
VAYAKEL- PEKOUDE
La construction du Sanctuaire, oeuvre commune du peuple
Dans les lectures hebdomadaires de Terouma, Tetsavé et au début de Ki Tissa, l'Ecriture nous avait longuement présenté les matériaux et décrit les éléments du sanctuaire.
A la fin de cette énumération, elle avait souligné que le zèle et l'ardeur déployés lors de sa construction n'excluaient pas, bien au contraire, l'observance du repos sabbatique
Lorsque Moïse rassembla les Enfants d'Israël pour leur annoncer la construction du Tabernacle, il commença par leur rappeler l'obligation absolue de respecter le Chabbat.
Moïse tenait à leur préciser dès l'abord que, malgré l'importance que ce Tabernacle allait revêtir dans la vie du peuple juif, le Chabbat était plus précieux encore et qu'il ne saurait être question de transgresser le Chabbat pour construire le Tabernacle.
Abraham Heschel z'l' dans son livre "Les Bâtisseurs du Temps" explique de manière remarquable cette supériorité du Chabbat : le judaïsme dit-il, est une religion du temps qui cherche à sanctifier le temps, à l'inverse des autres religions qui sanctifient les lieux et de la civilisation technique qui veut dominer l'espace.
La Bible s'intéresse au temps plus qu'à l'espace car le but suprême de la vie ne doit pas être l'"avoir" mais l'"être". A. Heschel remarque que la première fois que la Torah a employé le mot "Kadoch", elle l'a fait à propos du temps, à propos du Chabbat, qui fut sanctifié par D.ieu.
Et ce n'est qu'après avoir fait le Veau d'Or, après que le peuple ait succombé à la tentation de servir un objet, que fut donné l'ordre d'édifier un Tabernacle, une sainteté dans l'espace. Le temps, dit encore A. Heschel, fut sanctifié par D.ieu: l'espace, le Tabernacle, fut consacré par Moïse.
La sanctification des objets est donc tout à fait secondaire par rapport à la sainteté du Chabbat. Si la sanctification du temps et de l'être va de soi dans le projet divin, il n'en va pas de même de la sanctification de l'espace. Comment fut-elle possible ? Grâce à l'élan de générosité du peuple d'Israël.
D.ieu avait dit "Parle aux enfants d'Israël, qu'ils prennent pour moi une Terouma, une offrande ; de la part de quiconque y sera porté par son coeur, vous prendrez mon offrande (Ex. 25,2). A cet appel le peuple d'Israël répond d'une manière enthousiaste: "Puis vinrent tous les hommes au coeur élevé, aux sentiments généreux... Hommes et femmes accourent...
Quiconque put prélever une offrande l'apporta... Toutes les femmes industrieuses filèrent elles-mêmes et apportèrent l'azur, le pourpre, l'écarlate et le lin" (Ex. 35, 21-29).
Au point que, fait exceptionnel, les résultats de la collecte dépassèrent les besoins et qu'il fallut à Moïse donner l'ordre d'arrêter les offrandes. Seule cette générosité a permis de donner de la sainteté à des objets: le mot employé par la Torah pour dire offrande est Terouma qui signifie élévation car par le fait d'offrir, l'homme s'élève et il sublime les choses du monde
Abordant la question du sanctuaire, Moïse dit: Prélevez de votre bien une offrande à l'Eternel, prenez de ce que vous possédez vous-mêmes "Ke'hou méite'hem" n'imposez pas injustement, arbitrairement votre frère, ne soyez pas généreux, charitable, au dépens de votre prochain. Que l'offrande faite à la chose sacrée soit pour chacun un sacrifice réel, personnel. Cette offrande doit aussi être un sacrifice volontaire, libre spontané.
D.ieu repousse tout sacrifice déposé sur son autel par l'orgueil, la contrainte, l'injustice.
Moïse avait parlé, et de suite tout le peuple, les hommes et les femmes , les vieillards et les jeunes gens, apportèrent tout ce qu'ils avaient de beau et précieux. Cependant tout à la fin: "Les notables du peuple apportèrent des pierres d'onyx et des pierres à enchâsser, pour l'éphod et pour le pectoral (30,27)".
Les chefs du peuple s'étaient-ils laissé distancer dans leur empressement à construire la maison de D.ieu par la masse de la communauté ? Une fois le tabernacle élevé, ils seront les premiers à y élever des sacrifices. Leur apparente passivité lors de l'érection du tabernacle a de quoi étonner. Les avis sont partagés.
Les uns leur en feront un titre de gloire..."la communauté d'Israël apportera son offrande son offrande et nous compléterons en ajoutant ce qui manquera, disent-ils. Quand les notables constatèrent que rien ne faisait défaut, ils dirent: "Que devons-nous faire ? et ils apportèrent les pierres précieuses (Sifri).
D'autres commentateurs sont au contraire faire grief aux princes de leur attitude. Blessés, de ce que Moïse ne se fût pas adressé à eux en particulier pour le choix des matériaux du sanctuaire, ils se singularisent et font attendre leur offrande.
Des particularités massorétiques vont appuyer cette opinion (le yod de nessim, vers 27 manque). Cet indice montrait la prédilection du Saint Béni soit-Il, pour que cette oeuvre collective soit faite en Son Nom, par l'ensemble de la communauté. Personne ne pouvant se vanter et exciter l'envie ou les rivalités.Une leçon magistrale pour les "bâtisseurs de synagogues"
Claude Layani
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