Otto Fischl a 13 ans lorsqu'il trouve refuge à Salles-d'Angles, petit village du canton de Segonzac blotti au milieu des vignes. Adolescent juif venu de Prague avec son frère et ses parents, il est accueilli en juillet 1942 par Joseph et Aneska Stacke, des compatriotes installés en Charente avec leurs six enfants.
Pour rendre hommage au courage de ses parents, deux étrangers qui n'ont pas hésité à cacher une famille juive pendant deux ans, Agnès Stacke a sorti de l'oubli et fait publier le journal intime d'Otto Fischl. «C'est mon père, un étranger émigré de Tchécoslovaquie qu'on regardait d'un mauvais œil, qui a pris ce risque», confie Agnès Stacke, visiblement émue par la sortie de ce livre témoignage. «L'histoire de ma famille en Charente est un peu douloureuse. Mes parents ont été victimes de la xénophobie tout au long de leur vie. Dans les années 50, on a refusé à deux reprises la nationalité française à mon père pourtant arrivé en France en 1918, déplore Agnès Stacke, désormais installée en Provence. Malheureusement, cette histoire est toujours d'actualité.»
Dans son journal, Otto Fischl, qui vit aujourd'hui en Australie, raconte avec humour la vie quotidienne tumultueuse de la maisonnée en Charente. Extrêmement curieux, il nourrit ses réflexions par de nombreuses lectures et par l'écoute des informations à la radio, sa seule fenêtre sur l'extérieur. Cloîtré pendant plus de deux ans à l'intérieur de la maison de Joseph Stacke, qui exerçait le commerce des antiquités, l'adolescent raconte qu'il devait se cacher lorsque le père recevait des visites. Dans ce petit village, le portail de la maison systématiquement fermé intriguait, malgré les vaines perquisitions. Seule une poignée de personnes - le maire, le curé et les religieuses - savaient.
Otto Fischl a confié son journal à Agnès Stacke il y a vingt ans. Il aura fallu toutes ces années pour qu'elle réussisse à le faire publier grâce à la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Au final, le lecteur a entre les mains un ouvrage de 380 pages agrémentées de photos d'époque et de reproductions des pages du manuscrit original. Le journal d'Otto Fischl est un document fort, qui pourrait particulièrement intéresser les jeunes qui étudient l'histoire de la Seconde Guerre mondiale.
«Otto Fischl. Mon journal. 19 octobre 1943-15 mars 1945» aux éditions Le Manuscrit; 25,90 €.
Vos réactions