Médias israéliens sous contrôle ? Une réforme accusée de corruption politique à la Knesset

Actualités, Alyah Story, Antisémitisme/Racisme, Contre la désinformation, International, Israël - le - par .
Transférer à un amiImprimerCommenterAgrandir le texteRéduire le texte
FacebookTwitterGoogle+LinkedInPinterest
Médias israéliens sous contrôle ? Une réforme accusée de corruption politique à la Knesset

Lettre urgente à la conseillère juridique de la Knesset : arrêtez de promouvoir la loi sur la radiodiffusion

Un scandale politico-médiatique couve à la Knesset. Accusant le gouvernement de troquer l’indépendance des médias contre des accords politiques avec les partis ultra-orthodoxes, la députée Shelly Tal Miron tire la sonnette d’alarme. Dans une lettre urgente, elle dénonce une prise de contrôle hostile de la radiodiffusion publique orchestrée par le ministre des Communications. À la clé : un pouvoir sans précédent sur l’information, entre favoritisme, clientélisme et sabotage de la démocratie israélienne.

Ce mercredi 29 octobre 2025, à l’aube d’un débat potentiellement déterminant pour l’avenir des médias en Israël, la députée Shelly Tal Miron (parti Yesh Atid) a adressé une lettre formelle à la conseillère juridique de la Knesset, Gagit Afik, l’appelant à suspendre l’avancement de la Loi sur la radiodiffusion portée par le ministre des Communications, Shlomo Kraï.
Selon elle, la réforme ne constitue pas une « réforme », mais bel et bien une « corruption » du pouvoir politique.
« Quand on fait passer une loi en échange d’un soutien politique avec les factions haredim, ce n’est pas une réforme, c’est une corruption gouvernementale », affirme‑t‑elle dans sa missive. 

Les enjeux de la réforme

La loi sur la radiodiffusion prévoit un changement en profondeur du paysage médiatique israélien. Elle vise notamment à modifier la méthode de mesure de l’audience (« rating »), et à créer une « Autorité de la radiodiffusion diffusée », dont les membres seraient nommés directement par le ministre des Communications.
Ce texte soulève de vives inquiétudes quant à une prise de contrôle politique des médias publics et d’un mécanisme d’influence sur l’opinion, avec la possible implication de fonctionnaires d’État dans la supervision des contenus. 

Ce qui alerte particulièrement les professionnels, c’est le fait que la loi est avancée sans le consensus des autorités compétentes : la conseillère juridique du gouvernement n’a pas été impliquée dans les modifications du projet de loi.  Par ailleurs, l’opposition souligne que cette initiative n’est pas conforme à la procédure légale : elle avance sans respecter le délai requis avant la présentation de l’avant‑projet à la Knesset. 

Le rôle de la députée Shelly Tal Miron

Dans sa lettre, Shelly Tal Miron s’inquiète du processus : « La loi est promue dans une complète ignorance de l’avis juridique du gouvernement, dans une ignorance de la loi et en foulant aux pieds une procédure correcte, et tout cela dans le cadre d’une prise de contrôle hostile de la radiodiffusion libre ».  Elle en appelle à la conseillère de la Knesset pour « donner un avis et instaurer des règles claires de débat afin d’empêcher la poursuite du piétinement des élus du public ». 

Un contexte politique agité

L’affaire intervient au moment même où un accord politique entre Shlomo Kraï et les partis haredim est révélé, dans lequel ces derniers exigeraient des contreparties en échange de leur soutien à la réforme.  Cet échange inclurait notamment le retrait de l’incitation au recrutement de jeunes haredim dans l’armée, ainsi que le renforcement des compétences des tribunaux rabbiniques en matière civile et économique.  Le tout s’accompagne d’un sentiment de crise démocratique : l’équilibre entre médias libres et influence politique serait menacé.

Autre point de tension : la chaîne publique « Kan »

La réforme inclut la modification du mode de nomination du Conseil de la Corporation de radiodiffusion publique israélienne (Kan).
Selon la proposition déposée par le député Oshèr Shaklé (parti Likoud), le ministre des Communications nommerait directement les membres du conseil, ce qui transformerait le service public en une entité gouvernée par l’État. 
Lors de l’audition à la Commission de l’économie dirigée par le député David Bitan, le président de l’Union des journalistes, Haim Har‑Zahav, a dénoncé ce mécanisme :
« La suppression du comité de sélection et, de facto, la nomination des membres du conseil par le ministre des Communications coulent dans le texte de la loi, ce qui est contraire à la Corporation et à sa finalité, et par conséquent conduit à une atteinte à une radiodiffusion publique indépendante, professionnelle et exempte d’une ingérence politique ».  Il ajoute : « Si cette loi continue, qui ne sert en rien l’État d’Israël, même pas un Mondial gratuit ou l’Eurovision ne seront possibles. » 

Un tournant pour la démocratie israélienne

Le dossier de la loi sur la radiodiffusion dépasse la simple réforme technique : il soulève des questions fondamentales de liberté de la presse, de contrôle démocratique et d’équilibre institutionnel.
L’initiative, portée par le ministre Shlomo Kraï dans un contexte de marchandages politiques, inquiète quant à une instrumentalisation des médias publics.
La lettre de Shelly Tal Miron à Gagit Afik met en lumière les risques encourus : l’absence de transparence, la violation des règles de procédure législative, et la possibilité d’une capture politique des organes de radiodiffusion.
À ce stade, la conseillère de la Knesset dispose d’un levier essentiel pour suspendre ou encadrer le processus. Il appartient désormais aux pouvoirs publics — et à la société civile — de déterminer si cet épisode marquera un retour en arrière dans la liberté des médias ou un point de vigilance accru pour les institutions démocratiques d’Israël.

Vos réactions

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A voir aussi