Loi antisémite : le port de l’étoile jaune il y a 76 ans

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Il y a 76 ans : l’étoile jaune

29 mai 1942 - 29 mai 2018. Peut-on parler d'anniversaire ?
Le 29 mai 1942, voilà exactement 76 ans, il n’y avait pas lieu de se réjouir...

La 8e ordonnance allemande depuis l'Occupation était promulguée dans le journal officiel, rendant obligatoire le port de l’étoile jaune, dès l’âge de six ans, dans toute la zone occupée. Cette législation antisémite entrera en vigueur le dimanche suivant, le 7 juin 1942.

Après la Pologne fin 1939, l’Allemagne fin 1941, les Pays Bas en avril 1942, cette mesure discriminatoire touchait la France, suivie par la Belgique le 1er juin 1942.

Ce « marquage » des Juifs visait à isoler toute une communauté, pour mieux la repérer, afin de faciliter arrestations et déportations, comme ce fut le cas lors de la rafle du Vél d’Hiv, du 16 juillet 1942.

Cette composante de la « Solution finale » nazie marquait l’apothéose d’un processus initiée par les expulsions sous Philippe Auguste en 1182, ou la rouelle de Saint Louis en 1269.

La distribution des étoiles se fera, avec le soutien actif de l’Etat français de Pétain, dans les commissariats et les sous-préfectures. Suivra, le 16 juillet 1942 la rafle du Vél d’Hiv...

Imprimée à 400.000 exemplaires, l’étoile jaune concernait 100.455 personnes (61.684 français et 38.591 étrangers), selon les chiffres du recensement qui permettra la création du fichier des Juifs.

En zone sud, le gouvernement de Vichy s’opposa à l’étoile mais après l’invasion allemande du 11 novembre 1942, la mention « Juif » sera tamponnée à l’encre rouge, sur les papiers d’identité et cartes d’alimentation.

Face à ce contexte d’élimination des Juifs, des protestations seront lancées en vain par les autorités catholiques et protestantes. L'Union générale des israélites de France (UGIF) appelait à « porter l'insigne dignement et ostensiblement » tandis que d’autres refusèrent cette soumission, comme le Pr Robert Debré, de l’Académie de médecine, ou le poète Max Jacob, au risque d’une dénonciation.

Hélène Berr, jeune étudiante, qui sera déportée à 24 ans, portera son étoile à la boutonnière, fixée par un bouquet tricolore. Une semaine plus tôt, elle écrivait dans son « Journal », publié en
2007 : « J’étais décidée à ne pas le porter. Je considérais cela comme une infamie et une preuve d’obéissance aux lois allemandes. Ce soir, tout a changé à nouveau : je trouve que c’est une lâcheté de ne pas le faire, vis-à-vis de ceux qui le feront. Seulement, si je le porte, je veux toujours être très élégante et très digne, pour que les gens voient ce que c’est. Je veux faire la chose la plus courageuse. Ce soir, je crois que c’est de le porter ».

le port de l’étoile jaune, dès l’âge de six ans

le port de l’étoile jaune, dès l’âge de six ans

Face à l’implacable, des stratégies de survie découleront des mesures d’exemption, prévues par la réglementation, pour plus de 9.800 étrangers issus de pays belligérants, alliés ou neutres. Quelques rares cas isolés bénéficieront de ce quasi privilège : le 25 août 1942, une liste de seulement 26 exemptions sera signée par Heinz Röthke, le chef du service juif de la SS de Paris.

Y figuraient en premier des proches de Pétain comme Jeanne de Brinon, née Franck, épouse de Fernand de Brinon, ambassadeur de Vichy à Paris, la marquise de Chasseloup-Laubat, fille du banquier Louis Stern ; la générale Billotte, née Nathan, et la comtesse d’Aramon, fille du banquier Edgar Stern.

Il ne sera pas donné suite à des demandes d'exemptions pour la veuve de Bergson, le pianiste Konstantinoff, chargé de la programmation musicale de Radio Paris, la Fédération des amputés de guerre, la veuve du médecin Fernand Widal, ami de Pétain, ou les sapeurs-pompiers juifs de Paris.

D’autres exemptions seront accordées au nom « de pressants motifs économiques » pour des cadres d’entreprises au service des allemands, pour les services de contre-espionnage, et des Juifs « travaillant avec la police anti-juive », des intermédiaires chargés du pillage des oeuvres d’art.

Des demandes individuelles seront systématiquement refusées comme celle de Nelly Frankfurter, 17 ans, qui écrira une lettre poignante à la Kommandantur de Paris : « J'ai de la peine à concevoir que je ne pourrai plus me trouver en société sans provoquer chez certains un sentiment d'animosité. J'aime tous les êtres humains sans distinction, et me voir repoussée par ceux que j'aime, surtout par mes camarades de classe, me cause un vif chagrin (...) Je m'adresse donc à votre bonté, à vos sentiments humains ». Elle sera déportée avec sa mère, le 20 juillet 1942.

2018 : l’étoile jaune n’est plus sur les poitrines mais sortir avec une kippa devient impossible dans certains quartiers. Les actes antisémites, amplifiés par le terrorisme islamiste, sont devenus un phénomène de masse, conduisant parfois à la mort avec le meurtre de Sébastien Selam en 2003, Ilan Halimi en 2006, trois enfants et le rabbin Sandler en 2012 à Toulouse, la prise d’otages de l’Hyper Cacher en 2015, les meurtres de Sarah Halimi en 2017 et de Mireille Knoll en 2018.

76 ans après l’étoile jaune du printemps 1942, la France semble installée dans une forme de banalisation de l’antisémitisme. Lutter contre, passe aussi par le rappel de l’Histoire.

Nous remercions l'auteur de ce texte Monsieur Thierry Noël-Guitelman,
neveu d'Ida Seurat-Guitelman, qui bénéficia d'une rare exemption de l'étoile, et qui a entamé depuis 2012, des recherches sur le sujet

 

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