Comment le grand Rav d'Israël Meïr Lau fut sauvé de la Shoa

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« Qui sauve une vie, sauve l’humanité toute entière »

En 1942, Fiodor Mikhaïlitchenko, originaire de Rostov-sur-le-Don (1 000 kilomètres au sud de Moscou) et alors âgé de quinze ans, fut envoyé en Allemagne en tant que travailleur forcé. Malgré son jeune âge, il commença à y mener une activité antinazie et se vit envoyé au camp de concentration de Buchenwald.

Deux ans après, Iourtchik, un jeune garçon juif âgé de sept ans et originaire de Pologne, arriva à Buchenwald. Or, sans la défense de Fiodor, il n’aurait pas survécu.

Ce dernier prit en effet Iourtchik sous son aile : il le protégea, vola des patates dans la cuisine pour le nourrir, et lui confectionna des vêtements à partir du tissu des vêtements de prisonniers morts.

Mais après la libération du camp, ils perdirent tout lien : Fiodor retourna à Rostov-sur-le-Don, quant à Iourtchik, il retrouva son frère et fut ensuite emmené en Israël.

Comment Yisrael Meir Lau  fut sauvé de la Shoa

Comment Yisrael Meir Lau fut sauvé de la Shoa

Le petit garçon sauvé devint par la suite grand rabbin ashkénaze d’Israël et grand rabbin de Tel Aviv.

Il n’oublia jamais son sauveur et essaya de le retrouver. Israel Meir Lau (dit Iourtchik) retrouva finalement la trace de Fiodor quelques années seulement après sa mort, en 1993.

En 2009, Fiodor reçut le titre de « Juste parmi les nations ». Lau se rendit à la cérémonie et dit aux deux filles de Fiodor : « Maintenant son nom est honoré par l’humanité tout entière ».

 Ces «Schindler» russes ayant risqué leur vie pour sauver des juifs durant la Shoah

Sainte Marie de Paris

Élisabeth (Marie) Skobtsova eut une vie dure mais en même temps extraordinaire. Cette femme formidable était en effet écrivain, poète, politicienne et publiciste.

Élisabeth (Marie) Skobtsova

Élisabeth (Marie) Skobtsova

Malgré le fait qu’elle ait mal accueilli la Révolution bolchévique, elle accepta tout de même d’occuper le poste de députée de la ville d’Anapa (1 400 kilomètres au sud de Moscou). C’est comme ça qu’Élisabeth pensait protéger le peuple de l’oppression communiste. Après avoir quitté son poste, elle mena ensuite une lutte clandestine contre les règles établies par le régime.

N’entrevoyant aucune perspective dans son propre pays, elle émigra cependant à Paris en 1924. Elle prononça alors ses vœux, devint religieuse et prit le nom de Marie. C’est dans la capitale française qu’elle connut les horreurs de l’Holocauste.

Durant l’occupation nazie, Marie ouvrit un refuge à destination des nécessiteux. Elle y cachait des juifs et leur délivrait des certificats de baptême, qui leur sauvaient parfois la vie. Un jour, Marie sauva même quatre enfants d’Auschwitz en les cachant dans des poubelles.

En 1943, elle fut toutefois arrêtée et envoyée au camp de concentration de Ravensbrück. Elle continua à aider des personnes en échangeant avec eux, quelles que soient leurs opinions politiques et leur religion.

« Ces échanges nous sortaient de notre enfer. Ils nous aidaient à retrouver notre force mentale jusque-là détruite et ravivaient nos idées éteintes par l’horreur qu’on vivait », rapporte Jacqueline Piery, une survivante du camp.

Marie Skobtsova fut exécutée dans une chambre à gaz en 1945, une semaine avant la libération du camp par les troupes soviétiques.

En 1985, Mère Marie reçut le titre de « Juste parmi les nations ». Dix-neuf ans plus tard, elle fut canonisée par le patriarcat œcuménique de Constantinople.

« Notre Moïse »

Nikolaï Kisseliov était simple soldat au début de la Seconde Guerre mondiale. Durant les premiers mois du conflit, sa division fut encerclée et il fut lui-même fait prisonnier. Il réussit néanmoins à fuir puis à rejoindre une unité partisane connue sous le nom de Justicier, qui opérait en Biélorussie.

Photo d'archives

Au cours de l’été 1942, Nikolaï reçut l’ordre de sauver un groupe de 270 juifs, principalement des femmes, des enfants et des vieillards, en les déportant vers le front soviétique à 1 500 kilomètres. Il s’agissait des seuls survivants des 5 000 juifs habitant le village de Daŭhinava (au nord de Minsk, en Biélorussie, ndlr) avant la guerre.

Accompagné de six partisans armés, Kisseliov entama alors un rude périple, traversant forêts et marécages, esquivant les nazis et les embuches de l’ennemi, et souffrant de faim et de fatigue.

En s’approchant des lignes du front, le chemin devint plus périlleux. Bertha, une petite fille de trois ans, pleurait tout le temps et risquait d’attirer l’attention de l’ennemi. Ses parents étaient tellement désemparés que l’idée leur vint de l’abandonner pour sauver le reste du groupe. Bertha fut néanmoins sauvée par Nikolaï, qui la prit dans ses bras et la calma.

En octobre 1942, après trois mois de marche, le groupe mourant de fatigue parvint à rejoindre les troupes soviétiques. Des 270 personnes ayant débuté le trajet à Daŭhinava en août, 218 furent sauvés par Nikolaï Kisseliov.

Kisseliov survécut à la guerre et mourut en 1974. 31 ans après, il reçut le titre de « Juste parmi les nations ». Plus encore, 3 000 descendants des 218 survivants continuent à honorer sa mémoire et l’appelle « notre Moïse ».

La Russie marque le 70ème anniversaire de la libération du camp de concentration d’Auschwitz : le 27 janvier 1945, l’Armée soviétique, sous le commandement du maréchal Ivan Konev, libérait Auschwitz, le plus grand camp de concentration et d’extermination du Troisième Reich. RBTH publie des témoignages.

Les prisonniers d’Auschwitz ont été libérés par quatre divisions d’infanterie de l’Armée Rouge. L’offensive était menée par les 107ème et 100ème divisions. Dans cette dernière se trouvait le commandant Anatoli Chapiro, dont le détachement est arrivé le premier aux portes du camp. Ilraconte :

Dans l’après-midi, nous sommes entrés dans l’enceinte du camp, nous avons emprunté la porte principale portant l’inscription « Arbeit macht frei » (Le travail rend libre). Il était impossible de pénétrer dans les baraques sans masque respiratoire. Des cadavres gisaient sur des châlits à deux étages. On voyait sortir de temps à autre des couchettes un squelette à demi-vivant qui jurait qu’il n’est pas juif. Personne ne croyait à une possible libération.

Il restait alors environ 7 000 détenus dans le camp, dont la prisonnière N74233 (le nom n’a pas été établi) :

J’ai vu tout à coup sur la route près du camp des silhouettes vêtues de blanc et de gris. Il était environ 17h00. Nous avons pensé qu’il s’agissait de prisonniers qui rentraient. Je suis sortie de la pharmacie pour voir qui c’était. Un vrai bonheur nous a envahis quand nous avons vu des éclaireurs soviétiques.

On n’en finissait pas de les saluer et de les embrasser. Ils nous disaient de partir, nous expliquaient qu’il ne fallait pas rester ici tant que l’ennemi n’était pas localisé. On reculait, mais après avoir fait quelques pas, on revenait.

Le général de division Vassili Petrenko, qui était en 1945 commandant de la 107ème division d’infanterie, est entré dans le camp peu après Anatoli Chapiro. Il évoque ce moment dans ses mémoires intitulées Avant et après Auschwitz :

Les nazis ont emmené le 18 janvier tous ceux qui pouvaient marcher et ont abandonné les malades et les faibles. Nous avons su que le nombre de prisonniers dépassait 10 000. Ceux qui pouvaient marcher – ils étaient peu nombreux – ont pris la fuite quand notre armée s’est approchée du camp.

Nos troupes ont dirigé dans le camp les unités sanitaires des 108ème, 322ème et 107ème (la mienne) divisions. Les bataillons sanitaires de ces trois divisions ont déployé des bains, selon un ordre dans l’armée. L’alimentation était organisée également par ces divisions, avec des cuisines de campagne.

Le commandant de compagnie Vassili Gromadski a été lui aussi l’un des premiers à pénétrer dans « le camp de la mort » :

Les portes étaient verrouillées. Je ne sais même pas si c’était l’entrée principale ou une autre. J’ai donné l’ordre de casser le verrou. Il n’y avait personne. Nous avons marché sur environ deux cents mètres et nous avons vu des prisonniers : environ 300 personnes en vêtements rayés. Nous restions sur nos gardes, car nous étions prévenus que les Allemands enfilaient de tels vêtements.

Mais c’était vraiment des détenus. Ils pleuraient et nous serraient contre eux. Ils parlaient de l’extermination de millions de personnes. Je m’en souviens encore : ils nous ont dit que les poussettes à elles seules avaient formé tout un convoi de douze wagons.

Ivan Martynouchkine avait 21 ans en 1945. Il était lieutenant-chef et commandait une compagnie de mitrailleuses de la 322ème division d’infanterie. Il a découvert au dernier moment qu’il avait été envoyé libérer un camp de concentration :

Ma compagnie est arrivée à un portail, mais la nuit étant tombée, nous avons décidé de ne pas entrer. Nous avons occupé le poste de garde situé en dehors du camp. Il y faisait très chaud, nous avons même pensé que les Allemands avaient préparé le bâtiment pour eux.

Le lendemain, nous avons commencé le nettoyage. Il y avait un grand village, Brzezinka (Birkenau en allemand), avec de solides maisons en pierre. À peine entrés, nous sommes devenus la cible de tirs depuis l’un des bâtiments. Nous nous sommes planqués et nous avons pris contact avec le commandement pour demander une frappe d’artillerie, afin que l’on puisse continuer notre chemin.

À notre grande surprise, on nous a répondu qu’il n’était pas question d’employer l’artillerie parce qu’il y avait dans le secteur un camp de prisonniers et qu’il était indispensable d’éviter tout échange de tirs. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous avons réalisé ce qu’était le portail.

Les militaires entrés dans le camp ont été suivis de reporters, ceux du journal de division de la 38ème armée, Oucher Margoulis et Guennadi Savine. Voici leurs témoignages :

Nous sommes entrés dans un bâtiment en pierre et nous avons jeté un coup d’œil aux compartiments dont les portes n’étaient pas fermées. Nous avons vu dans le premier un tas de vêtements pour enfants : des petits manteaux, des pantalons, des vestes et des blouses, souvent tachés de sang. Un autre était rempli de caisses pleines de bridges et de couronnes en or. Un troisième contenait des caisses avec des cheveux des prisonnières.

Enfin, une femme [détenue du camp, ndlr] nous a fait entrer dans un compartiment avec d’élégants sacs à main, des abat-jours, des portefeuilles et d’autres articles en cuir. « C’est en peau d’homme », a-t-elle précisé.

Une fois Auschwitz libéré, un nouvel officier a été nommé chef du commandement de la ville. C’est Grigori Yelissavetinski, qui écrit à sa femme le 4 février 1945 :

Il y a dans le camp une baraque d’enfants où sont rassemblés des petits Juifs de différents âges (notamment des jumeaux). Ils servaient de cobayes humains pour des expériences. J’ai vu un garçon de 14 ans à qui du kérosène avait été injecté dans les veines à des fins « scientifiques ». Plus tard on lui a coupé un morceau de chair pour l’envoyer dans un laboratoire de Berlin et on lui en a greffé un autre.

Il se trouve actuellement à l’hôpital, tout couvert de plaies purulentes, et il est impossible de faire quoi que ce soit pour lui. Une jeune fille très belle, mais aliénée, se promène dans le camp. Je m’étonne que tous ces gens ne soient pas devenus fous.

Entretemps, les libérés qui ont réussi à reprendre des forces et à marcher pour quitter eux-mêmes Auschwitz. Témoignage du N74233 :

Le 5 février, nous sommes partis en direction de Cracovie. D’un côté de la route, on voyait d’énormes usines construites par les prisonniers morts depuis longtemps d’un travail accablant. De l’autre, il y avait aussi un vaste camp. Nous y sommes entrés et nous y avons trouvé des malades qui, tout comme nous, ne sont restés vivants que parce qu’ils n’étaient pas partis avec les Allemands le 18 janvier.

Nous avons poursuivi notre chemin. Nous avons longtemps défilé le long de câbles électriques suspendus à des poteaux de pierre, symboles de l’esclavage et de la mort. Il nous semblait qu’on n’arriverait jamais à sortir. Mais le camp s’est terminé et nous sommes entrés dans le village de Vlosenjuszcza. Nous y avons passé la nuit et le lendemain, le 6 février, nous avons poursuivi notre chemin. Une voiture nous a emmenés à Cracovie.

Nous sommes libres, mais nous ne savons pas encore nous réjouir. Nous avons trop enduré et perdu trop de compagnons.

L’article est basé sur des documents de la Fondation russe Holocauste, les mémoires de V.Petrenko « Avant et après Auschwitz », « J’ai vécu Auschwitz » de K. Jivoulskaya et « Le Livre noir » de V. Grossman et I. Ehrenbourg

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Ces Russes qui ont sauvé des Juifs

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