
AHARON SITBON, LA MÉLODIE DE L’ÂME JUIVE
Vidéo Aharon Siton
De l’antichambre de la gloire à l’étude de la Torah, un parcours singulier sublimé par un incroyable retour à la chanson
Dans tes yeux, une larme… Petite fille… L’eau et le feu…
Derrière ces titres délicats des années 1970, se cache un interprète doté d’une grande sensibilité, également auteur-compositeur.Jeune chanteur à succès promis à une belle carrière, Gilbert Sitbon décide pourtant de changer de vie.
Des années plus tard, devenu l’heureux "aba" -papa- de sept enfants puis l’heureux "saba" - grand-père- de petits-enfants « qu’il ne compte plus » comme il s’amuse à le dire, sa guitare est de nouveau sa meilleure amie : paroles et musique rythment sa vie - pour le plaisir des notes, du partage, et par désir de transmission.
Paroles et musique riment avec Torah, comme une respiration vitale.
Alors comment expliquer cet itinéraire étonnant ? Et comment comprendre ce retour aux sources, mâtiné de spiritualité ?
Revenons « au commencement » …Bereschit
La Tunisie en l’occurrence, où le petit Gilbert - Aharon naît au sein d’une famille traditionnaliste : la fratrie comporte en tout huit frères et sœurs.
Elève au lycée public au sein d’une famille traditionnaliste
« Mes parents n’étaient pas « religieux » : on se réunissait pour le Shabbat bien sûr, on faisait les fêtes de Pessa’h, Roch Hashana, Kippour – mon papa allait à la synagogue, on jeûnait -, mais nous n’étions pas de grands pratiquants », se souvient Aharon Sitbon.
Âgé de 12 ans lorsque sa famille émigre de Tunisie vers la France, il découvre l’ambiance hexagonale via une escale à Marseille de deux ou trois mois, avant que Paris ne devienne leur nouveau point d’ancrage.
« Je suis allé à l’école laïque [comme la grande majorité des jeunes Juifs à l’époque*, ndlr]. Pour mes parents, ce qui comptait c’est que je passe le brevet, le bac… En réalité, j’ai été influencé très tôt par la musique, la guitare, la chanson : à l’âge de 17-18 ans, je ne pensais qu’à ça [rires] ! Au grand dam de mes parents… ».
Les débuts d’une success story
Jouant de la guitare et essayant de composer, Gilbert – Aharon rêve de devenir chanteur *: « C’était les années 60, une période fascinante ! Le lancement du yé-yé, Eddy Mitchell, Johnny Halliday, à l’époque Richard Antony… Nous étions éblouis ! De la « musique pure », extrêmement spontanée : il y avait quelque chose de vrai » …
Gilbert participe à plusieurs concours, jusqu’à ce qu’il en remporte un : il peut ainsi enregistrer son premier 45-tours, chez Barclay !
Le jeune chanteur se produit en tournée et sa présence scénique lui permet de vendre de nombreux disques après les concerts. « J’avais un bon impresario, Roland Bismuth, qui s’occupait également d’Yves Duteil ou de Michel Fugain ». Juste avant que "Les bals populaires" ne le propulsent au firmament, Michel Sardou lui écrit même une chanson.
En 1977, Gilbert – Aharon est invité par Philippe Bouvard à la télévision et passe à l’Olympia avec six chansons, en première partie d’Herbert Pagani *.
Mais, à mesure que les 45-tours – et un 33-tours -, s’enchaînent, ses pseudonymes changent : Gilbert Mathis ; Gilbert Sainroch ; Gilles d’Avray ; Gilbert Sitbon.Le jeune homme se perd un peu dans ce tourbillon d’identités et dans un univers qu’il qualifie aujourd’hui de « monde du mensonge ».
Du monde de l’apparence à la plénitude intérieure, version Tefilah - Tefiline
Vers 30 ans, il croise sur son chemin des Loubavitch, qui lui demandent de mettre les tefiline. Il commence à s’interroger… et en conclut que le Créateur, qui a agencé le règne minéral, végétal, animal et humain, ne peut avoir mis les hommes et les femmes au monde, « uniquement pour gagner leur vie, partir en vacances et acheter de belles voitures ! ».
Prenant conscience de la néchama juive et du don de la Torah, il se consacre à l’étude et ponctue ses journées « de travail et de Téfilah » comme l’enseigne le Rabbi de Loubavitch.
Il se lance alors dans la vente de « tout ce qui a trait à la pratique : les tableaux, les mezouzot, les tefiline », en provenance d’Israël, tandis que sa femme travaille dans une banque.
Gilbert, devient pleinement Aharon. Et cesse totalement de chanter et de jouer de la guitare… durant 30 ans !
Le « mariage » inattendu d’une mélodie française et d’un hymne familier de la liturgie juive
Mais une mélodie, ne le quitte pas : celle de la chanson de Michel Fugain, "Comme un soleil". Une mélodie envoûtante, « magique ». A l’instar d’autres artistes, Nana Mouskouri l’a reprise.
« J’ai cherché partout des paroles qui puissent correspondre à cette musique, sans rien trouver. Jusqu’à ce qu’une nuit à Paris, je me réveille à 3h du matin après avoir entendu en rêve une voix me dire : « Adon Olam ». J’ai pris ma guitare, ai ouvert la page où figure Adon Olam et me suis mis à chanter : toutes les paroles correspondaient à chaque note de musique ».
Aharon s’envole en Israël et y rencontre l’un des arrangeurs du « grand » chanteur ‘hassidique Avraham Fried : à l’écoute du morceau, celui-ci est conquis ! Il trouve quelqu’un pour faire le clip et Aharon enregistre le single, qui est produit par un autre « grand », le musicien Yuval Stoppel.
Le « résultat », est magnifique…
Des qualités vocales incroyablement préservées Une expression revient régulièrement chez Aharon Sitbon : « C’est un cadeau de D.ieu ».
« Cadeaux de D.ieu », le fait de se sentir, à 70 ans, comme s’il en avait 40 de moins, ou que ses capacités vocales de jeune homme se soient miraculeusement conservées.
« Je n’avais pas réalisé que ma voix n’avait pas changé », avoue le chanteur et homme pieux. S’il s’est efforcé de ne pas fumer, de ne pas boire d’alcool et de ne pas « veiller des nuits entières », cela n’a jamais été dans cette perspective.
Sa manière d’interpréter a indéniablement évolué, gagnant en nuances, en émotion et puissance conjuguées - même si le jeune Gilbert Sitbon était loin d’être dépourvu de sensibilité.
Autre privilège, celui de voir son fils David, devenir chanteur : « Il a repris le flambeau pour mon plus grand bonheur », confie son père. Se produisant lors d’événements ou de fêtes, David Sitbon est un interprète connu dans le monde ‘hassidique.
CheHecheyanu, l’album de l’espoir
Galvanisé par le succès d’Adon Olam, mais aussi par ses retrouvailles avec les musiciens, les arrangeurs et les studios d’enregistrement, Aharon Sitbon enregistre un deuxième single, puis un troisième, qui finissent par constituer un album : SheHecheyanu.
Les paroles des chansons - qu’il a majoritairement composées -, sont issues des Tehilim ; écrites par les arrangeurs Yitsy Barry et Eli Klein (déjà présents pour Adon Olam), d’autres chansons sont également inspirées des Livres et de la liturgie. Le duo Barry - Klein produit par ailleurs l’album*.
On peut y découvrir – entre autres - les titres Shomer Yisroel (poignant), l’entraînant Achacke Lo en duo avec son fils David (dans une ambiance musicale et visuelle proche du « peace and love »), ou encore Ani Maamin, beau et épuré.
Le sentiment d’harmonie qui en émane, est sans doute lié à deux plénitudes : celle du monde et de l’être humain « habités » par le Créateur, telle qu’elle est célébrée dans les prières juives ; celle de l’artiste Aharon Sitbon, accomplissant l’avodat Hachem (service de D.ieu).
Ce qui explique l’excellent accueil qui lui est réservé : Aharon Sitbon a déjà « refait quelques scènes par-ci par-là, en Israël et en France », participant également à des émissions de radio.
« Je reconnais avoir eu tendance à minimiser l’importance de la musique. Or elle apporte la joie – et D.ieu nous veut ainsi ! Mon but est désormais de chanter pour toucher les "nechamote", les âmes juives : en écoutant ces chansons, avec ma voix, les gens ressentent la foi. C’est extraordinaire comme mission ».
Dernier élément, capital : les bénéfices des ventes de CheHecheyanu, seront reversés à l’association israélienne Eshel Tsion*, qui aide les familles et les enfants pour les fêtes en distribuant des colis mais aussi des bons d’achat de la chaîne Rami Levy, qui leur permettent de se procurer des produits frais.
« En achetant un album ou deux, on joint l’utile à l’agréable. Les gens qui feront des dons à l’association, recevront aussi l’album en retour ».
~ Aharon Sitbon dispose d’un don rare : celui de relier notre âme, à une dimension qui dépasse l’être humain. Il suffit de se laisser emporter par sa voix…
Lydie Levine, pour Alliance
1 – En 1945, il n’existait que quatre écoles juives en France : l’ENIO de l’Alliance Israélite Universelle (1867), Lucien de Hirsch (1901), Maïmonide (1935) et la Yéchiva d’Aix-les-Bains (1927). En 2005, 30 000 élèves fréquentaient les écoles juives.
2 – La fratrie Sitbon compte deux autres artistes : la sœur aînée d’Aharon, qui dans sa jeunesse jouait du luth et chantait lorsque les gens le lui demandaient, dans les bar-mitsvah ou mariages, et l’un de ses frères, devenu le batteur attitré de plusieurs grands chanteurs (Claude François, Michel Sardou, Julien Clerc, Michel Berger, Véronique Sanson).
3 - Né dans une famille juive libyenne, Herbert Pagani (1944-1988), est un peintre, sculpteur et auteur-compositeur des années 1970, également connu pour avoir été le premier disc-jokey de Radio Monte-Carlo.
Auteur en 1972 de Megalopolis, une comédie musicale de politique-fiction qui « annonçait » Starmania et a connu un immense succès à Paris, on lui doit également plusieurs chansons liées à l’identité juive (L’étoile d’or) et au soutien à Israël (Plaidoyer pour ma terre).
4 – L’album SheHecheyanu d’Aharon Sitbon, est notamment en vente sur http://fr.israel-music.com/
A Paris, on pourra bientôt se le procurer au Franprix Voltaire, dans les librairies juives ainsi que des épiceries et boucheries casher.
5 – Les amis d’Eshel Tsion, 103, boulevard Macdonald, 75019 Paris
Spécial Alliance : LES GRANDES ESPÉRANCES, REPRISES PAR UN ARTISTE CÉLÈBRE
Au cœur d’une interview, se nichent parfois des surprises de taille.
En parcourant les événements marquants de la vie d’Aharon Sitbon, Alliance évoque la reprise de sa chanson, Les Grandes Espérances, par le chanteur Jean-Luc Lahaye, dans son album Gloria en 1984. Aharon est stupéfait : il l’ignorait totalement !
Un joli titre empli de nostalgie et d’humanité, qui bouleverse le public si l’on en croit les commentaires élogieux publiés sur les réseaux sociaux.
Impossible à ce stade de savoir si le manager de Jean-Luc Lahaye à l’époque, son entourage ou l’artiste lui-même, ont cherché à joindre l’auteur sans y parvenir – ou s’ils se sont "gracieusement octroyés" sa chanson.
A suivre…
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