Mon burn-out a duré 730 jours de Philippe Rossi

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Moi je Juif et croyant je croyais que Dieu m'avait abandonné

Depuis quelques semaines, vous avez vu passer beaucoup d’articles et de commentaires sur le burn-out (syndrome d’épuisement professionnel).

En effet, Benoit Hamon, le député PS des Yvelines et ex-ministre, veut faire reconnaître cette nouvelle pathologie comme maladie professionnelle, qui touche principalement les cadres mais aussi de nombreux salariés à qui l’on demande d’être toujours plus performants.

Pour moi, le burn-out c’était avant tout un ressenti, un état d’âme qui signifiait un ras-le bol, d’ailleurs beaucoup de personnes autour de moi utilisaient ce mot pour tout et n’importe quoi :

« j’en ai marre, j’ai trop de boulot, je fais un burn-out ».
En réalité, ce syndrome a pris tout son sens le jour où j’en ai été victime.
Permettez-moi de vous raconter ma descente aux enfers ; cela vous prendra quelques minutes et vous permettra peut-être de comprendre pourquoi l’amendement au projet de loi sur le dialogue social est nécessaire.

En tant que journaliste radio, mon quotidien était la réalisation de chroniques et la présentation des journaux de l’après-midi. Je n’ai pas pour habitude de compter mes heures car j’ai toujours voulu faire ce métier et que la passion qui m’animait restait toujours intacte mais il est vrai qu’objectivement j’avais des journées anormalement remplies et épuisantes.

En effet, à partir du mois de septembre 2012, j’ai tout à coup vu mes missions s’amplifier : de plus en plus de chroniques à préparer, des journaux à rédiger, des micros-trottoirs à réaliser, des heures d’antenne à assurer. En plus de cela, je devais faire face à une pression accrue de la hiérarchie, à une ambiance plus pesante et à un début d’isolement due à de nombreux licenciements.

La conséquence de cela : d’angoissantes insomnies.
J’avais plusieurs nuits blanches à mon actif et je carburais à la vitamine C pour pouvoir être en forme à la radio. Il m’arrivait parfois d’en prendre plusieurs grammes tellement j’étais fatigué, bref je me dopais pour ne pas faillir à mon rôle de journaliste.

Et puis, en ce 22 octobre 2012, j’ai vécu l’horreur ; je n’aurais jamais imaginé cela même dans mes pires cauchemars.
J’ai ouvert mon micro pour faire mon flash info et en direct à l’antenne, aucun mot n’est sorti. J’étais essoufflé, je perdais ma diction, je bafouillais, je suais.
Je me suis alors rendu en urgence chez un spécialiste et là le couperet est tombé : « Monsieur, vous faites un burn-out sévère ».

Me voilà en arrêt maladie pour quelques semaines… puis en arrêt longue maladie.

Mon état se dégradait de jour en jour. J’étais devenu un zombie, je n’avais plus la force de me lever, de me laver, je restais toute la journée sur mon canapé amorphe sans manger, épuisé, sans aucune énergie.
Je n’arrivais plus à lire, à écrire, je n’écoutais plus de musique, je n’arrivais plus à réfléchir, mon cerveau tournait au ralenti, je ne pensais plus.
Je n’avais plus d’avis, plus de vie, mes amis prenaient de mes nouvelles, m’appelaient ou m’envoyaient des sms, je les lisais mais je ne leur répondais pas.
Par honte, honte de ce que j’étais devenu.
Tout me paraissait insurmontable : par exemple, aller faire des courses au supermarché était une épreuve difficile équivalente pour moi à reconstruire le World Trade Center.

Les médecins étaient impuissants.
J’ai changé trois fois de traitement, je suis resté un mois enfermé à la clinique Jeanne d’Arc à St Mandé ; mon quotidien se résumait à des perfusions, et la nuit j’étais réveillé par des patients criant leur désespoir.
Mon état ne s’améliorait pas, je n’avais goût à rien.
Moi, juif, croyant et pratiquant, j’ai tout abandonné, plus de fêtes, plus de prières, je pensais que D. m’avait laissé à l’abandon alors pourquoi devrais-je le louer.

Chaque jour je voyais ma femme, celle que j’avais épousé quelques mois auparavant pour le meilleur et pour le pire, malheureuse comme les pierres, se demandant si un jour j’allais redevenir celui qu’elle avait connu et qu’elle avait aimé.
Elle a toujours été là, au front comme une guerrière, ne lâchant jamais les armes, elle me motivait, rien n’y faisait.

Cela a duré deux ans. 24 mois, 730 jours.

Aujourd’hui, je me suis presque totalement relevé.
J’ai à nouveau une énergie débordante, j’ai des projets, je me suis remis à lire, je me suis remis à me balader dans la rue avec de la musique dans les oreilles, mon cerveau tourne à vitesse normale, j’ai de nouveau des convictions, des opinions, j’ai repris contact avec certains amis. Mais pas tous, comment leur expliquer ce qui m’était arrivé ?
J’ai ainsi décidé de l’écrire et de le publier. Je sais qu’ils comprendront, ce sont mes amis après tout.
J’espère que vous aurez compris que le burn-out n’est pas qu’une expression.
Il existe, pourquoi le nier ? Il faut le combattre en le reconnaissant dans un premier temps, puis en le prévenant.
Merci du fond du cœur d’avoir pris le temps de me lire.
La vie est belle lorsqu’on est en bonne santé !

 

Philippe Rossi

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