Dette française : la digue a cédé à cause de la démission du Premier Ministre de Jean-Luc Ginder

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Dette française : la digue a cédé à cause de la démission du Premier Ministre de Jean Luc Ginder

Dette française : la digue a cédé à cause de la démission du Premier Ministre.

L’heure du grand risque public est arrivée.

Par Jean-Luc Ginder, économiste

La France vient d’entrer dans une zone de turbulence inédite. Ce qui se joue sous nos yeux dépasse la simple mécanique des marchés financiers : c’est la crédibilité économique d’un pays tout entier qui vacille. Depuis la démission du Premier ministre, les taux d’emprunt à long terme se sont envolés, révélant une vérité brutale : la dette française n’est plus perçue comme une valeur refuge.
Nous faisons face, sans exagération, au risque financier public le plus important jamais connu par la Ve République.

Un choc politique, une onde économique

Les marchés n’ont pas de mémoire, mais ils ont des réflexes.
Lorsque l’incertitude politique s’installe, les investisseurs vendent. Ils ne cherchent ni à comprendre ni à attendre : ils arbitrent.
Or, depuis la démission du chef du gouvernement, c’est précisément ce qui se produit. En l’espace de quelques heures, les taux à dix ans ont bondi, creusant un écart inquiétant avec ceux de l’Allemagne.
Ce « spread » franco-allemand, longtemps contenu par la crédibilité budgétaire française, atteint des niveaux qui rappellent les heures sombres de la crise de la dette européenne.

Cette flambée n’est pas un épiphénomène. Elle traduit une dégradation structurelle de la confiance.
Quand un pays aussi central que la France voit ses taux rejoindre, voire dépasser, ceux de l’Italie, c’est toute la hiérarchie financière de la zone euro qui se trouve bouleversée.

Le prix de l’instabilité

Chaque point de base gagné sur les taux, chaque frémissement de spread, se traduit par des milliards d’euros de charges supplémentaires pour les finances publiques.
La France, déjà engagée sur une trajectoire d’endettement dépassant les 110 % du PIB, ne peut plus se permettre la volatilité politique.
Les agences de notation observent, silencieuses mais attentives. Les investisseurs institutionnels – notamment les fonds de pension étrangers – commencent à réduire leur exposition à la dette française, perçue comme moins sûre, plus imprévisible.

La mécanique est implacable : plus la confiance se détériore, plus le coût de la dette augmente, et plus le budget se fragilise. C’est une spirale auto-entretenue où l’instabilité politique devient un facteur budgétaire.

L’État, qui emprunte chaque semaine des milliards pour financer son fonctionnement, se retrouve désormais à la merci des marchés.
Autrement dit : ce n’est plus la France qui choisit ses taux, mais les marchés qui choisissent leur niveau de confiance dans la France.

Le retour du risque souverain

Pendant des années, l’Europe a vécu dans l’illusion de la stabilité. La Banque centrale européenne, par sa politique d’achats massifs d’obligations, a maintenu artificiellement bas les coûts de financement des États.
Ce temps est révolu. L’inflation, les tensions géopolitiques et la normalisation monétaire ont refermé cette parenthèse. Désormais, chaque État est jugé sur sa cohérence budgétaire, son efficacité administrative et sa stabilité politique.

Et sur ces trois terrains, la France inquiète.
Les réformes structurelles restent inachevées, les dépenses publiques continuent d’augmenter, et l’absence de majorité claire à l’Assemblée nourrit la perception d’un pays paralysé.
Dans ce contexte, le risque souverain français cesse d’être théorique : il devient tangible, mesurable, chiffré à la décimale près.

Une confiance européenne ébranlée

L’effet d’entraînement dépasse nos frontières.
Les investisseurs ne séparent plus la France du destin de la zone euro. Quand le deuxième pilier économique de l’Union vacille, c’est la crédibilité de tout l’édifice européen qui tremble.
Berlin s’inquiète, Rome observe avec soulagement, et Bruxelles s’efforce de rassurer sans convaincre.
Car derrière les chiffres se cache une vérité simple : l’Europe sans la solidité financière de la France n’existe pas.

Cette situation place la Banque centrale européenne dans un dilemme : intervenir pour contenir la contagion – au risque d’être accusée de soutenir un État défaillant – ou laisser faire les marchés, au risque de précipiter une crise de la dette continentale.

L’histoire récente nous a appris que la BCE agit toujours trop tard, jamais trop tôt.
Mais cette fois, le coût du retard pourrait être considérable.

L’économie réelle à l’épreuve du doute

La crise actuelle n’est pas qu’une affaire de taux. Elle se diffuse, lentement mais sûrement, à l’économie réelle.
Les entreprises, confrontées à la hausse du coût du crédit, reportent leurs investissements. Les ménages, inquiets du climat politique, freinent leur consommation.
Les collectivités locales, déjà fragilisées, redoutent un resserrement brutal des conditions d’emprunt.
L’incertitude devient un impôt invisible : elle ralentit la décision, mine la confiance et détruit la dynamique.

Dans ce contexte, la croissance française risque d’être la première victime collatérale d’une crise née au sommet de l’État.
Et comme souvent, ce sont les territoires, les PME, les acteurs de terrain qui en paieront le prix, bien avant que les indices macroéconomiques n’en prennent la mesure.

Sortir du piège : restaurer la crédibilité

Le diagnostic est sévère, mais la sortie de crise n’est pas hors de portée.
La France doit retrouver le sens du pilotage économique responsable, celui qui repose sur trois piliers :

  1. La clarté budgétaire – parler vrai sur les déficits et les dépenses, sans travestir les chiffres.
  2. La stabilité institutionnelle – garantir aux investisseurs que les décisions politiques resteront prévisibles et cohérentes.
  3. La discipline de long terme – renouer avec une trajectoire de désendettement crédible, même progressive, mais lisible.

Sans ces fondations, aucune promesse ne suffira à rétablir la confiance.
La France doit comprendre que le temps du « quoi qu’il en coûte » est clos.
L’argent public n’est plus un instrument politique ; c’est une matière rare qu’il faut administrer avec rigueur et lucidité.

Un choix collectif : l’État ou la défiance

La dette n’est pas qu’une question de chiffres. C’est une question de contrat social.
Tant que les citoyens croient que l’État gère avec prudence et équité, ils acceptent de le financer, directement ou indirectement.
Mais lorsque la confiance se fissure – quand le citoyen perçoit l’injustice, le gaspillage, l’improvisation –, alors c’est tout le système fiscal et financier qui se fragilise.

Le risque actuel est là : une rupture de confiance généralisée, entre le pouvoir, les marchés et la société.
Le danger n’est pas seulement de voir les taux grimper, mais de voir s’installer un doute durable sur la capacité de l’État à tenir sa parole.

Le courage de la vérité

L’heure n’est plus aux discours rassurants. Elle est à la lucidité.
La France dispose encore d’atouts considérables : son épargne, sa démographie, son tissu industriel, sa position géographique et son rôle au sein de l’Europe.
Mais ces forces ne suffiront pas sans une refondation du lien entre politique et responsabilité économique.

Jean-Luc Ginder, économiste

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