
🇮🇱 Israël vs 🇫🇷 France : deux visions opposées de l’éducation
Deux systèmes scolaires à l’image de leurs sociétés : centralisé contre communautaire
En France, l’éducation a longtemps été le domaine réservé d’une élite républicaine fondée sur le mérite, la compétition et la conformité. L’enseignement y est massivement centralisé, structuré par des programmes stricts, des évaluations normées et des classements. L’enfant est un élève avant d’être un individu.
En Israël, à l’inverse, le système est éclaté, diversifié, souvent localisé, avec une forte autonomie accordée aux écoles. Le pays compte quatre grands réseaux éducatifs : public laïc, religieux sioniste, haredi (ultra-orthodoxe) et arabe. Cela génère de profondes disparités, mais permet aussi des approches pédagogiques souvent plus humaines et adaptables.
En France : la peur comme moteur d’apprentissage ?
Longtemps, l’enseignement français s’est appuyé sur une pédagogie autoritaire.
La réussite scolaire était le fruit d’une sélection impitoyable, d’un langage de la sanction, du redoublement et du classement.
Il fallait “tenir sa classe”, “faire ses preuves”, “rentrer dans le moule”.
L’erreur y était stigmatisée, rarement perçue comme une étape nécessaire de l’apprentissage.
Cette logique a contribué à une atmosphère anxiogène pour les élèves les plus fragiles. Comme le résume la sociologue Marie Duru-Bellat : « En France, l’école aime l’excellence, mais pas la diversité. » Des phrases telles que « vous n’y arriverez jamais », ou « vous êtes trop lents », ont été le lot quotidien de nombreuses générations.
En Israël : encourager plutôt que punir
Le système éducatif israélien, bien que très exigeant sur les résultats en mathématiques, en sciences ou en hébreu, repose sur un discours profondément valorisant envers les élèves. Ici, l’encouragement est culturellement ancré, inspiré par les valeurs communautaires et le sionisme éducatif des débuts.
Il est fréquent d’entendre un enseignant dire à un élève en difficulté : « Tu n’es peut-être pas encore au niveau, mais tu vas y arriver. Ce qui compte, c’est de ne pas abandonner. »
On célèbre la participation avant la réussite : « Tu n’es pas arrivé premier ? L’important, c’est que tu as couru. L’année prochaine, tu courras plus vite. »
L’approche israélienne est donc moins rigide, parfois même désordonnée dans son organisation, mais elle repose sur une vision optimiste et bienveillante du potentiel de l’enfant.
La place de l’individu dans le groupe
En France, l’individu est évalué par rapport aux autres. Il doit faire mieux que ses camarades. L’éducation est compétitive, parfois élitiste. Même les outils numériques récents, comme Parcoursup ou la notation continue, perpétuent cette logique.
En Israël, l’enfant est vu comme un être en devenir, unique et perfectible. L’inclusion des enfants à besoins particuliers y est plus systématique. Un élève ayant des troubles d’apprentissage pourra bénéficier de l’aide d’un “méthapelet”, un assistant spécialisé financé par l’État ou par l’école.
L’implication parentale et l’éducation émotionnelle : un pilier israélien
En Israël, l’implication des parents dans la scolarité des enfants est souvent bien plus marquée qu’en France. Dans les écoles primaires, notamment dans les villes moyennes et les kibboutz, il n’est pas rare de voir les parents participer activement à la vie de l’établissement : accompagnement aux sorties, projets pédagogiques, rencontres fréquentes avec les enseignants.
Cette proximité crée une forme de cocon éducatif où l’enfant est vu comme un sujet global, et non comme un simple réceptacle de savoirs
Par ailleurs, de nombreuses écoles intègrent des modules d’éducation émotionnelle et sociale dès les petites classes, afin de favoriser la gestion des conflits et le développement de l’estime de soi.
Le poids des examens et les inégalités structurelles en France
En France, si l’Éducation nationale a tenté d’introduire des pédagogies alternatives et des dispositifs comme les conseils de vie collégienne ou les classes inclusives, l’ampleur du système freine les réformes profondes.
Le poids des concours, comme le baccalauréat ou les épreuves du Brevet, maintient une logique de performance très académique.
Pourtant, les récentes enquêtes PISA ont souligné une autre faiblesse française : le fossé grandissant entre les élèves issus de milieux favorisés et ceux issus de familles modestes.
En Israël aussi les écarts sociaux existent, mais la diversité culturelle du pays pousse les écoles à expérimenter des approches différenciées selon les publics, avec davantage de souplesse et d’ajustement local.
Mais tout n’est pas rose : le fléau du harcèlement scolaire en Israël aussi
Si le discours éducatif israélien est plus chaleureux, le harcèlement scolaire y est également un phénomène préoccupant. Selon une étude du ministère israélien de l’Éducation en 2022, près d’un élève sur trois affirme avoir été victime de harcèlement verbal, physique ou numérique.
Dans certains établissements, notamment dans les écoles haredies ou dans des zones en difficulté, les violences entre élèves sont parfois mal encadrées. Le manque de formation spécifique des enseignants à la gestion des conflits et du harcèlement est une faille notable.
Les réseaux sociaux aggravent ce phénomène. WhatsApp, Instagram ou TikTok sont devenus des vecteurs de moqueries, d’exclusions virtuelles et de campagnes de harcèlement. Les adolescents israéliens, tout comme les français, vivent sous pression : sociale, scolaire, identitaire.
Une relation différente à l’erreur et à la créativité
En Israël, on dit souvent que l’échec est une étape du succès. Cette philosophie imprègne les salles de classe : les élèves sont invités à prendre la parole, à débattre, à remettre en question. La parole est libre, parfois même au détriment de la discipline, mais toujours au service de l’apprentissage.
En France, l’école est encore largement perçue comme un lieu de savoir descendant, où l’on écoute plus qu’on ne parle, et où l’on apprend à réciter plus qu’à innover. Des efforts récents tentent d’inverser cette tendance, mais les freins culturels et institutionnels sont encore nombreux.
L’exemple de la Start-Up Nation : échec, innovation, résilience
Le modèle éducatif israélien reflète la culture entrepreneuriale du pays. À l’école comme dans les incubateurs, on valorise l’audace, l’essai, le droit à l’erreur. Cela donne des élèves qui, une fois adultes, osent créer, échouer, recommencer.
En France, l’échec reste un stigmate. Il est souvent perçu comme un défaut personnel plus que comme une étape d’apprentissage. C’est un poids qui bride l’innovation et l’expression de soi.
Deux modèles à confronter pour mieux apprendre ?
L’école française gagnerait à s’inspirer de la chaleur, de la flexibilité et de la foi en l’enfant qui caractérisent nombre d’écoles israéliennes. De leur côté, les établissements israéliens gagneraient à institutionnaliser davantage la lutte contre le harcèlement scolaire, à former les enseignants, et à structurer davantage certaines filières.
Un avenir éducatif plus harmonieux pourrait naître de la rencontre entre l’exigence française et la bienveillance israélienne, entre la rigueur républicaine et la souplesse communautaire. Apprendre à mieux éduquer, c’est peut-être aussi apprendre à écouter les enfants – au-delà des frontières.
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