
Israël réforme ses études médicales : fin d’un privilège discret accordé aux étudiants arabes.
En Israël, une réforme majeure vient bouleverser le monde feutré de la formation médicale. Derrière des critères de qualité affichés, le gouvernement met fin à un système qui, depuis des années, favorisait discrètement l’accès des étudiants arabes aux facultés de médecine, en Israël comme à l’étranger. La réforme Yatziv ne se contente pas de fermer la porte aux universités douteuses : elle redistribue profondément les cartes d’un secteur stratégique, au risque d’un choc dans la démographie médicale du pays.
Une réforme majeure qui rebat les cartes du paysage médical israélien
Israël s’apprête à franchir un cap décisif dans la régulation de sa formation médicale. La réforme Yatziv, dont la mise en œuvre complète débutera en 2025, vise à élever drastiquement les standards de qualité des études de médecine.
Mais au-delà des objectifs pédagogiques, cette réforme révèle une réalité sociale et politique longtemps passée sous silence : la prédominance des étudiants arabes israéliens dans les filières médicales, et leur accès privilégié dans les universités nationales.
La fin d’un contournement structurel : l’exclusion des universités étrangères douteuses
Portée par le ministère de la Santé israélien sous l’impulsion du professeur Shaul Yatziv, cette réforme interdit désormais l’accès à l’examen d’internat en Israël pour les étudiants ayant étudié dans certaines universités étrangères non reconnues – principalement en Europe de l’Est et dans les Balkans.
Ces établissements, souvent à la pédagogie faible mais à l’admission facile, étaient largement fréquentés par de jeunes Arabes israéliens, exclus des facultés israéliennes ou préférant contourner la rigueur de leur sélection.
La directrice du département de planification des ressources humaines au ministère de la Santé, Rachel Brenner Shalem, affirme que ces dérives sont dues à un manque de gouvernance :
« Les doyens des facultés ont fixé leurs propres critères d’admission sans tenir compte des besoins nationaux. Chacun voulait imiter Harvard, avec des groupes réduits et des exigences démesurées, sans voir que cela creusait un vide. »
Ce vide, les universités étrangères l’ont comblé – au prix d’un niveau de formation inégal, mais aussi d’un débordement incontrôlé de médecins diplômés hors d’Israël.
Un monopole discret : les Arabes israéliens surreprésentés dans les professions médicales
Si l’on en croit les chiffres officiels, les Arabes israéliens représentent aujourd’hui 25 % des médecins du pays, alors qu’ils ne composent que 21 % de la population nationale. Cette surreprésentation est encore plus marquée dans certaines professions de santé : 27 % des infirmiers, 50 % des pharmaciens.
Un phénomène qui, loin d’être fortuit, trouve ses racines dans une stratégie sociétale bien ancrée :
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Les études médicales sont vues comme un ascenseur social privilégié dans les communautés arabes.
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Les secteurs comme la haute technologie, réservés aux diplômés issus de l’armée, restent peu accessibles à ceux qui, comme la majorité des Arabes israéliens, ne servent pas dans Tsahal.
Jusqu’à récemment, un grand nombre d’étudiants arabes avaient également un accès facilité aux facultés de médecine israéliennes dans le cadre de politiques de discrimination positive. Plusieurs universités ont institué des quotas officieux, ou des voies d’admission différenciées, afin d’encourager la diversité.
À Tel-Aviv, par exemple, un programme visait à recruter 10 % d’étudiants issus de groupes « sous-représentés », souvent à travers des procédures assouplies.
Mais cette dynamique, louée par certains, a engendré des tensions croissantes au sein de la société israélienne, où de nombreux candidats juifs se voyaient refuser l’accès à ces formations ultra sélectives – alors que, paradoxalement, leurs homologues arabes réussissaient à intégrer le cursus local ou à contourner l’obstacle via l’étranger.
Une hémorragie médicale programmée ?
Avec la mise en place complète de la réforme, le nombre de nouveaux médecins diplômés va chuter de près de 400 par an dès 2026, après la fin du cycle complet (6 ans d’étude + 1 an de stage).
Les étudiants issus des institutions désormais exclues – principalement des jeunes Arabes israéliens – en seront le premiers concernés.
Le paradoxe est cruel : Israël manque de médecins, et cette réforme pourrait temporairement aggraver la pénurie. Mais elle est assumée. L’objectif, selon le ministère de la Santé, est de reconstruire un système de formation solide, égalitaire, et d’un haut niveau académique.
« La qualité de la médecine israélienne est en jeu. Nous préférons moins de médecins, mais mieux formés. » a affirmé un haut fonctionnaire du ministère de la Santé.
Une réponse nationale : ouvrir plus de places dans les facultés israéliennes
Pour combler ce futur déficit, le gouvernement a lancé une série d’initiatives :
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Ouverture de nouvelles facultés (à Ariel, Reichman, etc.).
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Objectif de 1 700 étudiants en médecine formés en Israël d’ici 2027, contre 1 228 en 2024.
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Prêts conditionnels pour les études à l’étranger dans les universités désormais reconnues.
Mais surtout, la réforme engage l’État à reprendre en main une planification nationale des effectifs, mettant fin à l’anarchie qui régnait dans l’admission et la formation.
Un rééquilibrage sociétal et stratégique
Derrière la réforme Yatziv se dessine aussi un projet politique de rééquilibrage.
Longtemps favorisée par des politiques d’inclusion, parfois au détriment d’autres populations, la communauté arabe perd un levier d’influence discret mais puissant : l’accès privilégié à la médecine.
Cette réforme pourrait bien marquer le début d’un nouveau chapitre dans la société israélienne : une médecine plus rigoureuse, mais aussi plus équitable, débarrassée des contournements et des arrangements communautaires.
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