Pierre Moscovici, Désir d'avenir

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                                     Pierre Moscovici, Désir d'avenir

Article paru dans "Le Monde",le 29/01/08

Pour incarner le vaste chantier de la rénovation du Parti socialiste, il ne fait pas forcément bon avoir été le plus jeune secrétaire national du PS au congrès de Rennes de 1990, le benjamin des députés socialistes au Parlement européen en 1994 et le petit dernier du gouvernement Jospin, en 1997. Ces états de service brillants mais un peu compromettants ne semblent guère nuire à Pierre Moscovici, qui, au fil des années, a poli son image de socialiste consensuel, sérieux et posé.

Elu député, il annonce en octobre son intention de briguer la direction du PS.

La présidence de la commission d'enquête parlementaire sur la libération des infirmières bulgares détenues en Libye - dont il a refusé de voter le rapport pour protester contre "le scandale démocratique de la non-comparution de Cécilia Sarkozy" - a permis à ce technocrate aux manières élégantes de prendre du galon en tant qu'opposant au président de la République, auquel il consacrera bientôt un pamphlet.

Le jeune Moscovici est un trotskiste dilettante, proche de la Ligue communiste révolutionnaire, sans, dit-il, être encarté. A la sortie de l'ENA, il devient compagnon de route des socialistes et finit par rejoindre Michel Rocard, qui achève de le convertir en social-démocrate sans complexe. Mais c'est Lionel Jospin qui a accéléré sa carrière en l'intronisant secrétaire du groupe des experts du PS et en le poussant à affronter le suffrage universel. Après avoir servi Michel Rocard et Lionel Jospin, Pierre Moscovici a rejoint Dominique Strauss-Kahn, son ancien professeur à l'ENA. Dans sa garde rapprochée, il était le fidèle lieutenant, pendant que ses alter ego Jean-Christophe Cambadélis et Jean-Marie Le Guen jouaient les porte-flingues.

A 50 ans, le brillant second rôle a fini par s'impatienter. Cet automne, il s'est déclaré apte à prendre la succession de François Hollande lors du congrès de 2008. "Il considère qu'il le vaut bien", commente en souriant son vieux complice Cambadélis. L'intéressé acquiesce. "J'ai eu très longtemps une vie d'enfant gâté de la politique, celle d'un jeune homme un peu lisse à qui tout a été donné." Sa victoire lors des législatives de juin 2007, dit-il, a agi sur lui comme un déclic.

En 1997, à peine élu dans cette 4e circonscription du Doubs, ouvrière et toute acquise à la gauche, "Mosco" est propulsé aux affaires européennes. Gourmand, il aurait préféré le ministère de l'économie, mais, en 2002, il tombe de haut. Battu, il se replie sur le Parlement européen. Frappée par la crise, cette circonscription franc-comtoise voit monter en puissance le Front national, vote non au référendum européen à 65 % et place Nicolas Sarkozy en tête en mai 2007. Pierre Moscovici, pro-européen militant, dandy parisien habitué du Café de Flore, amateur de costumes parfaitement taillés mais pas de belles voitures (il n'est pas titulaire du permis de conduire, ce qui surprend toujours un peu les ouvriers de l'usine Peugeot de Sochaux lorsqu'ils le croisent), ne fait pas vraiment couleur locale. Cela ne l'empêche pas de l'emporter de justesse en juin 2007. "Cette victoire, c'est la mienne ; je ne la dois ni à papa Jospin, ni au grand frère Dominique, ni à Ségolène. Je ne suis pas moins légitime qu'un autre. Les regards sur moi ont changé ; je commence à devenir plausible", insiste Pierre Moscovici.

Afficher ses ambitions à la tête du PS, c'est aller à l'encontre du serment des mousquetaires strauss-kahniens qui se sont promis de ne rien faire qui puisse compromettre le retour de leur d'Artagnan. Jean-Marie Le Guen lui a "rappelé amicalement" que le courant DSK ne se reconnaissait pas d'autre leader que l'ancien ministre des finances. Au fait, qu'en pense le directeur du FMI ? Mystère. Il n'a pas souhaité répondre. "Il doit être partagé, avance Pierre Moscovici. Sans doute estime-t-il que je suis capable d'exercer ce genre de responsabilité, mais il doit aussi se demander si c'est son intérêt."

Son émancipation, le député du Doubs l'assume sans complexe. Fils du psychologue social Serge Moscovici et de la psychanalyste Marie Bromberg-Moscovici, il estime avoir été à bonne école pour porter un regard lucide sur les questions qui engagent l'affect. De ses parents, il a hérité un fort appétit pour l'engagement politique. Juif d'origine roumaine, son père participa avec Brice Lalonde et René Dumont à la rédaction du programme du mouvement écologiste pour les législatives de 1978. Sa mère fut très engagée contre la guerre d'Algérie. Ni l'un ni l'autre ne l'ont élevé dans le culte de la social-démocratie triomphante. Et encore moins dans celui de François Mitterrand, dont "Mosco" n'hésite pas à dénoncer, en 1994, les relations avec Pierre Bousquet.

Dans un parti où les dégâts collatéraux de la défaite à la présidentielle de 2007 et l'hémorragie des adhérents ont rendu les rapports de force très incertains, Pierre Moscovici se propose de jouer les bons samaritains. "Il faut un congrès d'orientation, pas de désignation", répète-t-il. Traduction : choisissons un premier secrétaire capable de tenir à distance les deux présidentiables jusqu'à 2011, date à laquelle le PS ou ses sympathisants, par le biais d'une "primaire" à l'italienne, trancheront. Et de citer cette leçon qu'il a retenue de Lionel Jospin : "Le parti ne se prend pas au centre mais en son centre, c'est-à-dire en sachant marier les contraires."

Au grand dam des orthodoxes strauss-kahniens, Moscovici ménage François Hollande - le premier secrétaire contrôle une bonne trentaine de fédérations - et s'est rapproché de Ségolène Royal, dont il salue "le charisme et les intuitions", même s'il juge "son vocabulaire christique assez insupportable". Quant à Bertrand Delanoë, il le trouve "très classique".

"Pierre est apprécié dans le parti, mais il n'y compte pas beaucoup de vrais amis et il n'a pas les qualités d'un Hollande. Passer la main dans le dos des militants et embrasser les mamies du PS, ce n'est pas trop son style. Et puis il pense sincèrement que, compte tenu de ses qualités, on finira par le reconnaître, ce qui, en politique, est un peu risqué...", estime un socialiste qui le connaît bien et considère que "Mosco" cherche d'abord à prendre date.

L'élégant député de Montbéliard, qui s'est laissé pousser la barbe comme pour signifier sa volonté d'incarner un nouveau personnage, envisageait-il une échéance plus lointaine ? "Un miracle peut toujours arriver, mais je n'y pense pas, se défend Pierre Moscovici. Premier secrétaire, c'est un boulot de chien qui exige de mettre les mains dans le cambouis pendant deux ans. Je prépare 2012 pour d'autres."

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