De Tel-Aviv à Degania : la fille du Nanuchka ouvre un bar cacher dans un kibboutz

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De Tel-Aviv à Degania : la fille du Nanuchka ouvre un bar cacher dans un kibboutz

« Je ne voulais pas être restauratrice comme mes parents, mais ça me brûlait »

Fille de Nana Schreier et Golan Dor, icônes de la vie nocturne et de la gastronomie à Tel-Aviv, Eden Schreier Dor a grandi entre les murs du mythique Nanuchka, bercée par les parfums de cuisine géorgienne et les éclats de fête. Mais à 25 ans, elle opère un virage à 360 degrés : loin du tumulte urbain, c’est dans le calme d’un kibboutz du nord d’Israël qu’elle ouvre son propre établissement — un bar… cacher. Une décision radicale pour celle qui a été exposée dès l’enfance à l’excès, et qui choisit aujourd’hui l’équilibre, la nature, et la transmission.

Du cœur battant de Tel-Aviv à la sérénité de Degania : l’odyssée intime d’Eden Schreier Dor

Tel Aviv, capitale de la fête et des projecteurs, a vu naître Eden Schreier Dor. Mais c’est dans le calme d’un kibboutz du Nord qu’elle a choisi de réinventer sa vie, loin de l’héritage familial et pourtant en lien profond avec lui. À 25 ans, la fille de Nana Schreier et de Golan Dor, figures incontournables de la scène gastronomique et nocturne israélienne, a ouvert un bar caché dans les plis paisibles du kibboutz Degania Alef. Un virage radical, presque une fuite, après avoir grandi dans les restaurants mythiques que furent le Nana Bar et Nanuchka, hauts lieux de la vie urbaine.

C’est pieds nus, sans maquillage ni talons, qu’Eden nous accueille. Elle a troqué les bruits saturés de Tel-Aviv contre le chant du vent dans les arbres. Elle parle d’une voix douce, mais sûre, de cette métamorphose. D’un corps à l’autre : celui d’une enfant de la nuit, devenue femme du jour.

« Le jour où Nanuchka a fermé était un jour heureux »

Eden a longtemps vécu dans l’ombre de ses parents. Son enfance s’est déroulée entre les tables, les assiettes, les effluves d’alcool et les clients bruyants. « Enfant, ça me dérangeait d’être assise au restaurant et de voir à chaque instant des gens s’approcher de mes parents pour leur parler. Ça m’agaçait, car j’avais l’impression qu’ils étaient à moi. » L’intimité familiale, sans cesse interrompue, lui échappait.

Le 7 octobre, alors que le pays vacille, elle quitte la ville pour l’Arava. « J’ai eu une puberté précoce et j’ai été exposée très jeune à la vie nocturne, à toute la sordide vie nocturne de Tel-Aviv. J’avais constamment mal à la tête, à cause de mes vêtements, de mon apparence et de ce que les gens pensaient de moi. » Elle s’installe à Tzofer, un petit point sur la carte, y travaille dans un hôtel de bien-être. « Cet endroit était sans jugement. Cette année a été une véritable guérison pour moi. »

Une enfance livrée aux adultes

Son éveil fut brutal, précoce. « La puberté précoce m’a permis de savoir qui a raison et qui a tort, qui est un pervers qui dépasse les bornes et qui ne l’est pas. Heureusement, j’avais une si bonne communication avec ma mère que je lui racontais toujours tout. » Ce lien avec Nana, mère souvent absente, mais pilier moral et émotionnel, s’est tissé malgré les absences. Eden en garde une tendresse pudique, un respect intact.

À Tel-Aviv, la mélancolie faisait partie du décor. « Eden autrefois était pessimiste et triste, une fille mélancolique. À Tel-Aviv, être mélancolique est cool et artistique. J’appréciais la tristesse jusqu’à ce que je découvre que ce qui attire les gens vers vous, c’est l’énergie positive. » Son cheminement personnel est allé de pair avec un rejet croissant du regard des autres.

De Neve Tzedek à Jaffa, puis au Nord

Née à Neve Tzedek, Eden a vu son quartier se transformer sous ses yeux. « J’ai l’impression que Neve Tzedek a été détruit… De nombreux résidents étrangers ont investi le quartier. Il est devenu commercial. Jaffa est bien plus agréable aujourd’hui. » Cette rupture géographique l’accompagne vers un Nord plus lent, plus simple, plus vrai. Elle s’installe à Degania, avec en tête une idée fixe : ouvrir un lieu à son image.

Le bar Ria, reflet d’un héritage maîtrisé

Elle ouvre le bar « Ria », avec le soutien de ses parents. « Une mère pour l’inspiration, un père pour le design », dit-elle. Et elle ? Elle est partout : serveuse, gérante, maîtresse des lieux. « Pourquoi bloquer la moitié des gens ? », ajoute-t-elle, en expliquant pourquoi elle a choisi de rendre l’endroit cachère.

La restauration, Eden l’a apprise de l’intérieur, à la dure. À 16 ans, elle commence chez un glacier. À 17, elle quitte l’école pour travailler chez Eyal Shani, puis chez Israel Aharoni, à Sheena, à Nahalat Binyamin, au Mirage. Elle connaît tous les postes, de la plonge au management. « Ma génération ne sait plus qui étaient mes parents, mais la génération de leurs parents sait exactement. Je n’ai jamais aimé dire que j’étais leur fille. »

Mais aujourd’hui, elle assume. Dans l’Arava, elle a fini par dire qui elle était. « J’avais déjà fait un service et je leur avais fièrement annoncé qui étaient mes parents. C’est après avoir réalisé que j’étais une professionnelle à part entière. »

Silencieuse, mais intraitable

Elle raconte avoir su repousser les gestes déplacés. « Quand un pervers arrivait, je réagissais avec assurance, mais avec un silence exemplaire. Je disais : “Hé, tu embêtes les filles, j’aimerais que tu t’en ailles.” » Elle évoque avec humour son « côté mi-yéménite, mi-marocain », une force tranquille qu’elle canalise dans l’accueil et la gestion.

Et Nana ? Et Golan ?

Concernant ses parents « Ils ont connu une vie meilleure », dit-elle en souriant. Nana voyage, apprend, se consacre à elle-même. Golan élève des chèvres et gère des chambres d’hôtes dans le Nord. Lors d’un épisode de l’émission « Connected », Nana, sa mère  découvre même qu’elle est enceinte. Eden, de son côté, est la sœur aînée de deux jeunes filles, Emily, 15 ans, et Adèle, 8 ans.

Une fratrie tardive mais précieuse

« L’écart est grand : 11 ans avec Emily et 16 avec Adèle, mais j’ai l’impression qu’elles ont donné un sens à ma vie. » Elle se souvient des jalousies enfantines, de l’exclusivité perdue, mais aussi de la tendresse retrouvée. « Aujourd’hui, je comprends que la famille, c’est ce qu’il y a de plus amusant. »

D’Eden la nocturne à Eden la lumineuse, il n’y avait qu’un désert à traverser. Et une jeunesse à transfigurer.

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