Auteure israélienne : Les vies doubles par Zeruya Shalev

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Auteure israélienne : Les vies doubles par Zeruya Shalev

Les vies doubles par Zeruya Shalev

Zeruya Shalev, "Stupeur", Trad. de l'hébreu par Laurence Sendrowicz, Collection Du monde entier, Gallimard, 2023, 368 p..

Zeruya Shalev est née au kibboutz Kinneret et a grandi à Bet Berl, près de Kfar Saba, avant de venir étudier la Bible à l’université hébraïque de Jérusalem. Sa famille compte plusieurs écrivains et elle a baigné dans une atmosphère où la littérature était valorisée au plus haut point.

Son écriture porte la marque  d'un  rythme des phrases qu'il n'est pas facile  forcément traduire. Toutefois Laurence Sendrowicz dans sa traduction épouse cette musique dans ce récit de transmission. Atara l'héroïne auprès de  son père mourant,  y recueille ses propos un peu confus. Il la  prénomme soudain Rachel comme  sa mystérieuse première épouse et il s’adresse à elle par une vibrante déclaration d’amour.

La  fille va retrouver sa trace. Et cette femme âgée est confrontée alors à un douloureux passé dans la lutte armée clandestine. Elle n’a rien oublié de ces années de résistance contre les Anglais, avant la fondation de l’État d’Israël. Elle n'a pas plus perdu le prénom Atara de celle qui aujourd’hui se présente à elle. Mais de qui celle-ci Atara porte-t-elle le nom ?  Et c'est là que tout se joue au moment où cette  rencontre bouleverse de façon  leur existence et lie leur destin.

Une nouvelle fois Zeruya Shalev montre comment l’histoire collective d’une société  bouscule les liens privés. L'auteur nr cesse d'interroger la parentalité, le couple, mais aussi la culpabilité et les silences qui sont les fils rouges de son oeuvre.

L'auteure prouve que les vrais souvenirs vivent et parlent en dessous.  Et rappelle qu'aimer est un verbe dont la narratrice  ne peut dire exactement quelle valeur il faut lui donner. Le tout entre innocence, gravité avec en filigrane le vertige de sa conséquence imprévue après que parfois le désir ait subsumé les interdits, le scandale et ses conséquences.

Dès lors toute l’histoire s’est remise à refaire surface en rejaillissant bravant l'ignorance d'une injonction majeure  " si je ne t’ai rien dit c’était pour ton bien." L'auteure nous fait ainsi rejoindre bien des histoires de famille où se taire est beaucoup plus important de parler - ce qui serait tenu pour un crime.  Mais voici les deux  femmes soumises avec le bout d’un fil entre les doigts, l’extrémité d’une pelote qu’à tirer pour faire venir le reste de l’Histoire.

Existe ainsi le récit implicite d'une double vie avec ses moments de suspense et ses coups de théâtre. Le tout pour une idée majeure :  sois qui tu es pour devenir toi-même.

Jean-Paul Gavard-Perret

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