Enfants yéménites : l'accablant témoignage de l'infirmière Shlomit Ben Ari

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Enfants yéménites : l'accablant témoignage de l'infirmière Shlomit Ben Ari

"Nous ne savions pas qui appeler et nous ne pouvions pas attendre le retour des parents. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de ces enfants par la suite".

Des documents montrant une conduite négligente de la part des responsables médicaux dans le cadre de l’affaire des enfants du Yémen, de l'Est et des Balkans ont récemment été publiés dans le journal Yedioth Ahronoth. Aujourd'hui, un témoignage rare fait la lumière sur ce qui s'est passé dans les hôpitaux dans les années qui ont suivi la création de l'État. Shlomit Ben Ari, 87 ans, était alors jeune infirmière à l’hôpital Rambam.

Elle raconte comment les enfants ont été recueillis, comment ils ont subitement disparu du service et dévoile que les bébés guéris ont été transférés dans un foyer d'accueil.
" C'était un vrai gâchis ", dit-elle, " les conditions étaient différentes, aujourd'hui rien de tel ne se serait produit ".

L’affaire des enfants du Yémen, de l'Est et des Balkans qui s'est déroulée dans les années qui ont suivi la création de l'État parvient encore, des décennies plus tard, à surprendre et à choquer.
Des milliers d'enfants, pour la plupart des nouveaux immigrants du Yémen, ont été hospitalisés pour des raisons diverses et variées.

Lorsque leurs parents sont venus leur rendre visite à l'hôpital, on leur a dit qu'ils étaient décédés et qu'ils avaient été enterrés. Cependant, la plupart des familles n’ont reçu aucun certificat de décès et n'ont pas été autorisés à voir les corps. Par la suite, ces mêmes enfants déclarés comme morts à leur parents ont reçu une convocation pour leur enrôlement dans l'armée israélienne. 

L'histoire s’est répétée dans d’autres familles, de plus en plus nombreuses au fil des ans.
Des soupçons se sont formés dans les esprits, les enfants leur auraient été enlevés, sur une initiative locale ou de manière institutionnalisée.

Les trois commissions d'enquête nommées par l'État ont déterminé que la plupart des enfants étaient décédés, mais des documents suspects et inquiétants et des témoignages de médecins et d'infirmières ont soulevé des interrogations et fait naître l’idée que les enfants avaient pu être emmenés pour être proposés à l’adoption sans autorisation. Dans tous les cas, le mystère n'a à ce jour pas été résolu. Ces dernières semaines, la question a de nouveau fait la une des journaux avec l'ouverture des tombes qui s'opère ces jours-ci.

De nombreuses familles se sont retrouvées sans défense, ne sachant pas ce qu'était devenu leur enfant. Alors même que certaines d'entre elles ont reçu des documents et des diagnostics résultant des commissions d'enquête sur la mort de l'enfant et son lieu de sépulture, il reste très difficile d’avoir foi en l'État après des décennies de dissimulation.

À cette fin, l'ancienne députée Nourit Koren a promulgué l'ordre temporaire d'ouvrir les tombes aux familles qui souhaitent vérifier ce qu'on leur a affirmé : leur enfant est-il bien enterré dans la tombe où figure son nom ? Ou peut-être n'est-il pas mort et a-t-il été adopté sans la permission de ses parents ?

Ouvrir une tombe peut certes solutionner le mystère d'une famille, mais cela ne conduira pas à la résolution de toute l'affaire. 70 ans plus tard, alors que la plupart des professionnels de la santé et de l'establishment sont décédés, le chemin pour découvrir la vérité devient de plus en plus sinueux.

Un traumatisme grave

En mai, le journal " Yediot Aharonoth " a publié des documents provenant des archives de l'État montrant la conduite négligente des responsables médicaux au cours de ces années-là : dissection de corps dans les toilettes, traitements ayant entraîné la mort de nombreux enfants des camps de transit, réalisation d'expériences sur des cadavres d’enfants sans consentement parental et annonce tardive du décès de l'enfant. Dans l'un des documents figurait également une déclaration sous serment d'un pédiatre soulevant des soupçons d'adoption sans autorisation des parents.

Aujourd’hui, un témoignage inédit confirme les soupçons. Shlomit Ben Ari (87 ans) était en 1953 une jeune élève infirmière en stage dans le service pédiatrique de l'hôpital Rambam. Elle y a travaillé pendant environ trois ans, mais les nombreux décès d'enfants nouvellement immigrés ont orienté ses choix de carrière vers le métier de  sage-femme.

En tant que survivante de la Shoah, il m'était difficile de voir ces enfants qui arrivaient si maigres, la peau sur les os ", raconte Mme Ben-Ari. " Les parents nous les amenaient tardivement, alors qu'ils étaient déjà dans un état préoccupant car ils avaient entendu dire que les enfants mouraient à l'hôpital. Nous nous rendions dans les camps de transit et les parents cachaient les enfants sous les lits pour qu'ils ne leur soient pas enlevés. C'était un traumatisme grave. Lorsque je reprenais ma garde après mon temps de repos, je demandais où étaient les enfants qui occupaient précédemment tel ou tel lit et on me répondait qu'ils étaient décédés. Je ne sais pas ce qu'ils en ont fait, s'ils les ont enterrés, s'ils ont même récité le Kaddish pour eux. Au fil des ans, j'ai essayé de me souvenir et de vérifier auprès des infirmières qui travaillaient avec moi, mais elles sont décédées. Aucun des cadres supérieurs de l’époque n'est encore en vie aujourd’hui ".

À cette époque, la famille n'était pas autorisée à rester à l'hôpital avec l’enfant.

Cette politique a conduit aux histoires bien connues de parents qui sont revenus à l'hôpital un jour ou deux plus tard et ont appris que leur bébé était mort, sans possibilité de voir le corps ni de recevoir de certificat de décès. Certains des enfants sont effectivement morts de la maladie grave qui sévissait à cette époque, mais le témoignage de Shlomit montre clairement que des enfants ont guéri et ont été placés en foyer d'accueil.

" Lorsque l'enfant était en bonne santé, qu'ils devaient le libérer mais ne savaient pas où étaient ses parents, ils le transféraient dans un foyer d'accueil à Haïfa, où l’on prenait soin de lui ", révèle-t-elle.

" Nous ne savions pas qui appeler et nous ne pouvions pas attendre le retour des parents. Je ne sais pas ce qui est advenu de ces enfants. J'étais une jeune infirmière, j'avoue que je n’y ai pas pensé à l'époque ".

Le témoignage de Shlomit souligne également une conduite négligente concernant l'enregistrement des enfants dans les camps de transit. C'est l'une des raisons pour lesquelles le personnel médical ne savait pas comment contacter les parents. "

L’hôpital Rambam a accueilli le plus grand nombre d'immigrants parce que c'était le plus grand hôpital de la région", dit-elle, " mais il n'y avait pas de système d'admission organisé. On ne m'a jamais dit de réclamer une pièce d'identité. Je demandais le nom du petit patient et j'inscrivais ce que j’entendais, généralement juste un prénom ou un nom de famille. J'accrochais une note manuscrite sur le lit du bébé. Il m’est arrivé à plusieurs reprises de ne pas entendre correctement le nom à cause de l'accent, mais j'ai écrit ce que j'ai compris, il y a certainement eu des erreurs. C'était un vrai gâchis, les conditions étaient différentes, aujourd'hui rien de tel ne se serait produit ".

Selon Shlomit Ben Ari, les immigrants du Yémen ont été principalement touchés parce que, pour leur part, les enfants ashkénazes étaient surveillés 24h / 24. " Les kibboutzim finançaient la surveillance des enfants, les infirmières du kibboutz assuraient les gardes ", dit-elle. " Elles venaient avec les papiers d’identité des enfants, et quand ces derniers guérissaient, elles les ramenaient chez eux. En aucun cas ces enfants ne restaient sans contact avec leurs parents comme cela s’est produit avec les enfants des camps de transit ".

Des dizaines de cas tout au moins

Le témoignage de Mme Ben-Ari concernant des dizaines de cas de ce type est lié à l'affidavit du comité d'enquête de l'État que nous avons publié il y a environ deux mois à partir des archives de l'État contenant les propos du Dr Paul Strahovski, qui travaillait comme pédiatre, au sujet d'une institution vers laquelle les enfants des hôpitaux Rambam et Afula étaient dirigés. "

Il y avait là-bas des enfants yéménites qui avaient été orientés par une assistante sociale vers un service fermé ", a-t-il déclaré dans son témoignage. " Ils y sont restés le temps de se remettre ou de reprendre du poids après leur hospitalisation et ont attendu leur adoption ou leur placement dans un foyer d'accueil. Lorsqu'un enfant était adopté, j'émettais un courrier médical sur son état de santé avec seulement un prénom, pour éviter l'identification des parents biologiques. C'est ainsi que cela fonctionnait ".

Shlomit, âgée de 18 ans à peine, était alors infirmière en tout début de carrière. Comme mentionné, elle admet qu'elle ne s’est pas intéressée à ce qui est advenu des enfants par la suite. Mais au fil des années, alors que le sujet revenait à l'ordre du jour, elle a commencé à se poser des questions et à essayer de se souvenir.
Elle a récemment contacté l'association "Amram" et a demandé à s’exprimer au sujet de ce qui s'était passé pendant les années où elle avait travaillé en pédiatrie à l’hôpital Rambam.
Elle ne pense pas qu'il s'agissait d'une activité institutionnelle pour adopter des enfants des nouveaux immigrants, mais dit qu'il se passait peut-être des choses qu'elle ignorait, et que les familles méritent de connaître la vérité.

Un rapport sur l'affaire rédigé par l'ancien directeur général adjoint du ministère de la Santé, le professeur Itamar Grotto, a été abandonné sur la base d'un seul compte rendu d’expert.

Il y a environ trois mois, le ministère de la Santé a officiellement annoncé qu'il n'avait rien à voir avec cela. Les conclusions du rapport indiquent que les professionnels de la santé ont pris des décisions au sujet des questions médicales concernant les bébés sans l'implication de leurs parents et sans leur consentement, que des autopsies ont parfois été pratiquées à des fins de recherche, que des professionnels de la santé ont été impliqués dans l'adoption des enfants de diverses manières, et ont annoncé le décès d’enfants sans fournir de certificat de décès. Le professeur Grotto a rédigé le rapport dans le cadre des recommandations du Comité Palmer pour la lutte contre le racisme, dans le but d'enquêter sur la conduite des autorités médicales aux débuts de l'État.

L'infirmière Ben Ari est l'un des rares membres du personnel de santé encore en vie qui puisse témoigner de ce qu'elle a vu et entendu au cours de ces années. Elle contredit l'opinion de l'historienne médicale, le professeur Shifra Shortz, qui affirmait que les enfants guéris étaient renvoyés dans leur famille et que même dans les cas où les parents n'étaient pas en mesure de maintenir le contact avec les enfants à l'hôpital, des efforts étaient entrepris pour les localiser.

Ignorer les propos de Shlomit Ben Ari et les documents trouvés dans les archives de l'Etat, sans donner d'explications claires et officielles, serait une nouvelle injustice commise à l’encontre de ces familles, qui ont fait confiance à l'Etat et ont perdu des êtres chers. Cela devrait être l'une des priorités du prochain ministre de la Santé.

L'hôpital Rambam a répondu : " Nos pensées vont aux membres des familles qui sont toujours à la recherche de leurs proches. Malheureusement, près de 70 ans plus tard, nous n'avons pas de données sur la façon dont l'hôpital a agi avec les institutions de placement familial pendant cette période ".

Le ministère de la Santé a déclaré : " Les allégations concernant une rupture crée lors de l’hospitalisation des enfants entre les parents et les foyers d'où les bébés ont été envoyés ont été examinées. Le comité d'État a constaté que ces allégations résultaient d'irrégularités et de lacunes qui sont apparues en l'absence d'établissement de procédures obligatoires de signalement et de suivi entre les domiciles des bébés hospitalisés et les familles, et en raison de l'incapacité d'établir une institution centrale pour surveiller le sort des bébés et localiser les familles. Le comité a également déterminé qu'il ne s'agissait pas d'une action délibérée ou institutionnelle des équipes médicales, mais plutôt d'irrégularités résultant de contraintes causées par la toute récente création de l'État et des ressources limitées dont disposaient le gouvernement et le système médical à cette époque.

Les tombes ont été ouvertes, mais toujours pas de réponse

Il y a environ trois mois, la tombe de l'enfant Ouziel Khoury, qui aurait disparu dans l'affaire des enfants du Yémen, de l'Est et des Balkans, a été ouverte. L'événement s'est terminé de manière très triste car, lorsque la pierre tombale a été retirée, il s’est avéré que les tombes étaient scellées par des pierres roulantes.

L'affaire a été renvoyée devant le tribunal en raison de l'implication d'une autre famille qui n’a pas déposé de demande de permission pour ouvrir la tombe. Jusqu'à présent, le juge n'a pas décidé s’il allait faire ouvrir la tombe la plus proéminente des deux ou les deux, et la famille Khoury est restée sans réponse, dans le plus grand désespoir.

La semaine dernière, le ministère de la Santé a annoncé que le laboratoire biologique de l'Institut national de médecine légale était en mesure de produire un profil génétique complet, à partir des restes prélevés lors de l'ouverture de la tombe d’un enfant nommé Yossef Melamed. C'est une percée qui prouve que même après 70 ans, il sera possible d'identifier les restes qui seront retrouvés dans les tombes. En 1997, les tombes de dix enfants ont été ouvertes et les restes d'une vingtaine de corps y ont été découverts. Cependant, la technologie de l’époque n'a pas permis de produire un ADN précis et d'identifier les enfants. Pour cette raison, les tombes ont été refermées et les familles sont restées sans réponse.

Après cette nouvelle encourageante, l'Institut de médecine légale a contacté la famille Melamed pour lui demander de prélever un échantillon d'ADN afin d'effectuer une comparaison génétique et de pouvoir enfin fournir une réponse claire à leur question : le corps enterré au cimetière Nachalat Yitzhak à Tel Aviv est-il bien celui de Yossef ?

Depuis lors, une autre tombe a également été ouverte. On a dit à la famille qu'il s'agissait de Hamma Karve, une jeune mère âgée de 17 ans qui avait disparu de l'hôpital Assaf Harofeh alors qu'elle y était hospitalisée. 30 ans plus tard, un comité d'enquête a désigné une tombe du cimetière de Segulah comme étant la sienne, même si un nom de famille différent y était inscrit. La famille Karve a demandé à vérifier si c’était bien Hamma qui y était enterrée et non pas une autre personne. Les restes extraits de cette tombe sont actuellement examinés à l'Institut de médecine légale. Après l’établissement d'un profil génétique, il sera possible de le croiser avec l'ADN de la famille.

Dans les semaines à venir, sept autres tombes devraient être ouvertes, avec l’approbation du tribunal dans le cadre de l'affaire gérée par les avocats Nurit Koren, Doron Radei et Rami Tsovari. Néanmoins, comme mentionné plus haut, l'ouverture de tombes individuelles ne résoudra pas toute l'affaire.

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