
CHEMINI La mort de Nadab et Abihou
La succession assez aride des diverses catégories de sacrifices est interrompue par un épisode tragique: la faute et le châtiment des fils d'Aaron (Lév. 10).
Leur faute n'apparaît pas clairement dans le texte, on en veut pour preuve la multiplicité des causes précises du châtiment avancée par nos commentateurs, toutes étant en relation avec l'acte qu'ils accomplissaient: "ils mirent du feu - dans leur encensoir -... et offrient devant l'Eternel un feu étranger qu'il ne leur avait pas ordonné". La rigueur de la sanction qui s'abat sur les malheureux et ternit l'éclat de l'inauguration du sanctuaire ne peut que nous étonner et le commentaire de la tragédie par Moïse au malheureux père, Aaron, n'est pas fait pour répondre à nos questions: "C'est ce que l'Eternel a déclaré: Je serai sanctifié par ceux qui m'approchent"...
La fin tragique des deux fils d'Aaron est expliquée de façons divergentes suivant les divers midrachim se rapportant au texte. On peut se demander comment nos Sages peuvent trouver des causes aussi divergentes à la disparition des fils d'Aaron alors que le texte de la Torah indique que D.ieu les a frappés parce qu'ils avaient apporté un feu étranger, non ordonné par l'Eternel.
Par ailleurs, Nadav et Abihou sont présentés comme des personnalités d'une envergure morale exceptionnelle. C'est Moïse lui-même qui dit à Aaron: J'avais pensé que c'est toi-même ou moi qui pourrions constituer le modèle pour le peuple d'Israël, je constate qu'eux (Nadav et Abihou) sont plus grands que nous. Leur place, il est vrai les situe aussitôt après Moïse et Aaron, aussitôt avant les 70 anciens du peuple: "Moïse est monté, avec Aaron, Nadav et Abihou et 70 des anciens d'Israël (Chemot 24,9)
Très explicitement dans la Torah, Nadav et Abihou sont la première relation de Moïse, avant les sages, avant Israël.
Selon Nahmanide, ils ont cherché à lutter contre la rigueur de D.ieu "midta hadine". Mais à ce niveau, elle n'existe plus individuellement et ne fait qu'une avec la bonté.
Porter devant D.ieu vivant une problèmatique du bien et du mal qui n'a plus cours, c'est approcher un feu étranger. Il ne correspond à aucune décision collective: un malentendu s'est insinué entre D.ieu et Nadav et Abihou. A cause de leur attitude, un feu est sorti de devant D.ieu. Le feu qui les a dévorés les a englobés dans le feu d'En Haut. Ce n'est pas un feu destructeur, mais un feu d'amour.
Les âmes de Nadav et Abihou, parce qu'ils se trouvaient au-delà du bien et du mal, ce qui ne leur avait pas été demandé, ont été offertes sur l'autel d'En-Haut.
Leur âme, qui n'a pas été détruite - et d'ailleurs , aucune âme ne peut l'être - a été donnée à Pinhas et au prophète Elie.
Le verset qui leur est appliqué par la tradition est le suivant: "Rapprochez de moi mes hommes pieux qui concluent alliance avec Moi, au-delà de leur sacrifice" Rapprochez-les de moi, ne dites pas que c'est leur éloignement qui les consumés. Ils sont au-delà de la destruction, au-delà de l'angoisse de la présence du mal. Parce qu'ils ont choisi cette curiosité et cette initiative, ils se situent de toute éternité au-delà de toute petitesse.
Autre explication: 8 versets plus loin, la Torah nous donne la clef de cette mystérieuse énigme: "Distinguer entre le saint et le profane, le pur et l'impur" Précepte que, dans leur inexpérience, les infortunés fils d'Aaron avaient vraisemblablement négligé de respecter.
Les prêtres devaient se conformer aux lois qui faisaient d'eux des "hommes de sainteté" c'est-à-dire des hommes séparés de l'impurté, attachée à la condition humaine et plus proche de D.ieu.
Nadav et Abihou d'après certains commentateurs étaient ivres lorsqu'ils se sont approchés du sanctuaire.
Dans ces conditions ils commettaient une faute et portaient atteinte à l'image qu'ils représentaient auprès du peuple. Leur faute, pour de simples fidèles, devenait profanation du saint Nom vu leur fonction et les circonstances de leur égarement.
Péchaient-ils par excès ou par défaut de zèle ? Nous laissons là le débat ouvert par les maîtres de la synagogue sur ce point.
L'essentiel demeurant pour nous que nos maîtres ont envisagé que l'on pouvait commettre une profanation du nom divin non seulement par manque d'ardeur, mais aussi par un enthousiasme religieux dévoyé
Claude Layani
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