
Alors que l’Iran sort à peine de la guerre éclair qui l’a opposé à Israël en juin 2025, un climat de terreur s’abat sur la communauté juive du pays. Entre rafles ciblées, accusations d’espionnage et exécutions expéditives, les autorités iraniennes mènent une traque silencieuse contre ceux qu’elles soupçonnent d’être les relais du Mossad. Récit d’une purge communautaire aux relents de procès staliniens.
Les Juifs d’Iran dans l’étau du régime : interrogés, arrêtés, exécutés
Depuis la fin des hostilités entre Israël et l’Iran, officiellement suspendues le 24 juin 2025 après douze jours d’affrontements, la République islamique a lancé une vague d’arrestations sans précédent contre ses propres citoyens, et particulièrement contre les membres de la communauté juive encore présents sur son territoire.
Le chiffre officiel communiqué par l’agence Fars évoque 26 arrestations, visant « des collaborateurs trompés du régime sioniste ».
Mais les sources non gouvernementales parlent de plus de 700 personnes interpellées, dans une vaste opération de “nettoyage intérieur” menée par les services de renseignement du régime.
Selon plusieurs observateurs, rabbins, chantres et notables juifs auraient été convoqués, interrogés, et parfois menacés, à Téhéran, Shiraz et Ispahan — trois villes qui concentrent l’essentiel de la population juive iranienne, estimée à environ 15 000 âmes.
Des exécutions qui rappellent les heures sombres de 1979
Trois noms ont déjà été rendus publics : Idris Ali, Azad Shojai et Rasoul Ahmad Rasoul. Accusés d’avoir collaboré avec le Mossad, ces hommes ont été condamnés à mort et exécutés par pendaison au cours de la dernière semaine de juin.
Les trois hommes pendus pour collaboration présumée avec Israël (Idris Ali, Azad Shojai, Rasoul Ahmad Rasoul) n’étaient pas juifs, mais Kurdes
Le régime les soupçonne d’avoir facilité des transmissions d’informations ou l’entrée d’équipements espions israéliens durant les frappes menées par l’État hébreu contre les sites nucléaires iraniens.
Ces exécutions résonnent comme un écho glaçant à celle de Habib Elghanian en 1979, figure emblématique de la communauté juive iranienne et premier civil exécuté après la révolution islamique, lui aussi pour “collaboration avec Israël”.
Depuis, au moins 17 Juifs auraient été exécutés dans des affaires liées à l’espionnage ou à des contacts présumés avec Israël. L’affaire la plus notoire reste celle de 1999, lorsqu’un groupe de 13 Juifs de Shiraz fut arrêté et jugé pour espionnage, déclenchant une vague internationale d’indignation.
Pressions psychologiques, intimidations et isolement
Selon des informations recueillies par le média Jfeed, des rabbins de Shiraz et des membres de la communauté de Téhéran ont été contraints de signer des déclarations anti-israéliennes. D’autres ont dû participer à des événements publics dénonçant le “sionisme criminel”, sous peine d’arrestation. L’objectif : démontrer la loyauté envers le régime et couper tout lien réel ou supposé avec l’État juif.
L’accès aux réseaux sociaux a été bloqué, les communications internationales surveillées, et des perquisitions auraient été menées dans plusieurs synagogues. Le climat de suspicion généralisée pousse certaines familles à envisager l’exil, malgré les obstacles juridiques pour quitter le pays avec des biens ou obtenir des visas.
Un procès à huis clos contre les droits fondamentaux
Les inculpés sont poursuivis pour “espionnage”, “coopération avec l’ennemi”, “mise en danger de la sécurité nationale” — des chefs d’accusation passibles de la peine capitale en Iran. Les procédures se déroulent à huis clos, sans avocat indépendant ni accès aux preuves. Dans les cas où les accusés ne sont pas exécutés, des peines de prison de 10 à 25 ans sont infligées, accompagnées de la confiscation des biens familiaux.
La communauté internationale reste largement silencieuse, à l’exception de quelques ONG américaines et israéliennes qui évoquent un risque de “purge ethno-confessionnelle sous prétexte sécuritaire”.
Le retour d’un antisémitisme d’État ?
Si le régime se défend de toute discrimination religieuse, les faits rappellent une mécanique bien rodée : créer un ennemi intérieur pour détourner l’attention d’un échec militaire ou diplomatique.
Le cessez-le-feu du 24 juin, imposé sous pression américaine après les bombardements israéliens sur Fordow et Natanz, est vu comme une humiliation par une partie des élites du régime. Les Juifs d’Iran, minorité historiquement perçue comme liée à Israël, paient aujourd’hui le prix d’un conflit dont ils ne sont ni les acteurs ni les partisans.
Silence, exil ou mort
Alors que le monde détourne le regard, la communauté juive iranienne traverse une nuit froide, marquée par la peur et le silence. Ceux qui n’ont pas été arrêtés ferment leurs boutiques, évitent les contacts, et songent à fuir. L’histoire, une fois de plus, bégaie dans les ruelles de Shiraz. Mais cette fois, dans l’ombre, les portes se referment sans bruit — et sans témoin.
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