
Répression numérique : Israël muscle sa guerre d’influence sur les réseaux sociaux
Une diplomatie numérique assumée
Depuis plusieurs mois, l’État hébreu déploie une stratégie numérique inédite par son ampleur et sa cohérence. Le gouvernement a choisi de répondre frontalement à ce qu’il appelle une « campagne de diabolisation » orchestrée contre Israël en ligne. Benjamin Netanyahu l’a rappelé lors de son passage à Washington en juillet dernier : « Une opération mondiale vise à salir Israël, à le présenter comme un paria. Nous combattrons cette entreprise par la vérité, par la diffusion de faits exacts ».
Ce discours ne relève pas du registre symbolique. Il accompagne un accroissement massif des moyens affectés à la communication publique. Le budget alloué à la « hasbara », la diplomatie d’images, a bondi à 150 millions de dollars pour l’année 2025, soit vingt fois plus que les années précédentes. Une véritable machine de persuasion s’est ainsi mise en branle pour tenter de redresser une image écornée, notamment sur les campus américains et au sein des jeunesses européennes.
Publicités massives et ciblage stratégique
Cette offensive numérique prend des formes multiples et souvent invisibles à l’œil nu. D’après les données analysées par le centre d’investigation Misbar, l’agence gouvernementale LAPAM a diffusé plus de 6 000 publicités sponsorisées entre janvier 2024 et juillet 2025 sur Google et Meta. Rien que pour l’année 2024, près de 2 000 annonces ont ciblé des publics étrangers, principalement en Allemagne et aux États-Unis.
Les thèmes mis en avant ne laissent aucune ambiguïté : justification des opérations militaires à Gaza, dénonciation du rôle de l’Iran, remise en cause de la légitimité des résolutions onusiennes. Chaque campagne est calibrée pour répondre à une polémique du moment et modeler le récit dominant dans les espaces numériques.
Les « MAGA influencers » invités à Jérusalem
Au-delà des campagnes institutionnelles, Israël mise aussi sur les relais individuels.
Le 14 août, une délégation de quinze influenceurs pro-Trump a été accueillie via la plateforme Israel365.
Ces figures du mouvement « Make America Great Again » ont multiplié les publications sur les réseaux : selfies devant le Mur des Lamentations, visites guidées de sites bibliques, hommages aux victimes des attentats.
Une mise en scène destinée à séduire l’électorat conservateur américain et à resserrer les liens avec l’aile trumpiste, au moment où l’opinion publique américaine s’éloigne d’Israël, notamment dans les franges progressistes.
Le récit contre la « colère globale »
La logique est claire : face à une hostilité croissante, en particulier sur les réseaux sociaux, Jérusalementend transformer la communication en champ de bataille stratégique. Chaque publicité, chaque post sponsorisé, chaque influenceur mobilisé vise à reprendre l’initiative, à contrer ce que les officiels nomment la « colère globale » contre Israël.
Pour les autorités israéliennes, il ne s’agit plus seulement de relations publiques mais bien d’un outil de sécurité nationale. Le budget colossal, l’internationalisation des campagnes et l’utilisation de relais politiques étrangers illustrent une conviction : sans maîtrise du récit numérique, la légitimité d’Israël vacille dans l’arène mondiale.
Une stratégie pérenne
Ces opérations ne sont pas un feu de paille. Elles annoncent une transformation durable : Israël considère désormais le cyber-espace comme un front à part entière, aux côtés des fronts militaire et diplomatique. En multipliant les leviers — financements publics, campagnes sponsorisées, mobilisation d’influenceurs, discours officiels — l’État hébreu assume sa volonté de dominer la narration.
La bataille des perceptions est engagée, et Israël choisit de l’affronter frontalement. Dans un monde où les images font autant que les armes, la guerre de l’opinion mondiale se mène désormais sur Facebook, Instagram, TikTok ou YouTube, avec une intensité et une discipline qui traduisent une certitude : pour Jérusalem, la survie passe aussi par la maîtrise du récit.
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