
"On a compris que c'était un piège mortel" : le récit glaçant de Bar Miransky, survivante du 7 octobre
Un retour à la vie après la mort
Assise dans un coin tranquille d'un café de Tel-Aviv, Bar Miransky, jeune Israélienne au sourire timide, dissimule un passé d’horreur que nul passant ne pourrait deviner. Pourtant, cette survivante du massacre du 7 octobre porte encore en elle les stigmates d’un cauchemar vivant : cinq balles dans le corps, trois jours en mort clinique, des mois de rééducation. Le traumatisme de Migonit ne l'a jamais quittée.
Une nuit de retrouvailles vire au cauchemar
Revenant d'un long voyage en Amérique du Sud, Bar avait retrouvé ses amis pour la fête Nova. Ils étaient cinq : Adar Duchan, Shirel Gabay, Bar Goldstein, Yuval Rafael et elle-même. Arrivés à deux heures du matin, ils s'étaient installés près de la sortie, espérant repartir aisément.
Mais vers cinq heures, des détonations. Bar croit d'abord à des feux d'artifice. "On a vite compris que la fête était finie et que le danger était réel." Ils tentent de fuir, retrouvent Shirel, couchée au sol, terrifiée. Tous embarquent dans la voiture. Direction le kibboutz de Bar, à quinze minutes de là.
Le retour impossible et le refuge de l’horreur
À peine partis, ils croisent une scène terrifiante: des voitures stoppées, des gestes d’égorgement. Un barrage terroriste abat les fuyards à quelques kilomètres. Les cinq amis font demi-tour et se réfugient dans un abri orné d’une image innocente : une fillette soufflant des bulles.
"Nous étions 28 dans cet abri. J'étais dehors quand j'ai vu des véhicules blindés approcher. Trois policiers sont arrivés, mais ont été tués presque immédiatement. Ensuite, les terroristes sont entrés."
La première grenade explose. Un homme se jette dessus : Avi Sassi, venu avec sa fille et sa nièce, sauve des vies au prix de la sienne. Trois autres grenades suivent. Bar est projetée. Elle ne sent plus sa jambe : "J'avais déjà reçu une balle à 8h01, mais l'adrénaline m'a empêchée de le sentir."
Un enfer à huis clos
Pendant sept heures, l'abri est bombardé de grenades et criblé de balles. Les survivants utilisent les corps comme protection. "Au début, on respecte les morts. Puis, ils deviennent votre seul bouclier."
Une fille à ses côtés perd ses membres, meurt lentement. Une autre, grièvement blessée, supplie qu'on la regarde. "Je pensais à la faire taire pour ne pas attirer les terroristes."
Chaque escouade apporte son lot d'horreur. "Je suis touchée trois fois dans le dos. Tu ne comprends pas pourquoi tu respires encore. Tu es vide."
L'attente de la mort, la résurrection inespérée
Vers 13h, Bar reçoit une cinquième balle, cette fois dans le poumon. Elle croit sa fin proche. "J'ai dit à Adar et Yuval : dites à mes parents que je les aime."
Les minutes deviennent des heures. "On compte les respirations. On vit entre deux mondes. J'ai résumé ma vie en dix minutes. C'était fini."
Soudain, une voix : "Nitzan, papa vient te sauver !" Moti Ezra entre dans l'abri pour extraire sa fille... et sauve les survivants. Aucun secouriste n'était arrivé avant lui. Bar est transportée jusqu'à la station-service d'Orim. "Là, j'ai vu des dizaines de soldats. J'avais envie de leur hurler : où étiez-vous ?"
Une reconstruction à jamais incomplète
Evacuée vers Shaare Zedek, elle est identifiée uniquement par son tatouage. Trois jours en coma. Cinq opérations. Aujourd'hui, elle vit à Ra'anana avec ses parents. "Je ne suis plus la même. Deux fois par semaine, psychologue et kiné. Je me bats."
Bar parle aussi de la culpabilité. "Ils sont morts et je suis là. J'ai fait taire les derniers souffles. J'ai récemment raconté à une mère comment sa fille est morte : elle a saigné deux heures, faute de garrot."
L'exigence de vérité et de justice
"L'enquête de Tsahal ne dit rien sur Migonit. Ils n'en sont qu'au début. Cela prendra du temps. Et même si elle est terminée, elle ne sera jamais celle de l’État."
Bar dénonce l’échec : "Des condamnés à mort ont appelé le 100. Une policière leur a répondu : 'Désolée, ce n’est pas notre domaine.' Qui sera tenu responsable ? Les morts ne reviendront pas. Mais quelqu'un doit répondre de cette défaillance."
Elle conclut : "Il faut une commission d'enquête d’État. Pour les morts. Pour les vivants. Pour que le 7 octobre ne devienne pas un simple fait divers."
Les détails que l’Histoire ne doit pas oublier
Dans le chaos de Migonit, certains actes de barbarie dépassent l'entendement.
Des témoins rapportent que des terroristes ont marché délibérément sur des blessés gémissants, les piétinant jusqu'à l'écrasement.
D'autres ont entendu les rires de leurs bourreaux en train d’asperger l’abri d’essence, en criant qu’ils allaient tous « brûler comme des chiens ».
Les cadavres, parfois méconnaissables, servaient de barricades, mais aussi de camouflage. Des survivants ont dû glisser leurs bras sous des torses mutilés, arracher des vêtements ensanglantés pour se couvrir. Bar raconte avoir vu une jeune femme se faire traîner par les cheveux à moitié morte avant d’être jetée contre le mur de l’abri.
La tête a heurté la pierre si violemment qu’un filet de sang a coulé le long du mur pendant des heures.
Vos réactions