Israël : Ils ont survécu au missile, mais l’État les abandonne, ils devront quitter leur hôtel le 13 juillet

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Israël : Ils ont survécu au missile, mais l’État les abandonne, ils devront quitter leur hôtel le 13 juillet

Les locataires de la tour Da Vinci à Tel-Aviv : un luxe pulvérisé, des familles abandonnées

Quand la sécurité s’effondre dans l’un des immeubles les plus prestigieux d’Israël

Le 13 juin 2025, en pleine nuit, un missile frappe de plein fouet la tour Da Vinci, symbole de standing au cœur de Tel-Aviv. Ce qui devait être un havre de paix devient un piège mortel. L’immeuble tremble sous l’impact. « Comme le Titanic », confie Shira Doshnitzky, mère de deux enfants, qui s’enferme alors dans la pièce de sécurité, persuadée que la fin est venue.

Avec son mari, Daniel, ils tentent de protéger leurs enfants, coincés dans ce qu’ils croyaient être une forteresse. La panique s’installe. L’immeuble s’effondre par pans entiers, les conduites d’eau explosent, la cage d’escalier est inondée, et les alarmes hurlent..

Cette nuit-là, elle serre ses deux enfants dans ses bras, convaincue qu’il s’agit de leur dernier souffle. « Nous nous sommes dit au revoir », confie-t-elle, encore bouleversée. Des explosions assourdissantes, une porte d’abri soufflée, des voisins coincés, des appels de détresse sur les groupes WhatsApp – le chaos est total.

Des familles expulsées avec leurs enfants et rien d’autre

Shira et son mari Daniel tentent de se frayer un chemin à travers les étages. « Nous sommes descendus dans l’escalier bondé, jusqu’à l’étage -6, puis remontés au 9e où se trouve la piscine qui relie les deux tours. »

Des soldats du Commandement du Front Intérieur lui demandent d’ouvrir une porte via reconnaissance faciale pour secourir des habitants dans l’autre tour, en feu. Elle essaie. En vain. « Ils m’ont dit de courir, car rester là était dangereux. »

Elle attrape ses enfants, ses clés de voiture et court, sans couches, ni biberons, ni même des chaussures pour certains voisins. Direction Herzliya, puis Jérusalem, chez sa mère. Deux semaines plus tard, aucun représentant de l’État ne l’a contactée. C’est en envoyant un message sur Facebook à la mairie de Tel-Aviv qu’elle obtient enfin un relogement temporaire dans un appart-hôtel rue Sheinkin.

Oubliés par le système

Mais très vite, le calvaire administratif commence. Personne ne semble s’occuper d’eux. « J’ai contacté la municipalité via Facebook, parce que nous n’étions pas dans les hôtels où les évacués sont officiellement recensés. »
Finalement, ils sont envoyés dans un appart’hôtel modeste de la rue Sheinkin. Sans poussette, sans jouets, sans affaires. « Ma fille, qui était propre depuis deux ans, recommence à faire pipi au lit. »

Et surtout, une échéance oppressante approche : le 13 juillet, ils devront quitter l’hôtel. « Au lieu de me concentrer sur mes enfants ou acheter des vêtements, je dois penser à ce que je ferai le 13 juillet. Est-ce normal ? L’État nous crache dessus. Les gens pensent qu’on sirote des mojitos au bord de la piscine… alors que l’hôtel n’en a même pas. »

Pourquoi doivent-ils quitter l’hôtel avant le 13 juillet ?

Le Fonds d’indemnisation précise que l’accueil en hôtel est limité à 30 jours, considérant cette solution comme transitoire. Passé ce délai, les familles doivent trouver un autre logement – même si leurs appartements sont toujours inhabitables et inaccessibles. Cette décision ne tient pas compte de la réalité du marché locatif, ni du traumatisme psychologique subi.

Une vie de location à 12 000 shekels par mois balayée en une seconde

Contrairement à une idée reçue, la majorité des habitants des tours Da Vinci ne sont pas propriétaires multimillionnaires. Près de 60 % sont des locataires – des familles avec enfants, des jeunes professionnels, des diplomates. Les loyers oscillent entre 10 000 et 12 000 shekels par mois, hors charges.

Aujourd’hui, ces mêmes locataires n’ont plus accès à leur domicile. Tous leurs effets sont coincés derrière des portes endommagées. Impossible de récupérer un lit, une poussette, un vêtement, un document. Et dans ce vide, l’État exige d’eux de trouver un appartement de substitution.

Des témoignages glaçants

Erez Vega-Kadosh, 38 ans, vivait avec sa femme dans un quatre pièces du huitième étage. « Notre immeuble a été le premier touché. L’explosion était violente, l’électricité a sauté, la pièce de sécurité s’est embrasée. Toute notre maison s’est effondrée. Nous avons attendu 45 minutes les secours, la peur que l’immeuble s’écroule avec nous. » Ils seront hospitalisés pour inhalation de fumée.

Sahar Prozi, 29 ans, habitait au 21e étage. Il raconte l’impact soudain, la pièce de sécurité enfumée, un ami qui s’évanouit, une crise de panique, l’hôpital, une perfusion, puis l’hôtel.
« J’ai perdu du matériel de travail, des contrats d’événementiel. Et aucune indemnisation n’est prévue pour ça. »

Le marché immobilier flambe : quand l’offre se raréfie et les ambassades surenchérissent

Depuis le 12 juin, la demande explose. Chaque appartement vacant est pris d’assaut. Le prix d’un trois-pièces meublé a grimpé jusqu’à 18 000 shekels. Certains propriétaires ont préféré louer à des ambassades étrangères, prêtes à surenchérir à 15 000 shekels au lieu des 12 000 proposés initialement par les familles.

Un système de remboursement flou et bloqué

Les autorités fiscales israéliennes promettent que les loyers de remplacement seront entièrement remboursés, même au-delà du loyer précédent, à condition que :

  • le bien loué soit de standing équivalent,

  • situé dans le même quartier,

  • et que le loyer de l’appartement sinistré continue d’être payé.

Mais dans la pratique, de nombreux locataires attendent depuis plus d’une semaine une validation de contrat, sans réponse. Les propriétaires n’attendent pas, et préfèrent louer à ceux qui payent comptant.

La solution alternative de la direction de la tour : un piège ?

Une gestionnaire, élue par les copropriétaires, propose une autre voie : signer un accord collectif avec le fisc pour encadrer les indemnisations. Ce plan plafonne les remboursements entre 12 000 et 65 000 shekels, selon la taille de l’appartement.

Problème : ces sommes sont nettement inférieures aux loyers réels du marché actuel, surtout pour les appartements meublés. « Montrez-moi un trois-pièces meublé à 12 000 shekels dans ce quartier », s’indigne Shira.

Des locataires accusent des pressions pour signer

Erez Vega-Kadosh et d’autres habitants dénoncent un forcing pour faire passer ce plan. « On nous dit que nous ne devons plus parler au fisc directement, mais passer uniquement par la gestionnaire. C’est une confiscation de nos droits. »

Sahar Prozi, qui vit à l’hôtel Bobo Rothschild, confirme. « Je me suis retrouvé seul, sans vêtements, sans ordinateur, sans outils. J’ai perdu des contrats. Personne ne propose d’aide aux indépendants. »

L’administration fiscale se défend : pas de plafonds, pas d’obligations

Dans un communiqué, le service des impôts fonciers précise qu’il n’impose aucun plafond à l’indemnisation des loyers, tant que les conditions (standing, emplacement, loyer payé) sont remplies. Il reconnaît que certains formulaires sont ambigus et promet de les clarifier.

Quant à la relation avec la gestionnaire, il affirme qu’elle n’a aucun rôle officiel et que les locataires peuvent négocier individuellement.

La municipalité affirme son soutien… mais reporte sur l’État

La ville de Tel-Aviv-Jaffa assure avoir :

  • mis en place une cellule de crise dans chaque site touché,

  • distribué des vêtements, médicaments, aides sociales,

  • versé la subvention Smotrich à 2 000 personnes évacuées,

  • et mis en place une hotline dédiée.

Elle précise qu’elle suivra toute décision de l’État concernant la prolongation des hébergements hôteliers, mais n’a pas la main sur le calendrier d’évacuation du 13 juillet.

Un luxe effondré, des familles jetées dans le flou

Ce ne sont pas des caprices de privilégiés. Ce sont des mères qui n’ont plus de poussette. Des enfants sans lit. Des travailleurs indépendants ruinés. Et des familles à qui l’on donne une semaine pour se débrouiller dans une ville où les loyers ont triplé.

« Nous avons survécu au missile. Mais l’administration est en train de nous briser », conclut Shira.

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