
Tsahal repense son modèle : vers une refonte du service de réserve et du recrutement des ultra-orthodoxes
Une pression insoutenable : le service de réserve à bout de souffle
Depuis l’attaque du 7 octobre, l’armée israélienne est engagée dans une guerre de longue haleine sur plusieurs fronts. Dans ce contexte, le modèle de service de réserve de Tsahal, autrefois conçu comme un effort ponctuel, s’est transformé en engagement à durée indéterminée pour des dizaines de milliers de soldats citoyens.
« Le fardeau reste inchangé, mais la répartition doit changer », confie un haut responsable de la division des ressources humaines.
L’objectif ? Maintenir la charge annuelle à environ deux mois et demi de service par an, mais repenser son organisation pour alléger la pression continue.
Ce modèle, adopté à la hâte après le déclenchement de la guerre, montre déjà ses limites. Des voix s’élèvent sur le terrain. Commandants, soldats, conjoints, employeurs : tous s’interrogent sur la soutenabilité d’un système qui pèse autant sur les familles que sur l’économie nationale. Dans les rangs, les tensions sont palpables : « Gérer l’usure de nos soldats et leurs difficultés occupe déjà un tiers du temps du commandant de compagnie », déplore un chef de bataillon du Commandement Nord.
Un service de réserve fragmenté et à bout de souffle
Dans le système actuel, les réservistes sont mobilisés pour des périodes longues — jusqu’à 72 jours par an — mais non continues. En théorie, ces jours sont entrecoupés de permissions pour maintenir un semblant d’équilibre familial. En pratique, nombre de soldats passent une semaine chez eux, puis sont rappelés en urgence, dans un va-et-vient éreintant.
Un commandant témoigne : « Pendant ces longues journées à la maison, ils sont techniquement en service, mais ils ne sont ni totalement disponibles pour l’armée, ni réellement présents pour leur famille. »
La solution proposée par Tsahal ? Réduire la durée de chaque mobilisation à trois ou quatre semaines, tous les trois ou quatre mois. Cette réorganisation vise à permettre une meilleure concentration des forces, une séparation plus nette entre vie militaire et vie civile, et une efficacité accrue sur le terrain.
Mais le malaise est plus profond. Les tensions s’accumulent dans les foyers : « Nous avons des soldats qui ne traversent plus la frontière parce que leurs épouses menacent de divorcer. Nous les maintenons à l’arrière pour les missions logistiques. »
Une armée au bord de la rupture
Avant le 7 octobre, seuls les officiers supérieurs faisaient deux mois de réserve par an. Aujourd’hui, les commandants de compagnie et de bataillon en font trois ou quatre fois plus. « La majorité de notre temps se passe en uniforme, mais nous ne sommes pas des militaires de carrière », rappellent les officiers de réserve, épuisés.
Certains profitent encore du flou du système : ces longues périodes “à la maison” tout en étant en service permettent à quelques-uns de cumuler leur salaire civil et leur solde militaire. Mais cela devrait prendre fin avec la réforme.
Si le nouveau modèle est validé, les permissions « gratuites » seront réduites. La solde de fin de service sera maintenue, mais les soldats ne pourront plus gérer leur entreprise ou leur emploi en parallèle pendant leur service.
Et pendant que l’État verse des milliards en compensations aux soldats, leurs employeurs, eux, n’en voient pas la couleur. « Les entreprises, petites et grandes, souffrent. Nous avons vu des hôpitaux licencier des employés simplement parce qu’ils étaient réservistes », alerte un commandant. « Le système de primes ne couvre même pas la moitié des pertes. »
Le dilemme haredi : un fossé qui se creuse
En toile de fond de cette crise, la question explosive du service militaire des ultra-orthodoxes (Haredim) agite la société israélienne. Alors que des dizaines de milliers de soldats risquent leur vie et sacrifient leur quotidien, les yeshivot continuent d’échapper à la conscription.
Les partis haredi font pression pour obtenir une loi d’exemption formelle, provoquant la colère des familles de réservistes et fragilisant la coalition gouvernementale. La question n’est plus seulement militaire, mais profondément politique et morale : jusqu’à quand ceux qui donnent leur sang devront-ils le faire à la place de ceux qui prient ?
« L’État doit augmenter le nombre de conscrits issus des autres secteurs de la société. Nous manquons de plus de dix mille soldats tués ou blessés, sans compter ceux devenus inaptes à cause du traumatisme », déclare un haut gradé. Pour beaucoup, une seule réponse s’impose : prolonger le service obligatoire à trois ans et intégrer tous les citoyens dans l’effort national.
L’exemption militaire des ultra-orthodoxes : une menace pour la stabilité gouvernementale
La question de l’exemption militaire des juifs ultra-orthodoxes (Haredim) est devenue un point de tension majeur au sein de la coalition gouvernementale israélienne dirigée par le Premier ministre Benjamin Netanyahou.
Les partis ultra-orthodoxes, notamment le Shas et le Judaïsme unifié de la Torah (UTJ), ont menacé de se retirer de la coalition si une loi garantissant l’exemption du service militaire pour les étudiants des yeshivot n’était pas adoptée.
Cette exigence survient alors que la Cour suprême d’Israël a récemment statué que les exemptions généralisées étaient inconstitutionnelles, ordonnant la conscription des étudiants des yeshivot et suspendant les subventions aux institutions religieuses dont les étudiants ne servent pas dans l’armée .
Cette décision judiciaire a intensifié les tensions au sein de la coalition, mettant en péril sa stabilité. Les partis ultra-orthodoxes considèrent le service militaire comme une menace existentielle à leur mode de vie religieux, craignant que l’exposition à des environnements séculiers n’érode leurs valeurs traditionnelles. En réponse, des manifestations massives ont eu lieu, avec des slogans tels que « la Torah est notre armée » et des appels à la désobéissance civile.
La pression exercée par les partis ultra-orthodoxes pour légiférer en faveur de l’exemption met Netanyahou dans une position délicate. S’il cède à leurs demandes, il risque de s’aliéner d’autres membres de sa coalition et une grande partie de la population israélienne qui soutient une répartition équitable des obligations militaires. À l’inverse, s’il refuse, il pourrait perdre le soutien crucial des partis ultra-orthodoxes, entraînant potentiellement la chute de son gouvernement .
Cette crise souligne les défis persistants auxquels Israël est confronté pour équilibrer les exigences de la sécurité nationale avec les sensibilités religieuses, tout en maintenant la cohésion sociale et politique.
Des initiatives pour soulager les familles
Certaines brigades prennent les devants. La brigade Carmeli, composée de vétérans de Golani, a mis en place un système d’entraide pour soutenir les familles des réservistes : réparations de voitures, aide administrative, logistique domestique… Un modèle qui s’est vu attribuer une distinction par le commandement de la force terrestre.
« Même deux mois et demi, c’est trop », conclut un officier. Et la perspective d’un engagement prolongé, à Gaza ou au Nord, rend l’année 2025 encore plus lourde que les précédentes.
Une armée entre fidélité et fatigue
L’armée israélienne fait face à un dilemme existentiel : continuer à s’appuyer sur le sacrifice de ses réservistes ou réformer profondément son modèle de conscription et d’organisation. « Le système ne tiendra pas éternellement sans une répartition équitable de la charge », avertissent les commandants. Les mois à venir seront décisifs.
Alors que les avions de Tsahal frappent le Yémen, que les combats se poursuivent à Gaza et au Liban, une autre bataille se joue à l’intérieur même du pays : celle de l’équité, de la reconnaissance, et de la cohésion nationale.
🔥 Deux mois et demi par an sous les drapeaux : les soldats israéliens à bout, pendant que des dizaines de milliers de jeunes échappent à la conscription. Une réforme explosive en gestation.
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