Entretien avec Danny Boon pour la sortie de supercondriaque en Israël

Cinéma, Israël, Magazine, Paroles d'hommes - le - par .
Transférer à un amiImprimerCommenterAgrandir le texteRéduire le texte
FacebookTwitterGoogle+LinkedInPinterest
Entretien de Dany Boon pour la sortie de son film en Israel supercondriaque

 

Il faut avant tout partir de votre cas, celui d’un très grand malade ! SUPERCONDRIAQUE en fait, c’est vous...

Ce sujet de l’hypocondrie est en effet très personnel.
Étant désormais majeur et responsable de mes actes et de mes névroses, je dois reconnaître que je suis très angoissé par l’idée de la maladie, comme pas mal d’artistes... Dès que je présente le moindre symptôme, je suis persuadé que c’est extrêmement grave et définitif : à 38°5 degrés, je suis à l’article de la mort !
J’appelle donc mon médecin très régulièrement.
il s’appelle Roland, il apparaît d’ailleurs dans le film et au bout de 20 ans c’est devenu un ami. Je précise que je connais le numéro de son cabinet par cœur et qu’en plus, j’ai celui de son domicile dont le combiné est posé sur sa table de nuit ! il a beaucoup regretté de me l’avoir donné celui là...

Au-delà de ce généraliste, vous consultez aussi des spécialistes ?
ah oui, je fais très régulièrement des examens, souvent en compagnie d’amis qui ont le même problème que moi ! Récemment, j’ai découvert le «body-scan», une

sorte de scanner beaucoup plus poussé, et j’en ai déjà fait deux ! Plus sérieusement, l’hypocondrie est une pathologie assez éprouvante pour mon entourage, ma femme ou mes enfants. en revanche, c’est très rassurant pour les assureurs ! Je fais tellement attention de ne pas tomber malade que j’ai changé mon mode de vie : je fais beaucoup de sport, je fais attention à mon alimentation. D’ailleurs, ça génère d’autres névroses car je repense du coup à mes parents qui achetaient la nourriture la moins chère possible !

Est-ce que le sujet du film part de ces inquiétudes ? Est-ce pour vous un moyen d’exorciser votre hypocondrie ?
il y a avant tout l’idée de m’en moquer grâce à l’autodérision. on fait mieux rire les autres à travers soit... Plus une histoire est sincère, personnelle, plus les scènes de comédie seront fortes et plus on peut aller loin dans le délire ou la folie. comme dans le film, j’ouvre les portes avec les coudes et je me lave les mains après avoir composé un numéro sur un digicode. Je crois que je préfèrerais tomber dans un escalier plutôt que de me tenir à la rampe !

D

L’idée d’écrire et réaliser SUPERCONDRIAQUE s’est en quelque sorte imposée à vous car au moment du tournage du film UN PLAN PARFAIT, vous étiez parti sur autre chose...

oui, le projet s’appelait une Jolie cH’TiTe famille. mais comme vous le savez, je suis pas mal attendu, observé et quelquefois critiqué ! Donc j’écoute les conseils de mon entourage proche et certains m’ont fait remarquer que c’était encore un projet sur le nord. même si j’aimais vraiment mon histoire et que j’adore ma région, j’ai entendu tout cela et peu à peu, SuPeRconDRiaQue, (que j’avais en tête depuis un bout de temps), est revenu à la surface.

Le film parle aussi de cette tendance très actuelle de s’auto-médicamenter via internet... c’est vrai qu’il suffit de taper sur google et on trouve immédiatement des images et des explications de ce dont on croit souffrir ! Sur les forums, vous pouvez lire des témoignages et des récits absolument dramatiques et ahurissants ! Mon cher ami médecin généraliste m’a même dit que dans les colloques professionnels aujourd’hui, il y avait des débats exclusivement consacrés à cette question de l’automédication. les docteurs doivent maintenant faire face à des patients qui viennent, non plus avec une maladie mais avec un diagnostic !

Ce qui est très intéressant avec SUPERCONDRIAQUE, c’est que l’on part de ce thème de l’hypocondrie pour ensuite aller en aborder d’autres, comme celui de l’identité par exemple ou des relations homme-femme...

oui et c’est pourquoi ce projet a mis du temps à se concrétiser car en soit, l’hypocondrie n’est pas un thème de comédie puisqu’il génère des idées ou des personnages assez négatifs et qu’on en fait vite le tour... mon idée était donc de montrer comment vit un hypocondriaque, à travers ce que mon épouse ou ma mère avant elle a vécu à mon contact !

Je voulais montrer les difficultés des rapports humains en société pour un type malade comme Romain, qui plus est photographe pour dictionnaire médical ! Sur le fond, je trouve que l’hypocondrie est un phénomène très bourgeois, en ce sens qu’il faut avoir le temps et l’argent d’en souffrir ! Bref, ça m’intéressais de voir comment ce gars-là arriverait à trouver l’amour malgré sa névrose... c’est là où le personnage de kad, entre en jeu. Romain pense, (à tort), que c’est son meilleur ami mais Dimitri lui ne pense qu’à lui trouver une femme pour en être débarrassé et qu’il aille mieux... c’est donc un film sur la maladie mais également sur la séduction et l’image que les hommes renvoient aux femmes. Quand Romain prend la place et l’aspect d’anton miroslav, il joue sur l’apparence et ça, nous l’avons tous fait, au travail comme dans l’intimité, notamment au début d’une relation...

À partir de ce moment, l’histoire de la révolution au Tcherkistan aidant, Romain peut passer pour un héros et ça l’aide à s’affirmer dans la vraie vie. au passage, il va aussi changer l’existence d’anna qui s’ennuie dans son couple et dans son quotidien. elle tombe sous le charme de ce «héros» qui la renvoie en plus à ses origines, à son identité slave...

Jouer sur ces registres multiples, qui sont un peu plus sombres et renvoient d’ailleurs à vos spectacles, j’ai l’impression que ça prend un peu plus de place à chaque film...

oui, SuPeRconDRiaQue est clairement plus proche de mon univers que les précédents. Je m’autorise à aller plus loin... la première explication, c’est que je ne suis plus sur scène depuis un bout de temps et que je n’y reviendrai pas avant fin 2016, début 2017. 

Ça me désespère mais c’est un mal nécessaire ! Quand j’ai fait la maison Du Bonheur les cH’TiS ou Rien à déclarer, je jouais encore régulièrement en spectacle mais là, je suis arrivé sur mon plateau avec une frustration. cela s’est traduit par un besoin viscéral de faire rire ! Je pense donc avoir été plus inventif et créatif que d’habitude. J’ai même parfois changé des choses pendant que je les tournais, comme la scène entre alice et moi lorsqu’elle veut ne plus me parler qu’en Tcherkistan. c’est la nuit avant le tournage que j’ai eu l’idée des noms de légumes, au point de réveiller mon chef déco pour qu’il me fabrique un bouquin avec les images et les traductions adéquates... Tout cela a d’ailleurs abouti à un scénario qui s’allongeait au fur et à mesure et nous avons tourné des choses que je n’ai pas gardées au final !

Sur la forme du film, il y a évidemment les scènes de pure comédie que vous maîtrisez depuis longtemps, mais là où le public ne vous attend peut-être pas, c’est dans les domaines du romantisme ou de l’action. Là-aussi, c’est extrêmement abouti au niveau de la mise en scène...

Je prends cela comme un vrai compliment et c’est vrai que SuPeRconDRiaQue est mon film de réalisateur le plus maitrisé. Le fameux film de la maturité sans doute !

Je voulais réussir à emmener mon personnage principal dans des situations qui le poussent à se transformer et cela passait par des genres cinématographiques différents. alors ça n’a pas été toujours simple : j’ai mis des mois par exemple à trouver la raison pour laquelle miroslav retourne dans son pays afin de sauver Romain.

il fallait déjà imaginer une rencontre qui tienne la route entre les deux... Pour les séquences plus spectaculaires, nous avons beaucoup travaillé en amont, notamment en «story-boardant» la séquence de l’attaque de la prison par exemple et en prenant bien garde à ne pas cadrer la porte qui est en dessous du mur que l’on escalade ! Tout ce qui a été tourné en Hongrie a nécessité des mois de repérages et de casting parce que je voulais des «gueules slaves»...

Ces scènes d’action, vous avez pris du plaisir tout simplement à les tourner ?
Ah oui, j’ai adoré. nous avons tourné ça sur une semaine avec deux nuits pour la prison. Ça se passe en fait dans un ancien abri anti-atomique construit à l’époque soviétique et dans une partie de Budapest, une incroyable ville dans la ville, uniquement constituée d’usines qui tournent 24h sur 24 ! Je dois rendre hommage au travail sur la lumière de Romain Winding, dont j’avais remarqué le travail sur les adieux  à la Reine de Benoit Jacquot, et qui a fait un travail magnifique.

Cette idée que le film va surprendre et peut- être aussi ceux qui ne sont généralement pas tendres avec vous, ça fait partie de l’excitation liée au projet ?

franchement, ce n’est pas la motivation principale ! J’ai fait ce film-là d’abord pour le public et tant mieux s’il est réussi... Vous savez, honnêtement, je n’ai jamais douté de mes capacités à réaliser, tout simplement parce que mes films marchent et pas seulement par chance ou par hasard ! faire un film, c’est une succession de choses très aléatoires auxquelles il faut ajouter l’expérience sûrement. une fois le film terminé, je le projette devant un vrai public en me cachant dans la salle et selon la façon dont ça réagit ou pas, je repars au montage pour améliorer les choses. c’est un réflexe d’homme de scène...

Puisque vous parlez du public, il y avait une gageure liée à ce projet : ne pas décevoir l’attente de vos retrouvailles avec Kad Merad à l’écran...

Bien sûr et je peux vous dire que ça a été de vraies retrouvailles. J’avais oublié à quel point c’était jubilatoire de jouer avec Kad et à quel point ça fonctionnait bien entre nous. c’est un excellent comédien et j’aime beaucoup le diriger et même le martyriser un peu.

Dès les premières scènes que nous avons tournées, j’ai ressenti cette complicité qui nous lie, c’était redevenu évident... alors il ne fallait pas tomber dans la redite mais se baser sur des personnages incarnés pour que cela fonctionne à nouveau à l’écran. Dimitri correspond à ce que kad est dans la vie... c’est pareil pour Judith el Zein, (norah son épouse dans le film), qui est une femme que j’adore et qui est d’une formidable justesse dans le film. leur couple fonctionne parfaitement et en tant que comédienne, elle parvient à distiller ce doute sur l’homosexualité latente de la relation entre Dimitri et Romain !

Autre élément essentiel de votre casting : Alice Pol. Elle joue Anna, la sœur de Dimitri, qui va tomber amoureuse de vous, pensant que vous êtes en fait Anton Miroslav, révolutionnaire en fuite...

on me dit en effet que l’histoire d’amour entre anna et Romain fonctionne vraiment bien : on y croit. mais ces scènes, qui marchaient parfaitement à l’écriture, sont également portées grâce au rire, déclenché avant ou après par alice Pol. elle a une capacité dingue à faire rire, avec ce côté réellement maladroit dans la vraie vie ! Je suis ravi d’avoir rencontré une actrice de son talent car la difficulté du film est qu’à un moment, notre duo prend le pas sur celui que nous formons avec Kad et il fallait qu’elle soit à la hauteur.

Si l’on parle aussi du personnage d’Anton Miroslav, je voudrais dire un mot de Jean-yves Berteloot, qui avait un peu peur du côté caricatural des choses au début. mais il a travaillé très dur, notamment sur l’accent de Miroslav, avec une Ukrainienne.

Le résultat est formidable et il parvient à lui donner de l’épaisseur... en plus on se ressemble beaucoup : nous sommes nés à quelques kilomètres l’un de l’autre et je vais d’ailleurs lancer des recherches génétiques dans ma propre famille !

Tous vos comédiens, du plus important au 3e rôle, insistent sur l’extrême attention que vous leur avez portée...
Simplement parce que c’est essentiel à mes yeux. Je trouve insupportable de voir des personnages moins incarnés ou moins importants être délaissés ou maltraités dans les films : ça me sort de l’histoire ! Je déteste les faire valoir au cinéma...

Pour terminer Dany, chacun de vos films, (grâce ou à cause du succès du précédent), est très attendu. C’est encore le cas de SUPERCONDRIAQUE. Est-ce que cela rajoute de la pression à la pression du projet ?

Je pars du principe qu’un film fait les entrées qu’il mérite ! celui-ci aura donc la vie qu’il doit avoir... cette pression dont vous parlez, je la connais depuis les cH’TiS mais cela ne m’a jamais empêché de me sentir

libre et heureux dans le travail. mon but principal c’est de faire rire les gens et de divertir mon public. Je le fais avec d’autant plus de sincérité que je pourrais arrêter de travailler ! Je suis dans l’envie, pas dans le besoin... le métier que je fais me passionne depuis toujours, quelle que soit l’échelle de ce que j’entreprends : un gros budget ou une équipe de 250 personnes ne change rien à l’affaire. ensuite, vient la critique et les critiques. Je respecte leur métier et leurs avis sauf quand ça dévie sur des choses plus personnelles ou sur des histoires d’argent. là, ça n’a tout simplement aucune raison d’être, ni d’importance sur le fond. Je peux entendre tout ce que l’on a à me dire sur un de mes films, au moins ça prouve qu’on s’y intéresse mais le plus important restera toujours la relation avec le public...

 

Vos réactions

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A voir aussi