Les économistes traitent d'un domaine que la plupart des gens ne comprennent pas.
Ce n'est pas le football où nous sommes tous commentateurs.
Ce n'est pas une émission de télé-réalité culinaire - nous savons tous comment faire une omelette.
Ce ne sont pas des commérages politiques où nous avons tous tendance à mettre notre grain de sel.
L'économie est une affaire de spécialistes, d'experts.
Vous devez savoir comment regarder les données, comment évaluer les tendances, vous devez comprendre le jargon, savoir décrire la relation entre l'intérêt et l'inflation.

Les économistes se sont réunis pour mettre en garde le gouvernement contre la réforme législative prévue.
Excusez-moi de ne pas être précis quant à savoir s'il faut l'appeler "réforme", "révolution", "sabotage" ou "correction".
La bataille pour trouver le mot exact montre à quel point nous sommes devenus fous.
En tout cas, de nombreux économistes mettent en garde contre cette chose qui est sur le point d'arriver.

L'indépendance de la justice et de la fonction publique est une condition d'une cote de crédit élevée pour l'état d'Israël et une garantie pour les investisseurs.
La réforme juridique risque de leur nuire, et aussi d'encourager une fuite des cerveaux, notamment dans l'industrie de haute technologie.

Israël, dont la situation économique est bonne, mais pas aussi bonne qu'elle en a l'air,( il suffit de lire le dernier rapport McKinsey), dépend de ce qu'en pense le monde économique.

S'il pense ou prédit qu'il est devenu moins favorable aux investissements et que l'avenir des affaires y est moins certain, il sera automatiquement impacté.

Quelle ironie que l'avertissement des économistes soit venu un jour après que l'initiative des membres de Shas Knesset d'ajouter les mots "In God we trust" aux billets de banque a été révélée.

C'est en fait à la fois la puissance de l'avertissement des économistes et la problématique particulière qu'il révèle.

La lettre des économistes est à la fois l'avertissement et la menace.
À la fois l'avertissement de la crise et le créateur de la crise.
Même si le véritable générateur de cette crise est la réforme de Yariv Levin.
Mais, dès que les économistes mettent en garde contre les dommages causés à l'économie israélienne, ils alertent les investisseurs extérieurs,  les sociétés de notation de crédit des autres pays, et les économistes du monde entier, Israël devient in facto un danger.

Ainsi, Il se pourrait que bientôt Israël soit un peu moins attractif pour les investisseurs. En d'autres termes, les économistes israéliens mettent en garde contre un risque que leur avertissement même augmente.

Les partisans de la réforme les accuseront sans doute, ou certains d'entre eux, de politisation. Après tout, la plupart des économistes qui signent les nombreuses déclarations d'opinion appartiennent à ce qu'il est convenu d'appeler des « élites ». Ils ont un revenu élevé, une éducation élevée, ils sont connectés au monde global, à la culture universelle, aux investisseurs étrangers et aux systèmes de valeurs occidentaux.

Il leur sera alors difficile de parler aux partisans de la réforme. Il leur sera alors difficile de convaincre les partisans de la réforme.
Les Kahneman, les Trachtenberg, les Kendal, les Moabites, les Halog, les Hiron, sont des gens qui n'ont pas de lien fort avec la société ultra-orthodoxe, ni avec les électeurs du Likoud, ni avec les colons de Samarie. Même s'il y a des gens de droite chez eux - ce sont des gens de la droite économique, pas de la droite politique, et beaucoup moins  de la droite culturelle.

Leur avertissement ne vise donc pas le public.
L'avertissement est destiné aux oreilles d'une seule personne - Binyamin Netanyahu et peut-être aussi aux oreilles de quelques-uns de ses amis au gouvernement qui ont un intérêt et une compréhension des dangers économiques.

Attention, disent les économistes, si vous adoptez la réforme, vous allez détériorer l'économie.
Et non, ce n'est pas que les économistes veulent que l'économie se détériore.
Ce n'est pas qu'ils aient l'intention de se venger des résidents d'Israël en cas d'adoption d'une réforme.
Ils sont simplement pris dans un piège où le simple fait  d'avertir contribue également au processus de détérioration attendu.
Soit ils ne préviennent pas et dans ce cas ils ne répondent pas à leur fonction ainsi qu'au devoir envers la société, soit ils préviennent et dans ce cas les risques sont encore plus élevés pour le pays.

Mais rassurez-vous : bientôt les partisans de la réforme trouveront aussi quelques économistes pour équilibrer le tableau. Des économistes qui expliqueront que la situation va en fait s'améliorer, que la réforme va en fait rendre Israël plus efficace, que la réforme permettra à davantage de groupes de prendre le train en marche de la réussite économique.
Ils mentionneront que les économistes ont tendance à avertir des catastrophes qui ne se produisent pas (et parfois aussi une tendance à ne pas avertir des catastrophes qui se produisent).

Ils rappelleront que les économistes sont déconnectés de la société israélienne et de ses réelles difficultés, et que l'économie ne prédit pas tout.

Voici ce que dit le rapport McKinsey : « Les données indiquent en fait un système à trois niveaux qui comprend la population arabe et la population ultra-orthodoxe, toutes deux à la traîne en termes de réussite scolaire, de compétences professionnelles et de préparation ; Au milieu d'une importante population de langue hébraïque, qui a tendance à travailler dans des emplois à faible productivité du travail et à gagner un salaire médiocre en conséquence.
Et au sommet,des travailleurs de la haute technologie hautement qualifiés et productifs qui gagnent des salaires élevés."

La plupart des partisans de la réforme appartiennent aux premier et deuxième groupes. Tous les économistes avertisseurs appartiennent au troisième groupe.
Netanyahu appartient également au troisième groupe. Il détient donc la clé pour faire la médiation entre la réalité contre laquelle les économistes mettent en garde et la réalité à laquelle croient ses électeurs.

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