, où l’ennemi n’est plus uniquement extérieur et où certaines lignes rouges, longtemps implicites, sont désormais franchies au grand jour.

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