
Iyad a grandi dans une ville arabe en Israël. A 16 ans, il intègre un prestigieux internat juif à Jérusalem. Il est le premier et seul Arabe à y être admis. Il est progressivement accepté par ses camarades mais n’a qu’un véritable ami, Yonatan, un garçon atteint d’une maladie héréditaire. Iyad se rapproche de la famille de Yonatan, apportant du courage et de la force à sa mère Edna.
Il devient vite le deuxième fils de la famille.
Il est le metteur en scène des Citronniers ou encore Le Voyage du directeur des ressources humaines, auquel, il avait accepté de répondre à nos questions. Pour son sixième long métrage le réalisateur israélien Eran Riklis décide de raconter l'histoire de son pays aux yeux d'un jeune palestinien, qui fera tout pour être accepter tantôt par son Université, que par sa famille d'accueil juive, dont la mère est interprétée admirablement par Yaël Abecassis, qui a accepté de répondre à nos questions. Interview.
Laurent Bartoleschi : Ça fait longtemps que l'on ne vous avez pas vu à l'affiche; et puis là, en deux mois, sortent pas moins de trois films: Rendez-vous à Atlit (de Shirel Amitay), Mon fils (d'Eran Riklis) et Loin de mon père (de Karen Hedaya, qui sortira le 25 février prochain). Pourquoi tant d'attente?
Yaël Abecassis: J'ai beaucoup de responsabilités. En tant que mère d'abord – j'ai deux enfants de 10 et 18ans. J'aime m'accorder de petites pauses pour pouvoir m'occuper d'eux et de les voir grandir. Ensuite, je prends le temps pour écouter les autres, notamment au sein de l'association de femmes battues (rouar nafchit) – esprits de femmes, dont je suis l'initiatrice. J'essaie de m'impliquer au maximum afin qu'elles puissent détenir une indépendance économique, qui est quelque chose de très compliqué. Puis, depuis trois ans, je produis des petits films de réalisateurs, bourrés de talents, qui ont du mal à exprimer leur voix. Les femmes surtout. Enfin, la dernière saison de Hatufim m'a épuisé. Aussi, j'ai pris la décision de me consacrer d'avantage à des rôles dont je ressens une profonde connexion. Que ces rôles m'aident à mieux me comprendre: mes racines, ma religion, mon identité.
L.B: Comment vous êtes-vous imprégnée du projet? Connaissiez-vous l'auteur des deux nouvelles («Les Arabes dansent aussi» et «La deuxième personne»), dont est tiré le film d'Eran Riklis?
Yaël Abecassis: Je lis régulièrement les articles de Sayed Kashua dans Haaretz. Il est mon lien avec un arabe israélien. Je pense que nous vivons trop dans un ghetto intellectuel ou sentimental. J'ai lu les deux livres de Sayed, bien avant qu'Eran ne m'appelle. C'est un écrivain au style que j'adore. Il prend la réalité et la change à sa manière en y incluant du comique et de la tragédie. C'est dans le deuxième que j'ai rencontré le rôle d'Edna. Je mourrai d'envie qu'un réalisateur m'appelle pour jouer cette femme si forte. Même si je savais qu'il s'agissait que d'un tout petit rôle, j'ai apporté tout ce que je pouvais ressentir en tant que femme et mère. Je pense de manière générale que la femme apporte beaucoup de solutions.
L.B: Le rôle que vous interprété est fort certes, mais l'on ne sait pas grand-chose de cette mère. Serait ce le choix du metteur en scène? Qu'en pensez-vous?
Yaël Abecassis: C'est quelque chose qui m'avait un peu contrarié – je pense que les hommes réalisateurs n'ont pas assez de cran pour aller jusqu'au bout des choses (c'est pour ça que je fais tout pour qu'on puisse voir davantage des réalisatrices): les femmes, notamment sur les écrans israéliens sont représentées telles des icônes. Tandis que les hommes symbolisent les lois, les guerres, la politique, la femme, elle, donne la vie à l'homme. Alors qu'elles peuvent jouer un rôle majeur dans le dialogue politique. Pour ce rôle, Eran a tenu à ce que je garde des distances. Que je sois comme une statue, où par conséquent les émotions devaient être camouflées. Alors, qu'au contraire, je pense qu'il aurait été judicieux de faire le contraire.
L.B: Le film débute au début des années 80, pour finir presqu'à nos jours. Vous qui aviez grandi en Israël, comment a-t-il évolué en 30 ans?
Yaël Abecassis: Aucune évolution. Il y a comme une totale stagnation. Ce si beau pays de presque 70 ans, jeune et fort de l'extérieur, et tout le contraire à l'intérieur. La population en souffre mais refuse de le reconnaitre. Il y a une réalité à comprendre et à admettre Israël. Il est surtout dépeint comme un pays complexe. Mais Israël est un pays à la fois généreux et hostile, ouvert et craintif, accueillant et indifférent à l’égard de sa minorité arabe. Comme le montre le film, on ne peut pas être manichéen, et la situation est très nuancée. Car pour chaque brute épaisse, on trouve un être bienveillant, pour chaque mère craintive – comme celle de Naomi –, on trouve une Edna, et pour chaque acte de violence, on trouve un acte de compassion. Mais, bien évidemment, Israël est constamment observé à la loupe en raison du poids de l’histoire, de la politique et de l’importance géopolitique de la région.
L.B: Iyad et Naomi tombent mutuellement amoureux l'un et l'autre. Ils vivent un amour proche que de celui de Roméo et Juliette. Comment sont perçus ces couples en Israël, car il y en a beaucoup?
Yaël Abecassis: J'ai envie de dire qu'il n'y en a pas assez. C'est très compliqué comme vous pouvez vous en douter. C'est l'histoire de la religion qui étouffe l'Amour de tous les côtés. Je pense justement que l'Amour doit l'emporter sur tout, mais on vit malheureusement au sein d'une société régit par des codes – c'est une stagnation douloureuse pour chacun où, à cause de cela, le pays ne peut avancer. Alors qu’on n’est jamais sûr de rien en Israël, et que tout peut basculer d’un moment à l’autre.
L.B: Sans dévoiler quoi que ce soit, on s'aperçoit que petit à petit, Iyad va prendre la place de son meilleur ami Yonathan. N'y aurait-il, chez certains palestiniens, le fantasme à vouloir devenir Israélien?
Yaël Abecassis: C'est dur de dire ça, mais il y a une grande part de vérité. A mes yeux la fin est tragique. Pourquoi? Iyad ne peut pas travailler en Israël parce qu'il est arabe. C'est scandaleux! Du coup, quelqu'un qui n'a pas à manger se comporte comme un animal. Si l'on me traitre comme un rat, je deviens rat. C'est une logique totalement personnelle. Manges, travailles et, quitte à mentir à la société, mens jusqu'à effacer ton identité, et par conséquent, tu percevras de l'amour. A mon avis, la panacée à tout cela, c'est l'Amour; et ainsi contourner les habitudes pour essayer d'y voir les choses plus claires. Qu'en pensez-vous?
Laurent Bartoleschi
pas mal !